Quaden et Thierpont, progressistes !
C’est quand même grandiose de la part des médias ce qu’ils écrivent à propos de Guy Quaden, le gouverneur de la Banque nationale. L’homme pose une question vieille comme le Première Internationale, et tout le monde s’interroge. On s’extasie, on se congratule comme si c’était les premiers pas d’un économiste sur la lune !
La question, la voici :
« Faut-il indexer de la même manière un salaire de 1.000 euros et un salaire de 10.000 ? ».
Que Guy Quaden découvre le sens de l’équité et du social, c’est bien. Mais cela arrive un peu tard, tandis qu’on le voit venir dans ses escarpins chics.
Il n’y a pas un congrès, une assemblée, une réunion de village des cercles de gauche qu’ils soient philosophiques ou politiques qui s’achèvent sans avoir au moins une fois abordé le problème de l’égalité dans une démocratie, et pas que sur l’index, sur la perception équitable de l’impôt et sur cette fameuse rosserie de la TVA.
Alors, que Pierre-Yves Thierpont s’ébaubisse de la pertinence de la réflexion personnelle de Guy Quaden, il y a de quoi surprendre. A moins, une fois de plus, que les médias n’attribuent plus d’importance aux déclarations d’un personnage, parce qu’il est en vue, que les centaines de milliers de gens qui crient la même chose depuis fort longtemps..
Il est vrai que « Le Soir » a une excuse de taille. Le grand parti qui est censé représenter les travailleurs et les petites gens en général n’a plus soulevé les questions de justice sociale et de justice tout court depuis 1945 (1) ! Il s’est endormi dans les bras du libéralisme, étouffé par les dépendants affectifs et financiers que sont les bobos de la gauche caviar.
Cet endormissement sur l’édredon mœlleux de la représentativité du pauvre n’est hélas que le privilège d’une élite universitaire qui s’est emparée des bonnes places d’un PS phagocyté sur ses planques à fric.
Ce que veut une majorité dans ce pays, ce n’est pas un index bidouillé, une pension dérisoire, une taxation impitoyable sur l’infortune plutôt que sur la fortune. Ce ne sont pas des représentants de la nation propriétaires en Toscane, trusteurs de mandats, qui nous donneront des leçons d’austérité.
C’est une pension minimale à 1500 euros et maximale à 2000 euros; un plafonnement à fixer du haut de l’échelle des salaires, comprenant tous les avantages en nature, les royalties et les primes ; des représentants du peuple au revenu mensuel ne dépassant pas 3.000 euros, sans à-côtés scandaleux, et des frais vérifiables sur pièces comptables n’excédant pas la même somme ; une TVA petit à petit réduite à 6 % sur tous les produits, les sommes perdues étant compensées par les taxes nouvelles sur l’actionnariat, la spéculation sur les monnaies, les réévaluations de patrimoine et les bénéfices exceptionnels ; une déclaration des revenus exonérant d’impôt les 1500 premiers euros gagnés du mois.
Quoi, s’écrieront en chœur Pierre-Yves Thierpont et Guy Quaden, c’est du communisme !
Non, messieurs, c’est de la démocratie.
Il suffirait de faire une proposition en ce sens aux citoyens pour savoir qui est majoritaire dans ce pays.
Mais voilà, pour seulement ébaucher une approche de ce programme idéal, il faut un vrai parti socialiste, il faut que les dirigeants aient des couilles (même les dames, si vous voyez ce que je veux dire) ; que la presse séduite, par le vrai rôle de la démocratie, s’enthousiasme non pas des déclarations d’un Guy Quaden, mais des classiques de la voix du peuple de Jaurès aux philosophes d’aujourd’hui, qu’on ne publie guère dans les gazettes et dont le parti socialiste s’inspire encore moins.
Tous les « progressistes » de la gauche à la droite ont protesté que l’on ne toucherait pas à l’index. Pourquoi ? Cela gênerait madame Onkelinx que l’on reportât sur les petits salaires la part de l’index que l’on défalquerait des gros ? Idem pour le système des pensions ?
Cela ne me gênerait pas du tout. Je n’éprouve un certain état d’âme que lorsque Reynders est du même avis que moi, ce qui ne semble pas gêner mesdames Onkelinx et Milquet.
Utopistes, démagogiques les suggestions proposées ? Aujourd’hui même, la société InBev, grand sabreur d’emplois, vient de lancer une offre d’achat d’une bière américaine Anheuser-Busch pour 46,3 milliards de dollars. A qui est-il ce pognon ? Qui l’a gagné ?
L’intention de Guy Quaden dans sa critique de l’index est d’attirer l’attention des syndicats sur le haut du tableau, afin de mieux rouler le bas dans la farine libérale.
Merci bien. Le jour où Guy Quaden sera bon à quelque chose, c’est quand il retroussera ses manches au lieu de n’être que la mouche du coche.
Mais son idée est à creuser.
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1. Et encore, le PS qui se reconstituait avait les communistes dans le dos et une Résistance qui rechignait à déposer les armes. L’Armée de Piron s’agitait ferme et on sentait comme de l’angoisse dans les partis du fric. Léopold III jouait les jeunes mariés en Suisse et, comme aujourd’hui, les Saxe-Cobourg pensaient à se reconvertir. Il aurait été politiquement incorrect que le PS ne fût plus déjà de gauche !