L’esprit missionnaire.
Après la tragédie de l’Irak, voilà qu’on s’apprête à la reproduire en Afghanistan. On s’y est déjà englouti tête la première, et cette guerre d’occupation a fait plus de morts qu’en Irak. Cela doit quand même faire réfléchir !
A la différence de celle « fraîche et joyeuse » qui a valu au dictateur Saddam d’être pendu comme un jambon de ferme, celle d’Afghanistan à entendre les rodomontades de nos dirigeants européens, nous implique beaucoup plus que l’autre.
L’enfoiré de Bush a réussi à nous convaincre qu’il fallait y aller, que c’était la lutte des bons contre les méchants Et nous l’avons cru, pas seulement nous, mais son successeur.
Barack Obama prévoit d'envoyer au moins deux brigades de combat (10.000 hommes) supplémentaires en Afghanistan dont certaines unités redéployées d'Irak.
"Quand nous terminerons cette guerre en Irak, nous pourrons enfin finir le combat en Afghanistan. Voilà pourquoi je propose d'augmenter notre engagement dans ce pays, avec au moins deux brigades de combat supplémentaires", a déclaré Barack Obama en septembre dernier.
Le futur président a demandé un engagement plus important des pays européens, ainsi que des instructeurs pour former l'armée et la police afghanes.
Pour qui s’intéresse à l’histoire et à la géographie de ce pays, cette entreprise est vouée à l’échec.
L’Afghanistan est un des rares pays au monde à n’avoir jamais été colonisé, les Anglais en savent quelque chose. A proprement parler, ce n’est pas un peuple, mais un ensemble de tribus, assez dissemblables de langues et d’organisation, mais toutes guerrières en diable et musulmanes à presque 100 %. L’ambition d’un Afghan est de devenir chef de guerre afin de promouvoir sa famille et enrichir son clan.
Les mœurs afghanes sont très éloignées des nôtres et la civilisation que nous voulons y exporter est aussi incongrue qu’un cerisier sur le sol irlandais, comme chantait l‘autre.
La bourca pour les femmes ou tout au moins le voile est une tradition qui ne date pas d’hier et l’occupation américaine et la liberté à l’occidentale sont sans effet sur les mœurs et la tradition. On le voit bien dans les images que nous recevons de Kaboul, lorsque la caméra nous promène dans les rues et sur les marchés. Ce ne sont pas les talibans qui ont contraint les populations à redoubler d’un zèle islamique, comme la propagande occidentale nous l’a dit et redit. Même si ces drôles de paroissiens ont exagéré leurs ardeurs religieuses.
Les soldats que l’armée américaine et l’OTAN forment sur le terrain sont originaires des différentes tribus du pays, leur seule ambition est de réunir des armes en suffisance afin d’armer les leurs. Dès que les instructeurs tourneront le dos, nul ne sait si les soldats afghans ne chercheront pas à rallier leurs villages dans l’intention d’y jouer un rôle de chef.
Les proverbes afghans tournent en grande partie sur les notions d’honneur et de vengeance. Pour un Afghan, une offense et a fortiori un crime ne doivent pas rester impunis, même cent ans plus tard. C’est la vendetta à la corse ou à la sicilienne au carré.
Quand les soviétiques se sont retirés d’Afghanistan, trois ans à peine plus tard le régime prorusse s’effondrait. Non pas que les talibans fussent aimés, mais parce que pour les tribus, c’était la meilleure façon de se débarrasser des Occidentaux. Les exactions du régime taliban n’ont pas suffi à le faire détester au point qu’on le dit en Europe par une population profondément musulmane. Rapidement les Américains se sont fait détester davantage.
Il suffit une bombe lancée d’un avion US, un obus tirer par un char, une rafale d’un Marine tuant un villageois pour qu’automatiquement le clan s’enflamme. Alors, il n’a plus qu’un souhait, celui de venger la victime.
De ce point de vue, les talibans ont commis bien moins d’erreurs que les Américains.
Si les talibans harcèlent efficacement les troupes occidentales, c’est grâce à la complicité des villageois.
L’Afghanistan a une longue frontière commune avec le Pakistan. Des tribus vivent à cheval sur les deux pays. C’est une région montagneuse et difficile d’accès. Les talibans ont beau jeu de passer la frontière pour se refaire une santé dans leur sanctuaire après une attaque.
Le Pakistan n’entend pas que les Américains et les Occidentaux violent son territoire. C’est un Etat souverain, ami en principe des Américains ; mais l’alliance est fragile et la population hostile à tout ce qui lui est étranger. Le conflit avec l’Inde a véritablement fortifié l’intégrisme musulman.
Il ne faut pas perdre de vue que le Pakistan est une puissance nucléaire.
Le régime de Kaboul est corrompu. Sa gouvernance du pays est illusoire et l’autorité du chef de l’Etat afghan ne dépasse pas la banlieue de la capitale.
La culture du pavot est le seul moyen des populations rurales de ne pas crever de faim.
Nous nous sommes fait des illusions sur le Commandant Ahmed Chah Massoud, assassiné en 2001. Nous avons armé les hommes de la subversion contre les soviétiques. Le « lion du Pandjchir », ne tirait pas ses revenus de la vente de l’opium, mais il contrôlait une zone riche en diamants qu’il exploitait et vendait pour le compte de l’armée islamique. Nous nous sommes engoués de cet électron libre sans bien connaître le fond de la pensée radicale qui l’animait. Et encore aujourd’hui nous lui vouons un culte, parce qu’il est le symbole des illusions que nous conservons de son occidentalisme.
Nous sommes persuadés que le reste du monde a besoin de la démocratie pour sortir de ce que nous considérons être le Moyen-Âge de l’Orient.
C’est bien un péché d’orgueil de croire que ce que nous faisons est supérieur et meilleur pour les peuples qui ne suivent pas le même chemin.
Cette erreur nous met le reste du monde à dos.
La crise économique pourrait bien leur donner raison.