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Le Centre : voie sans issue du PS

La fascination qu’exerce le Centre dans la vie politique s’explique par un raisonnement mis en évidence par Raymond Aron dans ses mémoires (1) « La classe moyenne n’est ni assez riche pour se laisser aller à l’oisiveté ni assez pauvre pour se révolter ».
Il y a encore une façon plus ancienne de considérer le centre. Jacqueline de Romilly cite Aristote « Dans tous les Etats sans exception, il existe trois groupes de citoyens : les gens riches, les gens très pauvres et en troisième lieu, ceux qui occupent le milieu. Si on admet que rien ne vaut que ce qui est modéré et le juste milieu, il est évident que de même pour les biens de la fortune, le mieux est d’en avoir de façon modérée. Car, c’est ainsi qu’on peut le plus aisément obéir à la raison » (2).
Ce raisonnement se tient en considérant que le Centre ne peut que grossir de l’enrichissement des classes laborieuses. Pour cela, il faut pour nourrir un consumérisme devenu quasi général, que le PIB progresse chaque année de façon significative et que les classes possédantes lâchent régulièrement du lest et consentent à modérer leurs exigences.
Par contre, si une récession sévère se produit, les riches auront tendance à défendre plus âprement leur position dominante, tandis que le centre perdra une substance qui s’en ira grossir le prolétariat.
La structure en interne du PS est directement concernée par ce débat. Les cadres du PS sont totalement intégrés à cette perspective de la politique au centre. La plupart des cadres mènent une vie en totale déconnexion du monde du travail. En gros, l’attitude est celle de Platon « Le peuple est un gros animal qu’il faut caresser dans le sens du poil pour l’amadouer, animal ignorant et stupide qui joue dans la conduite d’un Etat le même rôle qu’un capitaine de vaisseau sourd et myope en matière de navigation ». (3)
Reste que si ce club d’intellectuels, émanation de ce qui se fait de mieux en management politique dont Di Rupo est le chantre, attend désespérément la reprise de l’économie, il s’est singulièrement trompé sur la capacité du Centre à surmonter la crise actuelle.
La question est de savoir comment récupérer la frange de la population qui travaille dans les conditions d’aujourd’hui, c’est-à-dire en bas salaires et en allocations de chômage et que le PS a abandonnée à son sort depuis plus de dix ans ?
S’il ne veut pas être petit à petit écarté du pouvoir par la marginalisation de ses effectifs, devant un Centre laminé et regroupé autour du MR, il faudra bien que le PS reconsidère sa politique d’économie libérale et son alliance avec les seuls représentants encore qualifiés du Centre, le MR.
Rémy de Gourmont, écrivain et philosophe oublié, l’avait prévu dès 1900 « Un Etat social est amené à protéger la faiblesse le jour où il a gaspillé la force ; c’est l’heure initiale des déclins, des chutes et des disparitions. » (4)

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La force gaspillée l’a été dans les faveurs accordées à la fortune. Même lorsqu’il fallut aider les banques de l’argent de la Nation, cela s’est admirablement bien passé, puisqu’il a été dit que c’était pour sauver les emplois et les petits épargnants, montrant par là un mépris des gens et une absolue mauvaise foi, puisque les emplois continuent à se perdre dans ce secteur, toujours aussi exposé.
Pour changer de cap, le PS n’a pas les hommes et les femmes politiques adéquats. C’est très difficile à dire tout de go que l’on s’est trompé. Il va ainsi être tenté de rejeter les fautes et la dérive du système capitaliste sur ceux qui en sont naturellement les défenseurs, le MR, en essayant de faire oublier sa participation au pouvoir et sa responsabilité dans la gestion du désastre.
L’écart est trop grand entre le citoyen et lui, quoique il ait essayé de réintégrer quelques cadres de la mutuelle socialiste à des emplois politiques.
Si la crise perdure, il ne lui reste qu’une chance, celle d’être le seul parti de gauche structuré et capable de jouer un rôle dans la politique belge, au contraire de la France ou le PS doit compter avec Mélenchon et Besancenot, pour une rivalité donnant le choix aux électeurs.
Jusqu’à présent, la crise économique n’a pas encore été imputée au gouvernement.
La fatalité ne sera pas toujours la seule responsable. Si la situation désastreuse perdurait au-delà de 2009, il y aurait un retournement de l’opinion,. Le PS pourrait en pâtir.
Di Rupo a atteint la limite du supportable dans sa collaboration à l’Etat capitaliste.
On va voir comment avec sa troupe d’universitaires déphasés il va pouvoir reprendre à son compte, aux élections de juin, le mot de De Gaulle « Je vous ai compris ».
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1. 50 ans de réflexion politique, in Raymond Aron, Mémoires, Julliard, 1983.
2. Problèmes de la vie grecque, in Jacqueline de Romilly, Hermann, 1975.
3. Platon, La République : dialogue sur la justice dans l'individu et dans la Cité. L'ouvrage le plus connu de Platon, par la théorie des Idées que le philosophe y défend.
4. Le Joujou patriotisme, in Rémy de Gourmont, 1858-1915, Mercure de France, 1891. Ecrivain français, romancier, journaliste et critique d'art, proche des symbolistes.

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