Le Journal Le Monde se tire...
…une balle dans le pied.
La nouvelle est bien triste, le journal Le Monde pour rester présent parmi les quotidiens va devoir se séparer d’une partie de sa rédaction.
Voilà pas mal d’années que le temps n’est plus au beau pour ceux dont la passion coïncidait avec le souci d’informer.
Je sais. J’ai souvent dit du mal de la presse et de ceux qui la font.
C’est peut-être parce que j’avais beaucoup d’ambition pour elle et de ce fait, l’ai-je trop aimée ?
Et aussi ai-je eu sans l’oser pouvoir dire le désir d’en être ?
Cependant la mesure n’est pas mon fort et j’aurais eu bien du mal à contrôler ce que je pense avant de passer à ce que j’en écris.
Mais c’est aussi un reproche que l’on peut faire à la presse : son esprit de mesure.
Je ne défendais qu’une cause qui me paraissait juste. Eux défendent l’information nécessaire à former l’opinion. On pourrait peut-être chipoter sur la nature du charbon qui alimente la chaudière de la locomotive, mais bon, voilà du temps qu’on roule à l’électricité. Peut-être ne m’en suis-je pas aperçu ?
Enfin, ce n’est pas le jour de sortir ses états d’âme, au moment où les autres sont en peine.
Le Monde va se sentir déforcé et amoindri à la suite de cette purge qu’on dit nécessaire.
Le dilemme n’est pas neuf. On allège la rédaction pour combler les déficits. Le journal perd de sa substance donc de son intérêt et au lieu de combler les déficits de cette manière, on les alourdit.
On se souvient qu’à Liège, le journal La Meuse comme on l’entendait à la grande époque est mort de cette manière, si l’on considère que le squelette qui survit actuellement grâce aux béquilles d’une association d’infirmes n’est plus qu’une chimère de journal
La liste des licenciés touche aux relations du journal avec l’étranger. Ce choix est celui qui dans tous les cas prélude aux belles morts générales de l’écrit. Sans correspondant permanent, il n’est de recours possibles qu’aux agences d’information extérieures au journal. Donc, l’information ainsi diffusée est celle que vous avez dans tous les autres journaux, elle coïncide souvent avec l’avis officiel des pays concernés.
On voit directement où cette diminution des effectifs conduit.
On en a un avant-goût de ce qui se passera bientôt au Monde, avec l’exemple du conflit russo-géorgien.
La version du russe agresseur est celle qui s’est répandue, réveillant le réflexe antirusse. Sarkozy s’est empressé de sommer la Russie de se retirer des territoires « martyrs ». Les journaux proches du pouvoir, de l’OTAN et de l’Europe ont parlé d’exactions de la soldatesque. Le président Bush a réussi son petit numéro. Or, c’est bien le président géorgien Mikheil Saakashvili qui a attaqué les forces de maintien de la paix en Ossétie du Sud, mettant le feu aux poudres.
Certes, ce détail a été évoqué, mais on ne lui a pas donné l’importance qu’il méritait. On a glissé tout de suite sur les perspectives d’accord avec l’OTAN des anciennes Républiques de l’ex-URSS.
Le reste de l’actualité n’est pas rien. Le Parlement russe a voté à l'unanimité une déclaration qui appelle le président, Dmitri Medvedev, à reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Moscou se dit prêt à aller jusqu'à la "rupture" avec l'Otan. Ces minorités russophones n’ont pas tort N’avons-nous pas poussé à l’indépendance du Kosovo, pour les mêmes raisons ?
La disparition des correspondants-maison à l’étranger va faire perdre au Monde sa capacité à vivre les choses au plus près avec ses lecteurs.
Nous perdrons de précieux points de vue pour nous faire une opinion circonstanciée.
Le conflit des journalistes du Monde avec Alain Minc et Cie devait se terminer ainsi, par un plan de départs volontaires.
Les licenciements secs auront été évités.
Mais, c’est sans garantie pour l’avenir. Et on connaît l’effet domino des plans de suppressions d’emplois ; la perte de lecteurs se poursuit, dame, l’information s’amincit, les commentaires se raréfient, la pertinence entre en jeu.
N’a-t-on pas connu ça à Liège et ailleurs ?
Avec les gens de qualité qui vont battre le pavé de la Capitale, on pourrait bâtir un excellent journal. Certains, d’ailleurs, n’auront aucune peine à se refaire une santé dans une autre publication. C’est évidemment de bonne guerre. Cela pourrait créer indirectement une nouvelle perte de lecteurs qui suivraient les plumes qu’ils estiment.
Le service Correction est aussi touché avec le départ de Josette Rolinat. On se doute bien qu’à partir des factures à payer, on se moque des fautes d’orthographe. Et pourtant, on a tort. La déchéance se voit dans le laisser-aller, l’abandon d’une certaine tenue. C’est une constante dans l’aventure de la presse, le correcteur est souvent le premier visé.
Merci pour les profs et les élèves, un bon conseil ne lisez plus Le Monde, il pourrait bien vous gâter l’accord des participes.
Reste à se demander comment la direction va naviguer sans ses bons quartiers-maîtres ?
Dans la liste des « disparus » je n’ai pas vu le nom de ma petite préférée : Raphaëlle Bacqué. Ce m’est une douce consolation.
Mais tout de même, un journal qui s’effiloche par-ci, un autre qui meurt par-là, c’est un peu la liberté des citoyens qui fout le camp !