BHL au JDD : le PS est nase !
On peut faire la moue à entendre BHL parler de lui-même sous le couvert d’un portrait des autres, ne pas lire ce qu’il écrit depuis qu’on n’est jamais arrivé au bout de son premier ouvrage de philosophie et enfin trouver insupportable ses concepts de la vertu ou du vice des Etats à travers sa vision du libéralisme ; cependant, il peut arriver en politique intérieure, qu’il ait raison. C’est notamment le cas de son interview à JDD (Journal du Dimanche) sur le PS français.
Son point de vue, on peut l’étendre au Parti Socialiste belge, non pas qu’il accuse un coup de fatigue comme celui de Martine Aubry ; mais parce qu’il se trouve lui aussi à la croisée d’un chemin idéologique alors que s’effondrent les raisons qui ont conduit le socialisme à la social-démocratie.
Pour BHL, Martine Aubry serait la gardienne d'une "maison morte", vouée à la démolition. Ce que confirment quelques pointures du PS, sans qu’il faille beaucoup tourner autour du pot pour le dire.
L’autodestruction est visible, même de Belgique.
« On est à la fin d'un cycle. Le PS est dans la situation du PC de la fin des années 1970, quand la désintégration s'amorçait et qu'on tentait de la conjurer par des formules incantatoires sur - déjà - la "refondation", la "rénovation".
En Belgique, la gauche de rechange n’existe pas. C’est la chance de Di Rupo. Jusqu’à présent, les voix qui se perdent, par désillusion, vont au Centre et à Droite, Ecolo recueille un socialisme critique qui trouve un exutoire dans la protection de l’environnement.
Jusqu’à quand ?
La crise à laquelle le PS belge ne répond pas, jette à la rue de plus en plus de travailleurs. Quel est l’oligarque du PS suffisamment connu et suffisamment indépendant qui fédérerait le mécontentement ? Di Rupo a toujours coupé toute possibilité d’expression à un courant opposé à sa politique collaborationniste. En faisant et défaisant les ministres, il tient la face émergente du PS sous sa coupe. C’est là toute son habileté. Tandis que Martine Aubry a raflé la mise en France non pas par un plan de redressement, mais par la haine des coalisés à Ségolène Royal.
BHL : « Aubry est sûrement quelqu'un de très bien. Mais il ne s'agit plus, à ce stade, des qualités de tel ou tel. Elle est dans le rôle de gardien de la maison morte et elle n'y peut rien. Les mots, d'ailleurs, disent tout. On parle du "rappel à l'ordre" de Manuel Valls. Rappel à l'ordre... Le socialisme termine en caporalisation... »
Donc, le PS va mourir ?
BHL : « Non. Il est mort. Personne, ou presque, n'ose le dire. Mais tout le monde, ou presque, le sait. Il est comme le cycliste d'Alfred Jarry qui pédalait alors qu'il était déjà mort. Ou comme le chevalier d'Italo Calvino dont l'armure était vide. Il est mort. »
L’interviewé a beaucoup lu, on ne lui fera pas le reproche de citer Maurice Clavel, dont on se souvient du tonitruant « Messieurs les censeurs, bonsoir ! ». Pour vaincre la droite, il faut d'abord briser la gauche. », réflexion d’un maoïste, certes, mais qui n’exprime pas tant le désir de remplacer la gauche par l’extrême-gauche que de remplacer une gauche molle par une gauche dure.
Les points de convergences entre le PS français exsangue et le PS belge essoufflé sont nombreux. Le plus évident, c’est le manque d’idées qui donnent l’espoir qu’on peut changer le monde. Cette volonté BHL ne la découvre pas chez Aubry, comme je ne suis pas le seul à ne pas la découvrir chez Di Rupo. Est-ce la fonction de président du PS qui le façonne, mais tous les présidents à commencer par Léo Collard ont fini par ressembler à un vieux prof de chimie du secondaire que j’ai connu dans le temps et que je n’ai jamais vu qu’en cache-poussière blanc avec un éternel nœud papillon. Bien longtemps plus tard, en lisant Guignol’s Band de Céline, j’ai trouvé que son personnage, Borokrom, un chimiste proche de la pègre et connu par la police, pourrait préjuger le futur de l’actuel président.
Il est clair pour la plupart des socialistes français et belges que « le PS est quand même le parti qui les protège, qui administre les régions. », quoique, en Wallonie, les affaires judiciaires en cascade des mandataires du PS sont en train de détruire ce sentiment de protection. Mais il faudra faire avec tous ceux qui ont bénéficié d’une « largesse », d’un passe-droit plutôt et qui constitue une clientèle suffisamment attachée au PS belge pour que celui-ci perdure encore un certain temps sans projet et sans volonté de changement. D’autant que cette clientèle n’a pas vraiment de convictions de gauche. Il suffit de faire un tour dans la commune d’Ans pour voir que l’on peut voter pour un socialiste sans avoir des convictions socialistes.
Une ultime réflexion de BHL : « Ce n'est pas parce que Sarkozy débauche des socialistes que le socialisme se meurt. C'est parce que le socialisme se meurt que Sarkozy peut débaucher. »
Il y a un peu de ça en Belgique, dans la collaboration entre les partis, quand le PRL, le parti libéral, était dans les majorités - il n’est plus qu’au Fédéral, à présent - on sentait bien et on sent encore l’emprise que le monde libéral exerce sur le PS belge. Et si cela ne s’appelle pas de la collaboration active, on se demande ce que c’est.
Bien sûr un obsédé de la liberté de comptoir comme Louis Michel, ou un faiseur de mots comme Reynders n’ont jamais débauché un socialiste, tout juste ont-ils séduit un Maingain (FDF) ou un Deprez (ex PSC) ; mais, les ministres PS au Fédéral pensent tout à fait comme eux et, restant au PS, corrompent celui-ci de la pensée libérale mondialiste. C’est pire !
Enfin une dernière réflexion de BHL valable pour les deux partis « Mais, quand son surmoi marxiste s'est écaillé, le PS (français) s'est laissé infiltrer par une idéologie réactionnaire, littéralement réactionnaire, dont il ne guérit pas. »
Entièrement d’accord, en Belgique aussi !