Ciné porno.
-Roger, viens par ici.
-Salut Marc !
-T’as bien une petite mine aujourd’hui ?
-Tu trouves ?
-Je parie que tu as passé la nuit avec le coiffeur de plateau !
-Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
-Des bruits circulent. Ce type m’a gâché Queue-en-béton, l’année dernière.
-On raconte n’importe quoi. Francis est un gentil garçon que j’aime beaucoup.
-Un acteur porno qui vire homo, c’est comme un footballeur professionnel qui se shoot au lieu de shooter.
-Les femmes me dégoûtent, tu sais bien. Du moment que j’assure…
- Aujourd’hui on tourne la scène de l’étalage pour « L’enfileur de vieilles » que j’ai promis de sortir le mois prochain dans les salles. Alors, t’as droit qu’à une prise, deux au maximum. La pelloche, c’est pas donné…
-J’ai pas lu le script, hier j’étais bourré…
-C’est pas grave. Tu dis pas un mot. C’est quand tu fermes ta gueule que t‘es le mieux ! T’es un mannequin dans un magasin de sport.
-Un vrai mannequin.
-C’est ça. T’es avec deux ou trois mannequins que Flip a loué à la Samaritaine. T’es en slip et tu bouges pas.
-Jusque là ça va. Je sais encore me tenir debout.
-Arrive à la devanture une allumée avec une copine. Elles font des signes aux mannequins, montrent leur petite culotte, s’extirpent un nichon… Tu vois le genre.
-C’est qui l’allumée ?
-Joséphine.
-Attends, Marilyne du Brasier ?
-C’est ça.
-Tu sais bien qu’on peut plus se blairer depuis que face à la caméra elle le faisait exprès de me la sortir, puis de me l’écraser entre ses cuisses.
-C’était dans « Le chtibre du Jedi », ça fait six mois…
-Depuis, on s’est plus parlé !...
-C’est la femme de Maurice. C’est lui qui finance le film. C’est pas le moment de faire la fine bouche.
-Mais…
-Je fais appel à ton professionnalisme. Joséphine… enfin Marilyne du Brasier n’est pas si mal.
-C’est un boudin.
-Boudin ou pas, tu tournes, t’es sous contrat. Sinon, t’es grillé, plus aucun studio pour toi. Tu veux aller rejoindre Queue-en-béton qui apprend le brésilien pour traquer l’industriel au Bois !
-Si tu le prends ainsi… Marc, je te savais pas si vache.
-C’est la crise, mec ! Le cul se vend plus comme avant. On en tourne une tout de suite. T’es à l’étalage, en slip de bain et tu prends la pose… J’appelle Marilyn. Fais gaffe. On doit voir à ton slip que t’es pas un mannequin comme les autres. Quand Marilyn sortira un nichon, tu bandes au quart de poil, qu’on puisse faire un gros plan…
-J’ai une idée. Si on demandait à Francis de venir hors champ, peut-être qu’en le voyant, ça m’aiderait ?
-T’envisage l’affront que tu ferais à Marilyne du Brasier ? C’est son coiffeur qui te ferait bander, et pas elle ! L’affront…
-On peut pas remettre, sincèrement, je pourrai pas.
-Comment, tu pourras pas ?
-Non.
-Tu sais comment ça s’appelle un acteur porno qui sait plus bander ?
-Non.
-Un chômeur…
-Alors, laisse-moi me concentrer.
-Je vais te passer des revues. Mais te branle pas. Tu dois gonfler progressivement, mécaniquement, si je puis dire… et pas te mettre en place avec la crampe… progressif, t’entends ? Est-ce que tu saisis le rôle, nom de dieu de bon dieu de merde !
-Te fâche pas Marc. Nous sommes entre artistes quand même !
-A la limite, on peut t’appareiller. Si on t’appareille la caméra n’est plus libre, tu comprends. On risque de voir le tuyau, la pompe, enfin tu le sais aussi bien que moi… On t’a préparé un slip pour que ça se voie mieux… la couturière a passé la nuit dessus… C’est un tissu gonflant., une gaine intérieure… un slip confortable… J’ai envie de passer un brevet.
-Tu te rappelles la dernière fois, Germain m’avait appareillé dans « Sophie patine à chaud », il m’avait bleui une couille à la pression, le saligaud !...
-T’inquiète. T’es prêt ? Attention, « L‘enfileur de vieilles » deuxième, moteur… Bouge pas Roger. Alors elle vient cette salope de Marilyn ? Tu t’approches, ma douce, avec la copine… qui c’est celle-là ?... Tu t’arrêtes à la devanture. Sors pas un nichon tout de suite… Tu rigoles… Tu ricanes pas. Tu sais pas rigoler, merde ! C’est ça glousse… Tu lèves ta jupette, l’autre est déjà à l’enlever… A toi Roger. Tu commences à bander… alors, quoi… ça vient… fais un effort nom de dieu, pense à Francis. Non. Arrête. Coupez ! Qu’est-ce qui m’a foutu un enculé pareil ?