Roselyne Bachelot
Les médias français se satisfont de peu de choses dans la critique d’opposition à un ministre. Que reproche-t-on à Roselyne Bachelot ? D’avoir effectué sa rentrée au conseil des ministres en «crocs» roses, selon une promesse qu’elle avait faite avant les JO.
Deux jours auparavant, elle se faisait soulever triomphalement par des sportifs revenus médaillés de Pékin, dans la cour de l’Elysée.
Ce prétexte assez mince qui permet à l’opposition d’élever la voix, montre l’état de délabrement de la gauche, ralliée au libéralisme !
Ce qui est encore plus étonnant, c’est la réaction du public toute opinion confondue, effarouché par « le manque de dignité » et le « respect que l’on doit à la fonction de ministre. Alors que les mêmes ne se privent pas de maugréer contre la folie des grandeurs, les traitements surfaits et le mépris des électeurs qu’affichent certains parvenus jusqu’à des ministères « qu’ils ne méritent pas ».
Les « frasques » et les « originalités » des personnes en vue seraient propres à rendre la vie publique plus gaie. Vivre détendu et dans la bonne humeur rend les choses moins difficiles. Il est bon que les gens s’aperçoivent que les privilégiés sont des hommes et des femmes comme eux.
Le respect excessif n’est pas le moyen idéal d’égaliser les rapports entre administrateurs et administrés. Il sous-entend une hiérarchie fondée souvent sur l’injustice, qui débouche parfois sur une soumission du plus grand nombre à une élite de situation.
Se conduire avec originalité et désinvolture réduit les écarts quand cette conduite est bon enfant et traduit l’état naturel d’un caractère voué à la facétie.
C’est aussi une forme de politesse afin de mettre l’autre « à l’aise ».
S’il n’y avait pas derrière la fantaisie une intention démagogique : celle de plaire à tout prix, voire même de distraire l’attention des gens afin de dissimuler des raisons plus obscures, il n’y aurait aucun mal à ce qu’un dirigeant soit plaisant et familier, si c’est sa nature.
Ce n’est hélas, pas souvent le cas.
Faire parler de soi, se mettre en évidence, relève le plus souvent d’un calcul ou d’une erreur d’appréciation. Comme celle d’un Sarkozy, tout à la joie de son élection, et qui s’empresse de fêter son succès au Ritz avec ses amis milliardaires. Comment démêler le fil de ce qui relève du populisme et de la démagogie, dans une démarche publique ?
Pourtant, Sarkozy, déclarant qu’il ne mentirait pas et ferait ce qu’il dit, était sincère. Le Ritz, le yacht de Bolloré, ses mésaventures conjugales et ses amours actuelles, cette sincérité-là lui a plus nui que s’il avait dissimulé le personnage qu’il est.
Nous avons un ministre qui par sa nature et ses comportements s’est fait une réputation à la Roselyne Bachelot. C’est Michel Daerden.
A ses dépens, il a nourri sa propre caricature dans les gazettes et dans les milieux de la politique.
Même lorsqu’il a un comportement normal, on lui prête l’attitude d’un ivrogne, comme aux JO où un faux bruit rapporté par les journaux flamands nous informait qu’il avait perturbé une rencontre de tennis.
La semaine dernière, sa fille DJ à Paris, ancienne droguée, à la fois vulgaire et originale (lit-on dans les journaux) a obtenu un emploi à RTL, pistonnée par papa. Y aurait-il eu les horreurs que l’on a lues pour une affaire aussi banale, si Daerden n’avait pas eu son heure de gloire à l’issue du championnat de football et le sacre du Standard et n’était devenu un ministre qui a bu un coup de trop, c’est-à-dire une star dans le genre douteux ? S’il n’avait été le héros à la gloire des bières belges ? S’il n’avait eu une élocution difficile, officiellement causée par une éducation de gaucher contrarié, alors qu’il paraissait visiblement en état d’ivresse au moment de ses balbutiements inaudibles ?
Roselyne Bachelot pour en revenir à ses crocs et les hurrahs musclés des athlètes du JO, s’est montrée par le passé chanceuse ou trop fine pour se faire remarquer innocemment.
Ses gaffes en sont-elles vraiment ? D’avoir déclaré à la télé que Chirac devenait sourd l’a fait tomber du piédestal où ses relations enthousiastes l’avaient mise avec lui ; mais, n’était-ce pas déjà pour s’affranchir de l’ancienne tutelle afin de rejoindre les fans de Sarkozy ?
Voilà le dilemme.
Comment croire à la sincérité des gens au pouvoir, quand on sait quelle rouerie il faut pour passer de militant de base à militant exerçant un mandat ?
La naïveté de Roselyne Bachelot paraît improbable.
Nous ne saurons jamais démêler le vrai de l’artifice dans sa démarche.
Reste une femme au vocabulaire étendu, à l’intelligence certaine et qui est encore à 61 ans un bel animal compétitif en politique, ce dont on la félicite, même si nous ne sommes pas de son camp.