Tout ce qui Rudy n’est pas or.
Depuis que Rudy Demotte s’est installé sur le siège qu’occupait son éminence Elio, si le discours a changé, le côté obscur de la chose wallonne demeure, comme en témoigne la dernière prestation vocale de notre nouveau crooner.
L’état de la Wallonie reste un exercice d’une rare insuffisance dans l’explication de texte.
D’abord les chiffres, même si Demotte ne les assène plus péremptoirement à la face des détracteurs potentiels. Ils sont tirés de quoi et par qui ? Sont-ils recoupés et sur quoi ?
On en a marre des économistes high-tech. Depuis que je les fréquente, ils m’ont toujours raconté des craques, plus peut-être que les bonimenteurs météorologistes ! Ils n’ont raison qu’après coup, après avoir changé deux ou trois fois d’opinion !
Alors si le style autosatisfait de Di Rupo fait place aux scrupules et au doute de Rudy, tant mieux, l’esprit critique y gagne ; mais, les sources ? On croirait assister au spectacle de guignol. On rosse ou on admire pandore, mais on sait rarement pourquoi ?
« Les efforts à faire » vont de paire avec « allez-y les gars » !... Le lieu commun dépassé, on ne se sent pas mieux loti. Les efforts à faire par rapport à quoi et pour tendre vers quel objectif ? Demotte est ce petit homme de barre qui crie sur les rameurs de son huit « allez-y » pour qu’ils jettent leur dernière force sur les avirons. Mais ce cri primal en économie ne ressemble à rien, sinon à un jeu de dupe où c’est tout de même le barreur qui est le cul sur son siège et qui n’en fiche pas une secousse, tandis que les autres mouillent leur chemise.
On veut bien croire que le redressement wallon est en cours, sans que nous en soyons flattés pour autant. En tout cas, ce qui n’est pas en cours, c’est la vie des Wallons rendue extrêmement difficile dans une précarité aggravée. Alors, si c’est cela le redressement wallon, tout pour l’implant industriel et rien pour ses servants, que Rudy aille se faire foutre.
Le comble c’est la suite. Si nous allons mieux, nous sommes toujours en convalescence et donc fragiles. Quant à la chance de s’en sortir, il faudrait s’entendre là-dessus. Si c’est s’en sortir en travaillant plus et en gagnant moins à cause de l’augmentation des prix, il y aurait urgence à ce que Demotte revoie sa copie et notamment sur le socialisme dont il est toujours apparemment un ardent partisan, ou alors, il y aurait un transfuge de plus dans la catégorie moutonnante des adorateurs du libéralisme triomphant et, par conséquent, il serait passé chez Reynders sans que nous ne nous en apercevions !
En 1900, on était accablé par le système qui n’était pas encore ce qu’il est aujourd’hui. Mais, l’espérance était dans les cœurs. On était au temps du paternalisme et de la charité pour les pauvres. On croyait dur comme fer qu’il fallait trouver un autre système pour mettre au pas les égoïsmes. En 2008, il y a 17 % 5 de Wallons qui vivent sous le seuil de pauvreté, sans compter ceux qui glandent sur le seuil, soit la moitié de la population. On ne peut pas dire que nos grands parents aient réussi à travers nous à changer les égoïsmes, à trouver d’autres moyens de vivre mieux et ensemble.
Si le socialisme est mort, ce n’est pas pour autant que la victoire du libéralisme est une admirable manière de faire évoluer les choses. Au contraire, le triomphe du libéralisme, c’est la pire des catastrophes qui pouvait arriver au plus grand nombre.
Si notre objectif est d’avaler toutes les couleuvres du libéralisme dans sa dernière métamorphose mondialiste et que nous soyons à la recherche des repères de production accrus et de sacrifice plus grands, alors, d’accord calquons notre façon de voir sur les Flamands qui nous montrent l’exemple. Bossons de plus en plus en limitant les besoins de la masse au minimum.
Il faudrait que Demotte nous le dise. Si ce sont ses objectifs aussi, qu’il nous les précise !
Les valets à force d’entendre les maîtres finissent par parler comme eux.
Sommes-nous tombés si bas, Monsieur Demotte, que nous n’avons plus la capacité de raisonner autrement que par effet de comparaison sur les meilleurs élèves du capitalisme que sont les Flamands ?
On a perdu depuis longtemps de vue l’élément essentiel de la réussite, c’est celui du bonheur. Sommes-nous plus heureux dans nos métiers parcellisés et à la chaîne ? Sommes-nous plus heureux de la manière dont on « intérimise » les contrats de travail ? Sommes-nous plus heureux de la manière dont vivent aujourd’hui les malades et les vieux ?
Vous êtes bien comme vos pareils, Monsieur Demotte, vous avez l’œil productiviste. Vous restez braqué sur les cours et l’engouement des actionnaires, même si c’est pour faire avancer le schmilblick, ce ne sera jamais que dans un sens qui nous tuera tous, un jour. Et en l’attendant, vous rassurez les esclaves qui montent vers les abattoirs en conseillant la résignation et le travail.
Merde, je suis Wallon autant que vous, et votre Wallonie ne me plaît guère…