L’opéra buffa de Silvio.
Depuis qu’il est revenu au pouvoir, Silvio Berlusconi n’a pas traîné de couper la ficelle qui retenait ses casseroles au nouveau char de l’Etat.
Peut-être bien que l’électeur l’adore pour de toute autre raison que celle de la télé qui recommande chaudement le commandatore à l’attention des foules, par exemple l’admiration de la rue pour la combinazione – magouille en français – sport national dont il est le maestro incontesté.
Ainsi tout est clair. L’électeur italien n’est plus de droite, ni de gauche, il est du parti débrouillardiste avant tout et son modèle est au pouvoir parce qu’il le mérite.
Il n’y a pas plus ficelle que Silvio. Sa vie durant, il n’a fait que naviguer à vue du licite à l’illicite comme en témoigne toutes ses victimes, ses nombreux procès, ses passages à vide et sa fortune, aujourd’hui considérable.
Il lui manquait la maîtrise du pays, après celle des affaires.
C’est fait.
La justice italienne pourra se brosser. La tentative de 2001 ayant capoter, le texte actuel, baptisé par l'opposition "Sauvetage du premier ministre", prévoit la suspension "immédiate et pour un an" des procès dont les faits remontent avant le 30 juin 2002, sous le prétexte de donner la priorité aux affaires plus récentes et plus graves (passibles de dix ans de prison). L'objectif avoué est de désengorger les tribunaux. L’inavoué c’est la paix pour un an du maestro qui trouvera bien d’ici là quelques nouvelles astuces, des témoins de dernière minute ou des « coupables » qui assurent ainsi leurs vieux jours, contre une ou deux années de prison.
Giuseppe Cascini, secrétaire général de l'Association nationale des magistrats (ANM) qui pourtant en a vu d’autres, proteste au nom des 9.200 juges de la péninsule. Il a peine à croire que l’on puisse suspendre 100.000 procès pour en éviter un seul. Berlusconi qui n’est pas sans humour a répliqué à Cascini que "l'un des nombreux procès fantaisistes que les magistrats d'extrême gauche ont intentés contre moi à des fins politiques" pouvait bien se trouver dans le lot des 100.000 et que ça n’y changerait rien.
Les Italiens se passionnent pour ce genre d’homme, eux qui sont de plus en plus nombreux à mépriser l’Etat et sa justice. Silvio est très représentatif d’une forme d’anarchie de droite, celle d’un individualiste forcené.
Ils ne voient pas encore où ces dérives conduisent l’Italie. Ils s’en apercevront quand il sera trop tard. Heureusement que Silvio est assez âgé pour qu’il ne songe pas à une carrière de dicatateur.
C’est un vieux roublard qui pense qu’ils n’ont qu’à se débrouiller après lui.
C’est toute la problématique de la démocratie européenne qui fait un cas d’école à Rome.
Est-il possible qu’à force de ne plus croire à l’efficacité des politiques sociales, qu’elles soient de droite ou de gauche, les électeurs en arrivent à admirer les gens qui pratiquent celle du pire ?
Il faut dire que la gauche en Italie et en Europe pose un sacré problème aux gens qui traditionnellement lui font confiance.
Ils ne s’y passe rien de neuf qu’une droite classique puisse faire de la même manière que la gauche. Le vote, petit à petit, perd tout son sens. Le basculement dans l’un ou l’autre camp ne vient même plus de cette franche centriste indécise de 5 % d’électeurs qui faisait la pluie et le beau temps, en penchant pour l’un ou l’autre, à la dernière minute !
Prodi ou Berlusconi ? Ce n’est plus 5 % mais la moitié du corps électoral qui décide d’une défaite ou d’un triomphe.
La puissance d’un Berlusconi dans les médias où il s’est adroitement fourré, est indiscutablement prépondérante.
Pauvre Italie ?
Non : pauvre Europe.
Au fait : où en est le ramassage des poubelles à Naples ? Plus personne n’en parle. Silvio aurait-il conclu des accords avec la maffia ?
Les juges n’ont peut-être pas tous baissé les bras. L’Express parle d’un rebondissement, ce vendredi : « le procès va se poursuivre, a annoncé l'agence Ansa. La juge Nicoletta Gandus qui préside le procès s'est prononcée contre cette suspension dans une ordonnance, selon la même source. »
Il ne reste plus au cavaliere qu’à proposer une mise à la retraite d’office de l’impertinente.