La peur érigée en système libéral.
A force de se croire au-dessus du lot, adaptable à la mondialisation, performant, diplômé d’Harvard et de Houte-Si-Plout, ayant le dernier mot, le plus habile, etc… le besogneux grandiose de la chose publique a oublié qu’il devait son talent à ceux qui lui en prêtent.
Paraître n’est pas être, comme aurait presque pu dire Parménide.
Ces gens, grands devant et petits derrière, jouent avec nous comme les pirates somaliens traquent un navire. Nous sommes, à point nommé les imbéciles de service. Ils sont des plus rusés.
Il faut en avoir de la ruse pour s’élever dans les partis !... écarter des ambitieux, des vétérans ou pire, des gens plus intelligents et désintéressés, suivant l’expression de Valéry « Ce ne sont pas les meilleurs qui réussissent, mais les pires ». Ne commencent-ils pas par la faute qui les a fait connaître ?
La prudence leur commande de réserver les pronostics quant à notre connerie.
Le serions-nous moins ces temps-ci ?
Notre mécontentement profite à Ecolo et le favorise de nos illusions perdues. Pour les autres, ce n’est pas trop grave. Ils concèdent volontiers à ce parti frère quelque succès « offert » en guise de bienvenue. Ecolo est de leur bord avec Durant, la commère jacassante, éponyme en gueule à sa consoeur libérale Sabine Laruelle, son « toujours jeune » Javaux, ancien du patro, dans la tranche d’âge d’Olivier Chastel, pour un parcours d’ambitieux à l’identique.
Ecolo n’est pas un parti révolutionnaire. Il est fait des mêmes ingrédients « traditionnels », ni à gauche, ni francophile, mûr pour un Etat flamand. De la même croyance en la social-démocratie que Di Rupo ou Louis Michel. Ecolo est convaincu de la pérennité du système capitaliste. Certains adhérents sont d’authentiques bourgeois laïcs, d’autres bénis des églises ; ils ont le culte du lieu commun qui les rassure. Leur originalité s’arrête à l’achat de pommes de terre bio, « plus chères parce que plus saines », à l’affection qu’ils portent aux promenades champêtres, à la détestation de l’atome et à la cheminée qui a fait leur fortune parce qu’elle fumait.. Ils ont dans leur jardin plus vaste que ceux des corons du temps de Zola, les poubelles à compost et les bacs de recyclage. Leur dévouement à la planète n’irait pas jusqu’à mettre à mal leur position sociale. Ne leur demandez pas de choisir entre l’avenir de la planète et le système capitaliste, ils ont déjà choisi.
Les partis de gouvernement s’inquiètent de l’influence que pourrait avoir Internet sur l’imbécile heureux. Ils sont jaloux de leur omnipotence. …. Ce qui échappe à leur vigilance dans le secret des clics est un ennemi potentiel. De leur point de vue, ils n’ont pas tort.
Leur cousin d’Amérique, Big Brother, devrait avoir l’oeil sur tout. A son exemple, ils ont beau développer leur propre site, encourager les journaux à faire le leur, rien n’y fait. L’idiot de la famille est le Flaubert de Sartre, moins idiot qu’ils ne le pensent.
On sait comme va la démocratie, c’est la majorité complètement immature qui délègue les pouvoirs à une minorité agissante. C’est un condensé à l’envers des Soviets pour un même résultat. Ils font du communisme sans le savoir. Ils attendent que nous soyons tous crevés pour sortir de leur datcha. Au lieu de crier vive Staline, ils crient vive Wall Street, c’est tout.
Et si cette majorité immature était en passe de ne plus l’être ?
Quand dans le peuple les cyniques supplantent les naïfs, les couches dirigeantes peuvent être inquiètes, les révoltes ne sont pas loin !
La direction maffieuse de notre démocratie a trouvé la parade.
Le remède, c’est la « guerre à la terreur ». L’Etat désormais ne se contentera plus de nous suspecter. Il est en passe d’organiser et d’amplifier lui-même les menaces. Il pose aux cyniques que nous sommes devenus un ultimatum : « Si vous cessez de croire, nous vous enverrons notre Armaguedon ! » ; vous verrez comme la peur cimentera à nouveau la Nation.
Et de nous rappeler l’efficacité du geste de Colin Powell au Conseil de sécurité, sortant de sa poche une fiole d’anthrax irakien pour que nous croyions aux armes de destructions massives détenues par Saddam Hussein.
En Belgique, mine de rien, pays de vieilles traditions canailles d’une bourgeoisie stricte en surface et dépravée en profondeur, commence une sorte « d’institutionnalisation de l’Etat d’exception », selon Giorgio Agambem.
La peur semble être redevenue l’alliée de nos gouvernements, toutes les peurs : du terrorisme, de la crise, de la perte d’un emploi, du chômage massif, de l’insécurité, des pandémies, du choc des cultures.
Les phobies ont remplacé les espoirs. La fiole de Colin Powell qui ne contenait que du pipi de chat est toujours présente à nos yeux. Les maniaques de l’Etat assiégé y voient toujours la menace de la guerre bactériologique et justifient encore la guerre insensée de Bush junior.
La peur est devenue le socle de la civilisation libérale. Sans elle, comment justifier encore le fiasco d’une « culture » fondée sur l’appât du gain, la domination personnelle du fort sur le faible.
Le libéralisme, écrit Corey Robin, est lié indissociablement à l’ombre menaçante de la terreur.
On ne peut plus considérer autre chose lorsqu’on voit les chefs de parti réunis à l’occasion d’une grand’messe de la démocratie ou d’une émission de TV politique, comme celle de ce dimanche, où l’on tressait la couronne de laurier d’un partant, Herman Van Rompuy, qui n’a apporté aucune des solutions qu’on espérait et toutes les craintes d’un Yves Leterme dont on sait qu’il n’est d’aucune utilité au peuple.
Le tout est de savoir quelle peur demain ils auront inventée pour nous faire rester tranquilles ?