Le vote sanction et puis après ?
J’ai failli rater les élections françaises !
Quand je pense aux lecteurs français, j’ai un peu honte à leur dire que je n’ai guère été passionné. Avec une abstention record, on peut dire que je n’étais pas le seul.
Les uns minimisent leur déculottée en soulignant que les élections étaient locales, les autres s’en vont répandre partout qu’ils ont gagné, tant certains électeurs étaient fâchés avec le vote qu’ils avaient fait en faveur de Sarko pour la présidence.
A les voir s’agiter - on se rappelle le soir de l’élection présidentielle de l’année dernière - on allait voir quelque chose. On n’a rien vu. Au contraire, ils se sont défaussés dimanche en sanctionnant l’UMP.
Mais comment comprendre alors la dégelée de Bayrou à Pau et ailleurs du MODEM ?
Il y a eu de tout. Les uns ont voté pour le maire sortant quelle que soit son étiquette, comme Juppé à Bordeaux, pourtant dans la panade aux législatives, d’autres pour un adversaire du maire parce qu’ils estimaient qu’il n’avait pas fait un bon boulot, enfin les déçus du sarkozysme ont émis un vote sanction national. Reste que Bayrou ne comprend rien à une bonne stratégie au centre. Son intransigeance est proprement suicidaire.
Le folklore a été respecté à Perpignan. « La fraude est dans les chaussettes » a titré Marianne à propos du président du bureau de vote numéro 4 pris en flagrant délit de bourrage des urnes et arrêté. L'opposition dénonce des fraudes massives de l’UMP, mais le scrutin a été validé…
Les Français sont d’étranges créatures, tantôt ils admirent le people et voient dans le président un homme qui sait y faire avec les médias, ses femmes, ses enfants et son côté glamour ; puis, ils ne supportent plus de le voir sabler le champagne sur le yacht de Bolloré. Il est vrai qu’il avait déclaré, tout de suite après le cadeau fiscal aux grosses fortunes, que les caisses étaient vides pour des remises à niveau des bas salaires et des pensions.
C’est ça la désillusion : plus rien n’intéresse, tout s’obscurcit et le charme de Carla, supérieur à celui de Cécilia, n’agit plus sur l’électeur.
Les transférés volontaires de la gauche à la droite qui se croyaient peinards pour dix ans se demandent s’ils ont misé sur le bon cheval.
Jack Lang à deux doigts de franchir le Rubicond a bien fait d’attendre. Il peut poursuivre ses ricanements à propos des déclarations de Ségolène Royal sur TF1. Il s’en est fallu de presque rien qu’ils fussent légitimes comme ceux d’Eric Besson.
Les électeurs en désamour se souviennent de toutes les promesses et ils n’aiment pas avoir été mis en boîte. Pourtant cela crevait l’écran.
J’ai flairé l’imposture le jour où le candidat Sarkozy s’est mis à en découdre sur mai 68 pour racoler les électeurs de Le Pen. Pour un type qui trimballe des enfants de trois lits, qui divorce et se marie sur trois mois, on peut dire qu’en plus d’être bling-bling, c’était typiquement s’afficher pour la liberté découverte en 68 par les étudiants.
La suite va être gratinée. Car devenu impopulaire, comment va-t-il faire passer les réformes qui le sont tout autant, alors que la crise américaine a déjà des répercussions sur l’économie européenne ?
Ce n’est pas faux de la part de François Hollande d’affirmer qu’à ce titre, c’est bel et bien à un vote contre une politique générale qui inquiète l’opinion.
La balle serait dans le camp de la gauche si le principal parti qui la compose avait un plan et rassemblé ses militants avant d’avoir fait des alliances avec toute autre composante de celle-ci.
On sait la difficulté de tous les partis socialistes de l’Union Européenne de se démarquer du capitalisme ambiant, pour ne pas trop s’étonner des hésitations dues à la situation ambiguë où ils sont tous.
Sans un programme fort et raisonné du PS, ce qui différencie le PS de l’UMP sera de moins en moins perceptible par les Français.
Il faudra bien plus que les minuscules différences actuelles - puisque tous les militants du PS sont bien d’accords sur les lois du marché et la glorification du profit – pour sentir le frémissement d’un changement.
Mais, il est possible que ce soit l’UMP qui provoque ce changement avec la poursuite chaudement impopulaire des réformes du gouvernement Fillon.
L’Elysée remanie, alors que la défaite avait été minimisée et circonscrite aux villes et communes.
C’est le signe qu’ils ont senti le vent du boulet.