Fragilité des brames
Les Ecolos vont être ravis. Les hauts-fourneaux de Seraing et d’Ougrée ne dégageront plus de CO². Ils sont mis en cocon.
Les Ecolos sont consternés. Ils compatissent à la perte d’emplois conséquence de la fermeture des hauts-fourneaux.
Les Ecolos sont divisés, non pas 40 d’un côté et 39 de l’autre, mais pourfendus comme le Vicomte pourfendu (Il visconte dimezzato), un conte d'Italo Calvino.
Seraing et Ougrée qui enfumaient leurs habitants du bas comme des jambons, et ombrageaient les gens biens du haut, étaient aussi le siège d’une sidérurgie jadis prospère, aujourd’hui en léthargie.
On supportait les toits brunâtres, les fumées ocres et les odeurs d’œufs pourris tant que cela procurait du boulot.
Aujourd’hui que toutes les usines, hangars et dômes à tuyauteries ne servent plus à rien, cela devient insupportable.
Quand on pense au temps des Princes-Evêques ! Ceux-ci avaient leur résidence champêtre à peu près au niveau de l’actuel et horrible pont de Seraing qui enjambe la Meuse. La vallée devait être belle avant John Cockerill, l’Anglais ravageur du site !
Puisque, la sidérurgie c’est presque fini, on pourrait peut-être demander aux Ecolos – enfin, la moitié ravie – de faire pression sur les Autorités communales pour raser au plus vite les sombres murailles qui s’y dressent encore, afin de planter de beaux jeunes arbres dans les jardins reconstitués du prince.
Gros à parier que le dernier site à être occupé ce sera le château. Mittal a marié sa fille au Château de Versailles. Chez cet homme-là, il y a du châtelain qui sommeille…
Pour le reste, c’est fou comme une usine abandonnée tourne vite à la friche industrielle !
On dirait que les contremaîtres font encore produire alors que la toiture s’effondre et que les fissures dans les murs menacent tout l’édifice !
Dès que le dernier ouvrier part au chômage en maudissant son employeur, le liseron devient un arbre, les briques dégringolent des sommets et les verrières éclatent comme les bulles de plastique des emballages, les ferrailles se tordent quasiment sans l’aide des voleurs de métaux et les surfaces lisses au sol se fissurent comme boue qui sèche !
Tout de suite on se demande à quoi pouvait bien servir les immenses tuyaux qui ne vont plus nulle part et dont on voit les gueules béantes rouillées.
On se souvient à Liège de l’arrivée triomphante de Lakshmi Mittal, des poignées de mains historiques, des professions de foi, et des discours rassurants.
Ah ! il n’était pas passé inaperçu. Il ne le voulait pas du reste, trouvant du ragoût à la situation du petit Indien qui devient plus puissant que l’Européen fanfaron qui dirigeait Arcelor.
Les ouvriers espéraient à la mesure de la déception actuelle, c’est-à-dire beaucoup.
Les Autorités communales de Liège et Seraing voyaient leur cauchemar s’achever.
A présent que les hauts-fourneaux sont en cocon, il conviendrait que les travailleurs le fussent aussi. Hélas ! si c’est comme la Belle au Bois Dormant, H 6 et H 8 risquent d’être envahis par les ronces. Et eux-mêmes pourraient dormir cent ans en attendant le Prince charmant ! Personne ne viendra les réveiller pour une nouvelle aventure dans une sidérurgie qui passe du chaud au froid – c’est le cas de le dire – sauf que c’est le froid des couloirs déserts et des postes de garde dont le poêle en fonte a été arraché de la cheminée.
Vous voyez la vallée de la Meuse comme elle est à Dinant ?
C’est ainsi qu’on devrait obliger Mittal à remettre tout en ordre à Seraing, s’il s’en allait définitivement en abandonnant sa quincaillerie aux quatre vents.
Mais, c’est humain, personne n’est trop menaçant. Les syndicats ont le respect des riches de nos jours, drillés par le PS naturellement porté à la domesticité et à la complaisance, au nom de la social-démocratie et de l’assiette au beurre.
On ne sait jamais, si la crise s’apaisait ?
Le seul espoir qu’on ait de retrouver du boulot : que Mittal regonfle son potentiel et qu’il se souvienne du site de Seraing, et que les planqués du Sart-Tilman découvrent de nouveaux moyens de faire du neuf, hors du vieux fer.
L’homme qui ne vaut plus que 20 milliards, alors qu’il en valait encore 45, fin 2008, doit quand même savoir que sur le site, ceux qui valaient 1500 euros, n’en vaudront plus que 1000 au chômage, en attendant de n’en plus valoir que 750, au CPAS.
Sauf un discours de Louis Michel sur la nécessité de réduire des effectifs quand les affaires sont au point mort, les ouvriers de Seraing et d’Ougrée, sans compter ceux de la Basse-Meuse, aussi mal embarqués en aval qu’en amont, ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes. Et encore, pas beaucoup, quand on voit la frilosité du pouvoir politique, la veulerie des compères du commerce et de l’industrie.
Quel est le genre de protestation admis par le pouvoir qu’ils pourraient faire ?
Question aux Ecolos : les gaz lacrymogène des forces de l’ordre, sont-ils plus polluants que ceux des hauts-fourneaux ?