La faute d’Atê.
Lourdeur des lendemains qui déchantent, nous voilà embringués dans une année qui ne dit rien qui vaille aux seuls économistes dignes de foi, c’est-à-dire ceux qu’on se garde bien de consulter pour la version officielle des événements.
Un premier ministre plus prudent que le précédent ne signifie nullement qu’il va débrouiller l’inextricable écheveau de nos affaires belgo-belges, d’autant que l’Europe semble donner raison aux francophones. Les Flamands sont devenus fous. Ils ne recouvreront la raison que le jour où la frontière linguistique deviendra une réelle frontière. La Flandre voit son avenir dans le ressassement du malheur à défendre une langue qui ne perdurera qu’en l’entourant de barbelés !
A l’extérieur de ce micro-drame, c’est la crise qui persiste et ne cessera de croître et d’embellir tout au long de 2009, sans que nous y puissions.
La troupe des joyeux guignols de l’an semble traversée par le même faux courant de joie qui saisit les foules à des dates qui ne sont que des prétextes.
Le monde est malade du capitalisme. Tant que les grandes puissances n’en auront pas convenu, il sera impossible de songer à des remèdes. A notre petite échelle, l’aveuglement des décideurs ne permet pas de regarder plus loin que l’intérêt immédiat. Cet intérêt fait que nous nous accommodons de tous les inconvénients en supposant qu’ils sont identiques partout ailleurs et nous guettons une opportunité pour nous tirer d’affaire mieux que les voisins. Seulement voilà, tout le monde pense la même chose. Si ce raisonnement persiste, il suffira de savoir que tous les pays industrialisés s’enfoncent en même temps dans une récession sans retour, pour se montrer satisfait.
Les réflexions sur l’après capitalisme ne manquent pas. L’audace consisterait à en diffuser l’essentiel. Les inconditionnels du système, en seraient-ils pour autant moins égoïstes ? Il faut dire que la Belgique les collectionne. Ils sont partout de la politique aux médias.
L’éclaircie devrait venir des dégoûtés d’une social-démocratie au bout du rouleau.
Les augures ne prédisent pas pour demain une prise de conscience. Ils se sont trop compromis dans les milieux financiers pour en être autrement. 2009 sera à cet égard sans surprise. Ce seront toujours les mêmes qui conduiront le pays sur les sentiers de plus en plus difficiles du pouvoir.
Il faudra de l’habileté aux dirigeants pour calmer la population, sachant qu’il n’y a rien au bout du compte de profitable pour personne.
Enfin les fatalistes érudits, les épicuriens de talent et les jean-foutre sélectifs diront que tout est arrivé de la faute d’Atê, la fille aînée de Zeus.
Selon Homère, cette déesse avait la spécialité de pousser les hommes à l’erreur.
C’est elle qui déchaîna la Moïra et les Erinyres sur Agamemnon de sorte qu’il offensa Achille.
Zeus finit par la mettre à la porte de l’Olympe, excédé par ses méchants tours.
Depuis Atê s’emploie à tromper les mortels.
C’est elle qui fit écrire Leterme au magistrat et qui poussa Martens à parler de Van Rompuy au roi.
Mais comment s’y prend-elle ?
La mythologie nous indique qu’elle arrive souvent à ses fins de manière sournoise, profitant de circonstances naturelles qui affaiblissent les préventions humaines telles que le vin, l’amour et le sommeil.
C’est peut-être elle qui interdit à Inge d’encore monter au 16, au grand dam de la clientèle ?
C’est Atê qui fit tomber du toit de Circé, le compagnon d’Ulysse, Elpénor, pris par le vin. Mais de cela qu’est-ce qu’on s’en fiche aujourd’hui, quand bientôt il sera interdit de boire, comme il est déjà interdit de fumer !
Nous ne croyons plus au pouvoir d’Atê sur nous, et c’est justement cela que la déesse veut, afin que ses victimes ne soient plus sur leur garde.
La Belle Hélène ne comprit pas dans quel merdier les Grecs allaient tomber à cause d’elle.
Pourtant nous aurions tous intérêt à raviver le culte de la déesse, d’en promouvoir partout l’usage et le cérémonial ; car celui qui agit sous l’empire d’Atê n’est pas coupable. L’erreur provoquée par elle atténue toute responsabilité morale.
On a déjà entendu le refrain quelque part : responsable, mais pas coupable !
Tous innocents de la conjoncture, des instincts, des vices, on se sent délivré par ce constat.
Ni Leterme, ni Madoff, ni Lippens, ni Dieudonné, ni le Grand Rabbin, ni Vrebos, ni Olmert, vous, moi, personne n’est coupable.
Homère ne cite les méfaits d’Atê que pour mieux vanter sous cape son égale, quoique humaine : la connerie.
S’il y avait un jour confrontation, il n’est pas sûr que la déesse l’emporterait.