L’amour du joug par la peur d’être libre.
Dans un chapitre de l’Anthropologie, Kant évoque la situation de ceux dont la situation de faiblesse civique ne permet pas de se montrer tristes ou gais, et qui ne peuvent plus courir le risque du moindre impair.
C’est la situation dans laquelle les négociateurs francophones de BHV se trouvent.
On peut déduire de ce comportement de « finauderie » que les Wallons et les Bruxellois sont dans un état de dépendance comme le sont les minorités partout dans le monde.
Il n’y a pas si longtemps, par exemple sous les gouvernements Maertens et Dehaen, beaucoup moins sous celui de Verhofstadt, il était réellement plus intelligent pour le plus faible, de ne pas être jugé tel !
Aujourd’hui, la faiblesse insigne ne peut plus se dissimuler. Reste le paravent ultime : la bêtise, derrière laquelle tentent de se rassembler les négociateurs francophones, comme le troupeau se rassemble à l’approche du loup.
La bêtise endort la méfiance, en d’autres termes, elle désarme.
On retrouve des bribes de cette dernière alternative dans certains rapports de dépendance ou les forces sont tellement inégales que le plus faible espère qu’on l’oubliera en se faisant passer pour plus bête qu’il n’est.
L’Etat belge n’est plus gouvernable, parce que les relations entre la majorité et la minorité sont devenues simplement les rapports du maître et du serviteur.
Lorsque Didier Reynders croit de bonne politique d’évoquer la faiblesse économique de la Wallonie par rapport à la prospérité de la Flandre, on sait bien qu’il vise le plan Marshall et le flop du Génie de Mons. Plus il noircit le tableau, plus les électeurs voteront libéral, croit-il. Peut-être bien aurait-il raison s’il n’y avait une Flandre attentive à nos faux pas, qui s’en approprie le trébuchement par des comparaisons qui nous enfoncent davantage. A ce niveau, Reynders entre dans un rôle d’incivique qui abaisse la Wallonie en même temps qu’il s’abaisse.
Il n’y a pas de comparaison possible entre majorité et minorité, sinon que celle-ci en voulant copier celle-là perd son âme et sa liberté.
Il n’y a pas un seul Wallon lucide qui voudrait « réussir » à la flamande !
Abandonner la manière « bête » pour la manière « intelligente » n’est pas bonne non plus, toujours dans le cadre d’un assujettissement à plus fort que soi.
L’intelligence présente un risque pour le faible, elle n’est appréciée du fort qu’à la condition d’être associée à un grand dévouement. Il n’est plus possible d’être à parité avec les Flamands, ceux-ci nous trouveraient insolents et immodestes. C’est ainsi qu’ils considèrent les thèses séparatistes de quelques francophones. Il n’est pas question pour eux d’imaginer une seconde un grand Bruxelles !
L’intelligence du plus faible attente directement à l’intelligence du plus fort, quand elle n’est pas servile.
Dès qu’on abandonne la pose de la bêtise, les minorités deviennent vulnérables au langage sur la base duquel se fondent la menace sociale et le trouble de la déviance.
Autrement dit, les Flamands ne voudront conserver l’Etat belge dans lequel nos avenirs sont communs que dans la mesure où nous mettrons de la bonne volonté à leur ressembler.
C’est-à-dire tenir un langage de droite et une définition identique du rôle de l’Etat pour une société dans laquelle la stimulation des masses au travail entre dans une parfaite orthodoxie capitaliste.
Qui ne voit le mirage dans lequel nous entraînent ceux qui s’apprêtent à négocier notre capitulation ?
La Wallonie n’a aucun courant séparatiste fort. Elle n’est donc pas préparée à l’éventualité de son indépendance.
Nos élus jouent tout sur une mauvaise carte. Quand ils ne pourront plus faire autrement, ils diront que leurs électeurs les y auront forcés. Ils continueront à faire la bête. Ils ne sauront plus faire que ça.
Ce sera la fin des élites actuelles. Elles ne l’auront pas volée !