Et si c’était toujours « non » ?
Dans l’effervescence jouisseuse des vacances, il y a très peu de place pour l’information « sérieuse ». Ça tombe bien, on laisse ainsi dans l’obscurité propice un retour aux urnes pour raison d’Etat : le second référendum sur le traité de Lisbonne que le gouvernement irlandais organise le 2 octobre.
Si on comprend bien la nouvelle logique de l’Europe, quand un peuple dit non, c’est oui !
Tant pis si l’électeur s’obstine et dise non, on refera marcher les urnes jusqu’à ce qu’il ait changé d’avis ! Ce serait plus simple de ne plus demander d’avis du tout, comme en Belgique, par exemple ?
En Irlande, selon les gazettes, « les partisans du "oui" ont commencé à se mobiliser en force. » En réalité, la rue n’a jamais été aussi calme et aussi peu fréquentée des partisans de l’Europe, pour la bonne raison qu’à part les affairistes attachés à la politique gouvernementale, l’Irlande est partagée en deux camps : celui qui part en vacances et celui qui ne le peut pas à cause de la crise.
Le traité de Lisbonne vaut-il l’adhésion de tout Dublin, au point que ceux qui avaient voté « non » mangent leur chapeau ?
Ainsi la construction européenne est présentée depuis plus de vingt ans comme à prendre ou à laisser, sachant que si on la laisse on va exercer sur nous un chantage et une pression.
Chantage : ceux qui votent non, sont des incultes antédiluviens de la CECA, bref d’anciens Cocos nostalgiques ; pression : nous allons perdre de notre pouvoir d’achat dans l’anarchie ancienne, du temps où les Etats étaient concurrents et nous ne l’aurons pas volé !
Parmi les slogans qui nous farcissent la tête, retenons que « L’Union s’est imposée comme une Loi de la Nature dans le droit fil de l’Histoire ».
On ne va quand même pas désavouer Charlemagne et Jean-Luc Dehaene ! Verhofstadt n’est pas un imbécile quand même, comme tous les autres !
D’année en annéee, des lieux communs se sont accumulés faisant de l’Europe un nouveau sacré et une transcendance retrouvée.
Le ministre irlandais des Affaires européennes, Dick Roche, a reconnu que la campagne du « oui » de l’année dernière avait dégénéré en une prise de bec politique entre les principaux partis. Cela ne peut être permis à nouveau, a-t-il souligné. Si on comprend le raisonnement, le « oui » à l’Europe n’est pas l’affaire des partis ! Comment ce pays envoie-t-il des parlementaires à l’Europe, sans le jeu des partis et des prises de bec ?
L’eurodéputé polonais et ancien premier ministre Jerzy Buzek, presque certain de devenir le prochain président du Parlement européen, a indiqué que s’il était élu, il irait en Irlande pour dire aux gens à quoi sert le traité et ce qu’on y trouve. Il ferait ben de faire un crochet par la Belgique pour les mêmes raisons.
Des sondages récents ont montré que l’opinion publique se dirige vers un vote positif, d’autres sondages prédisent un schéma similaire à l’an dernier (« non » à 53 %, « oui » à 47 %), selon que la clientèle des Instituts de sondages soit pour ou contre.
Dans une conférence prémonitoire en 1946 (1), Bernanos voyait l’Europe future n’être que l’élément qui manquait à la décomposition de la civilisation européenne. Alain Minc y pressent au contraire « l’affaissement des Etats nations pour le plus grand bien des peuples ».
En réalité, Alain Minc pense le contraire : une voie de contournement des peuples, si l’on suit la dialectique « Mincienne » qui consiste à masquer son intention en disant le contraire de ce qu’on souhaite.(2)
A la vue de tout Européen ayant encore l’usage de son esprit critique, les intérêts des peuples européens ne sont pas pris en compte. La démocratie y reste en décalage dans un mode mineur par rapport à celle de ses États membres. Les aspirations populaires soucieuses du progrès social, pacifique, démocratique et écologique sont ignorées.
Une technique éprouvée de la droite dans des pays comme la France est en train de circonvenir aussi l’Europe. Elle consiste à détricoter tout le corps social existant des pays ayant une longue tradition syndicale de partenariat, par l’abandon des accords locaux possibles au profit des directives européennes ! On les vote en Commission, pour s’en dire les victimes après !
On peut se demander si l’objectif des « bâtisseurs de l’Europe » n’est pas d’en finir avec les turbulences des mécontentements populaires, dans la poursuite d’une construction tout à fait orthodoxe de l’économie mondialiste.
L’Europe ou comment s’en débarrasser finira par être un objectif mobilisateur pour une gauche non-conformiste. Et pour cause, il n’existe plus parmi les parlementaires élus en Wallonie de gauche comme de droite, un seul capable de soutenir le « non » du référendum d’octobre en Irlande. C’est dire comme l’unanimité de nos représentants reflète mal une partie de ceux qu’elle représente !
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1. L’esprit européen et le monde des machines.
2. Alain Minc sans doute en fonction de son impopularité, n’a qu’à dire une chose pour qu’aussitôt une majorité pense le contraire.
Commentaires
Comme toujour la "gauche", est partagée entre l'Etatisme à outrance et l'individualisme forcéné.
L'Etatisme, à quel niveau? Mondial? Europe? Etat nation? Régions? Communes? Quartiers?
Où "administre"-t'on le mieux, ou cela me coûte le moins cher?
Pour moi, moins il y a d'"Etat", à tout niveau, même européen, ou régional (les nouveaux modes d'administration),
mieux je me porte.
Postée le: Riche Riche premier | août 4, 2009 12:31 PM