Haro sur la femme d’ouvrage !
Balançant entre deux idées, celle de crier au scandale à propos des poursuites irrecevables du tribunal correctionnel de Bruxelles contre les 14 prévenus dans le dossier KB Lux, ou de s’en ficher complètement, j’ai fini par joindre ma voix au concert des mécontents.
La mine réjouie de Damien Wigny, l’ancien patron de la KB Lux, au sortir du palais, et ses déclarations selon lesquelles le pauvre n’a pas dormi en paix pendant quatorze ans, m’y ont beaucoup aidé.
Mais qu’écrire qui ne soit archi employé ?
D’autant que, pour une fois, ça déménageait sur le plateau de la RTBf, surtout les mails des « cherzauditeurs ». Il y fut également rappelé qu’un avocat spécialiste de la relaxe en matière de fraude fiscale comptait à 600 euros de l’heure la contribution de son talent à blanchir les fraudeurs !
L’inertie des pouvoirs publics établie, le concubinage du Ministère des Finances avec les malfaisants, les cadeaux du principicule Reynders aux maffias industrielles, tout y était.
-Bon, maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
-Rien, puisque l’Etat va en appel.
J’espère qu’aux quatorze années qu’il a fallu pour clôturer le dossier, on ne va pas en ajouter une pincée d’autres, si bien que tout le monde sera ou morts ou pensionnés !
Que les hommes en robe se méfient, il suffirait d’un bon coup de colère des gens pour bouleverser la donne et faire ce qui n’était pas possible un jour, le devienne le lendemain. Sans l’imitation, nous dit C.G. Jung, pas d’organisation des masses, pas d’Etat, ni d’ordre possible. Ce n’est pas la loi qui fait l’ordre, mais bel et bien l’imitation. Que celle-ci ait été douce au pouvoir jusqu’à présent ne signifie pas qu’elle le sera éternellement.
On voit l’habileté des robins à tirer leurs clients des chicanes de la Justice. Il suffit tout bêtement d’ajouter d’autres chicanes, d’ajourner tant que ça peut, de dénoncer la maladresse d’un greffier qui laisse tomber une virgule. Ainsi, d’année en année, Thémis s’y perd, sauf le plaideur qui peut hurler au palais qu’on égorge son client, que tant d’années à l’instruction, c’est un scandale.
-C’est, qu’ils iraient jusqu’à Strasbourg réclamer justice !
-Ouais, ces avocats possèdent le Parquet au culot…
J’en connais un, et pas des moindres, Président de la République même, qui espérait pendre à un croc de boucher un coupable pour moins que ça.
Il est vrai que l’argent public vaut moins que la susceptibilité d’un politique.
L’argent public ne vaut même rien du tout, quand on voit comme il se dépense.
Par exemple Van Rompuy. Il n’est plus premier ministre. Il n’est en somme plus rien en Belgique, puisqu’il est en attente d’un poste de prestige ailleurs. Comment se fait-il que pour les contacts à l’étranger, des chefs d’Etat et premiers ministres, il voyage sur un avion de notre Force aérienne aux frais du contribuable ?
-Tu chicanes, Arthur, descends sur terre… C’est le cas de le dire.
L’argent récolté des revenus du travail est épongé au quart de poil, les fortunes restent très difficiles à ponctionner.
Mais comme l’a dit l’avocat à six cents euros de l’heure, le plus grand nombre de fraudeurs du fisc se recrute… chez les femmes d’ouvrage ! En voilà de la fraude qui fait s’étrangler d’indignation le principicule et ses séides !
-Oh ! les vilaines… On a compris tout de suite ce qui fait un déficit monstrueux : l’incivisme des femmes d’ouvrage !
-Elles tordent les draps en douce, nettoient sous les tables en stoumelink et voilà pourquoi l’Etat est en quasi faillite…
Que l’on puisse penser cela, un homme marié qui mate une belle passante pense bien pire, mais qu’un avocat à 600 euros de l’heure ose le servir à la télé, c’est indécent. Et pourtant, il doit avoir raison. Il existe plus de femmes d’ouvrages, que de gros fraudeurs, et comme le ministère n’est équipé que pour traquer les femmes d’ouvrage, voilà la statistique qui donne raison aux voyous des classes supérieures.
-Y a des ordures à tous les étages, Charlie.
-Quand je pense qu’un souteneur fait au max deux ans de tôle !
-Pourquoi dis-tu ça ?
-Comment ça s’appelle un patron qui fait bosser pour des clopinettes une bande de pauvres types et puis qui se sauve avec le pognon dans des paradis fiscaux ?
-Un honnête homme.
-C’est ce qui fait la différence. Seul le grossiste en arnaque peut se faire du blé impunément. Le système en redemande. Il est fait pour depuis Louis-Philippe avec son « enrichissez-vous ». En s’élevant dans la société, le voyou de base devient pire, il devient un honnête homme.
-L’honnête Damien Wigny, devenu subitement technicien de surface, qu’est-ce que ce serait ?
-Un voyou.
-Merci. On avait compris.