Un destin indicible.
Eudoxin Acide de la Plâtrière connu pour sa ressemblance avec Patrick Poivre d’Arvor n’a pas existé de la manière que généralement le grand public croit.
Comme tous les mythes, celui-ci était à considérer avec modération. En réalité, Eudoxin Acide de la Plâtrière était trois ! Comme la Trinité : le saint d’esprit, le Père et le rejeton.
Eudoxin et ses frères afin de maintenir un insoutenable suspens avaient décidé de ne jamais sortir ensemble. Ils s’étaient réparti les tâches de façon à ce que le public crût à un seul et infatigable travailleur.
Eudoxin jouait le rôle de Patrick, un peu à la manière de Bruel.
Il était l’aîné, guère plus âgé cependant. Son rôle était de séduire. Que de lèvres purpurines murmurèrent son nom sur les oreillers ! C’était lui qui obtenait les aveux complets, entre le mur tendu de soie rose, et le lit, son véritable instrument de travail, afin de les répandre dans les chaumières par leurs étranges lucarnes.
Comme le chanteur, il soulevait l’enthousiasme des minettes et des mémères. Tout lui était bon pourvu qu’elles fussent du sexe, ce qui n’est souvent vérifiable qu’à l’ultime moment. Il courut ce risque depuis son plus jeune âge. Quand vous voyiez sur le plateau un œil libidineux traîner sur un décolleté, c’était celui d’Eudoxin. On dit qu’il fut parfois trompé par des leurres et que les coquettes furent quelques-unes à être coquets ! Mais on dit tant de choses…
Evidemment, Eudoxin fut celui qui vieillit le plus vite. L’usure par le sexe est la plus rapide. Si bien qu’à la fin, il paraissait dix années de plus que les deux autres. Son aspect extérieur demandait réparation. La réputation des frères était en jeu. Dans le contrat qu’ils reconduisaient tacitement de saison en saison, il était convenu qu’Eudoxin devait soutenir le regard des plus belles, tant par la qualité du cheveu, que par la fermeté des chairs. Eudoxin avait pris sa voix veloutée à Yves Lecoq, afin qu’ils se gargarisassent ensemble aux marionnettes de l’Info. C’était son plus bel organe, quoique ait pu dire ces dames.
Acide, faisait son Poivre.
Sa causticité était son encaustique souci. Trop flatteur, trop onctueux, il rassurait les plus hautes autorités, alors que son secret espoir était de les déranger. Par besoin de se croire journaliste, il se voulut illustre, alors qu’il lustrait les plus belles vestes à forcer sur la brosse. Les chaumières ne l’intéressaient guère où pourtant il délégua Eudoxin, qu’il obligea à se prostituer à partir de vingt heures, seulement les jours ouvrables.
De guère lasse, Acide désespéré de n’être pas Chamfort, finit par déposer au pied de La Plâtrière, les quelques oeuvrettes composées les soirs de solitude, quand les oisillons aux tailles fines pépient ailleurs, non sans avoir oublié leur string sur les appuies fauteuil. Afin que D’Arvor et lui devinssent auteur et postulassent un siège plus académique que celui dit du bain.
Tout reposa désormais sur les épaules de La Plâtrière, gentilhomme breton de petite souche, qui songea un instant à signer Pierre-Jakez Hélias et qui y renonça, attendu qu’il n’était pas natif de Pouldreuzic, mais de Reims dans la Marne.
De La Plâtrière avait un secret qu’il cachait jalousement aux deux autres, il n’était pas plus De La Plâtrière que Poivre n’était d’Arvor. Eudoxin et Acide croyaient qu’ils étaient trois, alors qu’en réalité, ils étaient deux, comme Erckmann-Chatrian ! De La Plâtrière était leur fantasme, comme le comte de Lautréamont était celui de Lucien Ducasse, à la différence que La Plâtrière n’existait pas en tant qu’artiste. Il ne savait pas écrire, bien qu’ayant derrière lui une multitude de romans qui se vendent encore gare de l’Est. Sa plume sentait l’effort, comme les draps d’Eudoxin, le suint. Il n’y pouvait rien. Le monde est plein de vocations de ce genre. Bernard-Henry se croit bien philosophe !
Mais les frères avaient des relations, ils étaient célèbres et babillards. Les conquêtes féminines, de jadis, au souvenir des ardeurs, émurent l’opinion. On s’intéressa à l’inintéressant. Des people crurent percevoir sous le souffle asthmatique de la soixantaine, le frémissement inattendu de secrets près d’être révélés aux gens du peuple.
Enfin, de La Plâtrière à défaut de vie propre, se lança à dire le plus grand bien de celles des autres, comme Eudoxin. Ce qui se traduisit par des fâcheries, tant les plus basses flatteries, quand elles sont écrites, passent plus difficilement.
Jusqu’au jour où Richard III découvrit aux puces son livre « J’ai tant rêvé de Moi » dédicacé à un membre de l’Académie française dont il vaut mieux taire le nom ; car, le livre était non coupé !
Ô grandeur ! Ô décadence !...
Après que Sarkozy eut mis un terme au rêve prométhéen, Eudoxin Acide de la Plâtrière misa sur de La Plâtrière.
Comme Bouvard et Pécuchet, ils se remettent à l’écriture.