2010 : Bowling for BHV !
Après l’économie, une petite prévision en politique s’imposerait, mais la grande stabilité des partis empêche tout suspense. Le prévisionniste n’a pas de mal à lire dans sa boule de cristal : « Rien à signaler ».
Peu de mandats changent de camp à la suite de légères modifications des choix d’une élection à l’autre d’un corps électoral remarquablement stable. On pourrait le qualifier de fidèle, si cette fidélité-là ne cachait un mal profond qui est l’indifférence frappée du sceau du fatalisme.
Le corps électoral n’est pas dupe.
Il sait que ceux pour qui il vote ne sont plus que les jouets de l’économie, de sorte que les vrais pouvoirs échappent au Parlement. Ils sont quelque part dans une station de sport d’hiver ou au soleil des Caraïbes. Le sort des gens ne dépend plus de Di Rupo ou de Didier Reynders, mais des milliardaires consignés sur « Forbes » dont certains évoquent des licenciements massifs ou des implantations « réussies », Bill Gates, Warren Buffet, Carlos Slim Helú, Lawrence Ellison, Ingvar Kamprad, Karl Albrecht, Lakshmi Mittal, etc.
La vie politique est davantage intéressante à l’intérieur des partis, quoique les pouvoirs y soient finalement dérisoires, puisqu’ils ne touchent que les illusionnistes qui en vivent encore. Elle livre aux regards l’ambition des hommes et leurs facultés d’adaptation à l’opinion et aux circonstances.
Il faudrait la force pénétrante d’un La Bruyère pour écrire un supplément « des Caractères » adapté au temps qui départagerait l’idéaliste, de celui qui est à la recherche d’un emploi et qui croit l’avoir trouvé.
Les Echos et La Tribune emploient l’expression « annus horribilis » pour caractériser la crise 2008-2009, les journaux belges n’ont pas été jusqu’à suivre l’exemple français.
En politique, ils ont adopté une méthode, pour le moins originale, pour nous annoncer les bonnes et les mauvaises nouvelles.
La méthode est toute simple : ils commandent des études d’opinion !
« 33 % des Belges estiment que le dossier BHV est sans intérêt, montre un sondage réalisé par La Libre Belgique. 40 % des Belges regrettent le départ de Herman Van Rompuy, 28 % font confiance à Yves Leterme et 71 % estiment que Didier Reynders ne devait pas succéder à Herman Van Rompuy comme Premier ministre. », etc…
Voilà, on sait tout de l’opinion des partis et des médias. Quant à la vôtre, je fiche mon billet qu’on n’en sait rien par les sondages.
C’est sur mille réponses téléphoniques qu’on l’interprète. A part quelques flops relevés par le passé, il paraît que les échantillons soient assez représentatifs.
L’astuce tient dans l’interprétation, puis dans les conclusions. En cas de trop vives contestations des lecteurs, on pourra toujours dire que c’est sous la responsabilité des sondés.
Ce n’est pas innocent que l’on découvre qu’un tiers des Belges estiment que le dossier BHV est sans intérêt. Le Soir aurait pu écrire « Deux tiers des Belges estiment que le dossier BHV est important pour la suite des rapports entre Wallons et Flamands ».
Pourquoi cette inversion ?
Parce qu’il est vital qu’une majorité de Francophones s’en désintéressent, puisque un accord est pratiquement plié qui consacrera une avancée flamande et, par conséquent, un recul francophone. Et qu’il est indispensable que cela ne soit pas perçu de cette façon. Il est très mauvais pour l’image d’un parti de paraître résigné. Pour BHV, l’opinion doit croire à un accord donnant/donnant, et fournir un satisfecit aux négociateurs du Sud du pays.
RTL ne s’y est pas trompée, puisqu’elle a repris ce lundi 28 décembre l’information des journaux par le même bout de la lorgnette.
Aux rayons de la cuisine intérieure des partis, une année s’achève que l’on ne regrettera pas. La crise persiste, le chômage qui explose, il ne manquerait plus à ce tableau désolant que Dehaene ne réussît pas son numéro de derviche flûtiste afin que dansent les cobras nationalistes dans leurs couffins.
Pour les socialistes, 2009 fut l’année où ils auront réussi à garder le pouvoir. C’est toujours ça, mais en falsifiant davantage le contrat moral qu’ils ont avec leurs électeurs.
Les chefs ont collectionné les passages à vide, avec des scores électoraux médiocres. Dame, qui s’intéresse encore dans ce parti aux « damnés de la terre » ?
Les Affaires au MR et au PS n’ont pas manqué. C’est l’art magique de Di Rupo et de Didier Reynders de les faire disparaître puis réapparaître sous une autre forme. La transsubstantiation est chez eux une manière d’accommoder les restes pour nous donner l’illusion d’une nouvelle recette. Exit le calamiteux Van Cauwenberghe, « introitus » du beau Paul Magnette. Disparition de la diablesse Anne-Marie Lizin, apparition (moins réussie que celle de Popol) de Fadila Laanan.
Reynders n’a pas le talent d’escamoteur de Di Rupo. Il a trop d’orgueil. Sa magie consiste à dire aux spectres qui le tourmente « J’y suis, j’y reste », comme la réplique du cardinal dans la pièce épiphore de Raymond Vincy et Jean Valmy. Ses diablotins s’appellent Fournaux et Deprez. Quant aux Michel, le principicule a les barons qu’il mérite.
Attendez-vous à savoir aurait dit feue Geneviève Tabuis, qu’Ecolo en 2010 fera encore quelques progrès dans l’opinion jusqu’à l’écotaxe de trop. A la présidence bicéphale au CDH, Joëlle Milquet et son outsider, le chantre des frituristes, paraissent en lune de miel.
A part ça, rien que du médiocre par des médiocres, pour l’électeur francophone.