Unabomber.
Les cinglés de la gâchette, les frustrés du compte en banque, les ultras violents de la contre culture, tous américains, bien nés quelque part dans un des Etats de l’Union, rendus fous par le système, l’individualisme forcené, le productivisme endiablé ont fait plus de victimes sur le sol américain que les malades de la foi, les maniaques du coran, les fondus de l’attentat, les kamikazes formés dans les fonds d’écoles intégristes !
Enfoncé le record des Twin Towers avec sa poignée de pilotes sans retour et leurs 3000 victimes, les prisons US regorgent de détenus qui ont laissé derrière eux des dizaines de milliers de morts. Guantanamo, c’est du pipi de chat à côté de la population menottée, sautillante et chaînes aux pieds, traitée comme du bétail, toute bien américaine, bien évangéliste, parquée dans de grands pénitenciers, en nombre toujours insuffisant.
Accrochés au créationnisme et, même en cellule, le cœur tout chaud et la main dessus à la levée des couleurs, tandis que les grilles grincent et que les gardiens tapent avec leurs longs bâtons sur les barreaux, venus de tous les bas-fonds les prisonniers disent une Amérique à l’envers.
Au tout début de l’escalade, de la peur et de la violence, il y eut Unabomber.
C’était il n’y a pas quinze ans. Les spécialistes, futurologues, économistes d’Harvard et Berkeley étaient unanimes, le pronostic d’Unabomber était faux et ses théories incompatibles avec le paradis capitaliste. De l’employé le plus modeste de Wall street, au Big Brother entouré de ses experts, ce ne fut qu’un éclat de rire… « Mon Amérique à moi » n’en revenait pas de l’audacieux cornichon. La plus grande Nation qui se vit jamais montrait au monde la route à suivre. Les temps miraculeux semblaient indéfinis, Alléluia !
Il faut toujours se méfier quand l’opinion est unanime. C’est Wilde qui a dit quelque chose du genre « Quand tout le monde croit que j’ai raison, j’ai peur d’être dans mon tort ! ».
Depuis septembre dernier, à part Didier Reynders et Sabine Laruelle, des millions d’hommes et de femmes s’extraient de cette unanimité-là.
L’unanimité avait pourtant réconcilié le FBI et l’engeance faubourienne. Twisted genius, le génie pervers entrerait bientôt de l’avis général et celui des futurs jurés dans un cul de basse fosse bien profond et creusé pour lui dans le bon sol américain, la pelleteuse ne recouvrirait pas le tout en considération des Droits de l’Homme pour qu’on n’en parle plus, mais c’était tout juste.
Et voilà qu’on en reparle à l’occasion de la crise, voilà que les abominations de l’élucubrant maniaque se vérifient !
Unabomber avait raison !
Pas d’avoir enlevé ci, là, un œil, un doigt par ses colis piégés, mais dans ses craintes formulées et publiées grâce à ses colis piégés…
Comme quoi, certains auteurs ne reculent devant rien pour être publiés !
Bien entendu, c’est ce qui le fit prendre.
Mais lui, comme Sarko avec Carla, c’était du sérieux.
Il incarnait la négativité la plus grande, dans une société qui rejette la négativité avec la sérénité des imbéciles assurés d’avoir raison.
Ceux qui ont suivi l’affaire en 95 se souviennent que les principaux dénigreurs des thèses d’Unabomber furent les universitaires, d’accord sur le cas de folie dangereuse que l’actualité leur soumettait. Les gérants de demain du système ne pouvaient qu’y être soumis. Et ils le sont restés.
Lorsqu’il fut « donné » par sa mère et son frère, Unabomber prit un nom et un visage, celui d’un brillant mathématicien du nom de Théodore Kaczynski.
On se vengea de la peur qu’il fit régner. Sa condamnation à perpétuité fut assortie d’une clause stipulant qu’il n’aurait jamais droit à une remise de peine. Ce type qu’on a dit dérangé du plafond, avec le recul, avait foutrement raison dans le manifeste qu’il avait fait publier sous la menace au New York Times en 1995. Ce texte prend aujourd’hui des allures prémonitoires.
Tueur en série le plus diplômé, on ne lui reconnut aucun autre talent que celui de piéger des lettres et des colis. Il fut quasiment entendu entre les journalistes et les flics que les idées de Kaczynski ne pouvaient en aucune façon être débattues, parce que trop perverses et entachées de criminalité. Et, parmi les idées les plus saugrenues, l’impossibilité de réformer le complexe industriel et technologique, pour la raison que la liberté réduite (1995), aura presque complètement disparu à la fin du cycle capitaliste, mit les consuméristes en fureur.
Cet individu par sa seule existence prouvait que la Société était aussi coupable que lui.
Il en ira des thèses d’Unabomber, comme celles de Besancenot ou des anarchistes, moins radicales, certes, mais sait-on jamais ce qu’elles pourraient devenir à la lumière des circonstances ?
Quand le système aura vécu, avant de sombrer, peut-être bien que nos éminents nous diront, qu’ils y pensaient…
On n’en est pas là. Tout baigne, comme le proclament MM. Bart Van Craeynest, économiste (KBC), Steven Vanneste (Fortis), Philippe Ledent (ING), Frank Lierman, économiste chez Dexia. Cette nouvelle bande des quatre prévoit un retour à la croissance dès le quatrième trimestre 2009.
On sent déjà comme un frémissement de reprise rien qu’à la vente de la collection Saint-Laurent-Berger.
Et si ces gens, par leur bêtise, suscitaient la vocation d’un Unabomber bis !
Commentaires
Les bienfaits du libéralisme...
de plus en plus de pénitenciers US sont des entreprises privées, au plus grand bénéfice de l'ordre et de la sécurité, des propriétaires des dites installations et de certains juges...
Qu'est-ce qu'on attend ?
Postée le: jojo | février 26, 2009 01:19 PM