Herman Van Rompuy, ce héros !
La chose est en elle-même assez simple, ce sont les comportements des personnes d’autorité autour d’elle qui la compliquent.
J’entends ici la question de la personnalité « à la mode » c’est-à-dire qui convient parfaitement à tous dans le laps de temps qui la crédite d’être à la place qu’il faut à la satisfaction générale.
C’est le cas de Van Rompuy. Le héros du jour, apparemment modeste, n’a pas d’ambition ou ne le montre pas et n’a pas le physique de tribun. Il est un adepte du camping, mais en Australie, ce qui n’est pas commun. Il fait de son image d’anti-héros, un héros de la modestie et de l’effacement. Son épouse qui le suit toujours à trois pas dans les grandes occasions est parfaite dans la représentation de la femme stricte et à lunettes comme il se doit, par mimétisme conjugal.
Les circonstances sont propices à ce genre de personnage à la tête de l’Etat.
Il repose des autres, ténors maladroits, particrates hors pairs, mais tonitruants, qui se sont essayés à la conciliation entre le nationalisme farouche flamand et la désinvolture brouillonne wallonne et qui n’ont abouti qu’à la surenchère des positions.
Van Rompuy a l’occasion de rester longtemps le type de premier ministre qu’il nous aurait fallu, mais qu’un destin européen nous a enlevé. Si sa nomination n’avait pas lieu et s’il demeurait premier ministre, sa cote finirait par s’user devant l’impossibilité de concilier les deux peuples.
Il vaut mieux pour lui, dans tous les cas, de finir carrière à l’Europe, dans une sorte d’apothéose, que de trébucher dans l’aporie du drame belge.
Ainsi, le successeur échouant fera rejaillir sur Van Rompuy, par contraste, la possibilité d’un succès qu’il n’a pas su saisir.
La société belge éprouve le besoin de posséder une incarnation de la puissance magique qui sort de son chapeau une solution à laquelle personne avant lui n’avait aucune chance de mettre en pratique, mieux même, était dans l’incapacité de penser.
Ainsi, se justifie la soumission de l’ensemble des gens à ce rôle du divin qui fait passer les pires injustices comme un signe du destin, dont il faut s’accommoder.
Comme la rencontre de ce demi-dieu est improbable, ce que sentent les citoyens dans leur inconscient, ils acceptent comme une réalisation toutes les tergiversations, tous les reculs « pour mieux sauter » que la politique belge dans son infinie précaution a mis entre la réalisation et son projet. C’est ainsi que fonctionnent les sonnettes d’alarme, les empêchements et les dispositions de veto des Communautés.
Seules des décisions globales échappent à cet attentisme raisonné qui tombent tout d’un coup sur le citoyen sans qu’il puisse réagir. C’est ainsi qu’en fixant la frontière linguistique, dans sa logique arbitraire, on a sacrifié les Fourons à ces compromis qui empoisonnent et qui empoisonneront jusqu’à la fin l’Etat belge et les relations entre les Communautés, même si pour les Fourons, le cas semble réglé par l’apport des Hollandais qui ont envahi les communes et noyé la francophonie dans la culture flamendo-batave.
Le problème est différent dans la périphérie bruxelloise. Ce sont bel et bien des minorités francophones qui ont conquis le terrain. Cela n’aurait aucune conséquence si ces minorités au bout d’un temps avaient été assimilées et réduites à la culture flamande, mais c’est l’inverse qui se produit. C’est la culture minoritaire qui convainc la majoritaire de passer de l’autre côté. Et cela rend fous les Flamands qui n’ont pour la plupart que la ressource de s’enfoncer dans l’exclusion et le nationalisme imbécile, obnubilés par le sauvetage de leur langue.
Pourquoi aucune solution n’est bonne ? Parce que c’est une folie de croire que les cultures, les gens, les mœurs, les désirs, les libertés s’arrêtent à une ligne imaginaire de sorte qu’ils apparaîtraient différents de l’autre côté.
Jusqu’à présent, les hommes politiques ont utilisé l’appétit du pouvoir de l’un des leurs et le désir de soumission des masses, afin de faire reposer le régime sur le prestige personnel. C’est un phénomène qui est de la plus haute conséquence pour la société belge.
Herman Van Rompuy est la dernière métamorphose, puisqu’on est passé du matamore – Jean-Luc Dehaene – au « vendeur de voiture » Guy Verhofstadt, le gaffeur Yves Leterme, et qu’actuellement s’essaie – mais pour peu de temps – l’envoyé modeste du CD&V, mais lettré et compétent, qui avance sans bruit pour une plus grande efficacité, Herman Van Rompuy !
Lorsque le but de prestige implicite est atteint, et que « le chef » s’est transformé en vérité collective, on est près de la fin, sauf si le héros disparaît prématurément. Alors, il devient immortel !
Van Rompuy sera-t-il notre nouveau James Dean ? Nous le saurons ce soir.
Reste à trouver le sauveur suivant, celui qui fera rêver et avec lequel tout est possible.
C’est ainsi que navigue la Belgique depuis les Lois linguistiques.
Les noms de tous ceux qui les ont faites mériteraient d’être sortis des cartons de l’histoire, afin qu’on les détestât dès l’école primaire. On s’apercevrait qu’ils sont bâtis de la même sorte que nos héros actuels et que les erreurs fondamentales qu’ils ont commises étaient les fondements de celles que l’homme providentiel de demain s’apprête à commettre, tant nos célèbres compromis ne sont que les produits de l’erreur initiale.