Kapout !
L’évolution de la situation politique en Belgique va vers un divorce possible entre le Nord et le Sud. Et ce n’est pas le parti de Gendebien en pleine panade qui en serait le détonateur. Il n’en est pas encore au 18 Brumaire, ce serait plutôt le 18 juin..
En chercher les causes, cette chronique n’y suffirait pas.
Par contre, les responsabilités, il y en a des tas. On peut citer parmi tant d’autres, une certaine bourgeoisie des Arts et des Lettres, en cela rejointe par les grands laudateurs de « l’âme belge » qui continuent à voir la même source d’inspiration et le même patriotisme dans deux nations distinctes, la romane et la germanique.
Un des sommets de cette connerie militante vient de l’auteur anonyme de la phrase désormais d’anthologie « Flamand et Wallon sont des prénoms, Belge est le nom de famille ». Celui-là, on devrait faire une enquête, il dois passer à la postérité !
Cette volonté d’assembler l’inassemblable a conduit la bourgeoisie patriote à la crispation nerveuse, heureusement encadrée par les partis de pouvoir, pour en soigner les effets. Ce joli monde est dans un tel état d’esprit que pour durer, il n’y a aucune concession qu’il refuserait à la majorité flamande.
C’est un paradoxe : ce sont ceux qui tiennent le plus à la Belgique, à la cour, au roi, à la classe dirigeante disséminée de Gand à Arlon, aux artistes trois couleurs, de la baronne Annie Cordy, à Salvatore Adamo, etc… qui ont le plus de responsabilités dans une cassure qu’ils persistent à ne pas voir.
On a raison de se méfier de ses élites. Leur désir d’unité cache mal leur intérêt.
L’amalgame pathétique a commencé très tôt, en 1899, sinon dans ces eaux-là. L’establishment essentiellement francophone à l’époque se pâmait d’aise en glorifiant « l’âme belge ». Le chantre de la « belgitude », l’historien Henri Pirenne, dont les sornettes font toujours référence dans les universités francophones, offrait aux lecteurs de « La Nation belge », un article propre à rassurer tout le monde : « La fusion du romanisme et du germanisme ».
A vrai dire, en y répondant, Maeterlinck suscita la haine du sabre et du goupillon, les piliers du Régime d’alors, quand le 5 juillet 1902, dans les colonnes du Figaro, il écrivit à propos du néerlandais qu’il était un « jargon informe et vaseux », ce qu’on n’oserait plus écrire de nos jours, et à juste raison, puisque ce serait insulter 6 millions de personnes qui usent de ce moyen de locution.
Ce que Maeterlinck voulait mettre en avant, c’était l’exaspération de l’artiste devant l’aveuglement des élites.
Après un siècle d’exagération exaltée sur la « consanguinité » des deux peuples, en les configurant dans un fédéralisme dont l’essentiel de la représentation extérieure est flamande, la bourgeoisie francophone a entériné l’hégémonie d’une Région sur l’autre, en offrant à la Flandre, au nom du mensonge national, les clés du pays, par la frousse d’en devoir séparer les parties.
La Wallonie est désormais sous tutelle ! Le suffrage universel sert unilatéralement le Nord au détriment du Sud, quel que soit le cas de figure, même si les « sonnettes d’alarme » tintent pour rassurer la minorité dans sa destitution de citoyen à part entière.
C’est – diront les Flamands – la monnaie d’une pièce rendue avec retard.
Les lois linguistiques de 1932 et 1935 abrogeaient la liberté assurée par la Constitution dans le choix des langues. Dès lors le principe de territorialité allait prévaloir sur le droit individuel. « Cuius regione, eius lingua » dit le droit latin.
Après avoir caressé l’espoir d’un pays bilingue, voilà les partis francophones complètement reconvertis dans le schéma de deux espaces distincts, dont l’un, la francophonie, est désormais sommé d’apprendre le flamand « notre seconde langue », sur le temps que l’autre liquide ses élites francophones remplacées par une élite éduquée en néerlandais et fait de l’anglais la deuxième langue de la Région.
Le dernier espoir d’une Belgique unitaire s’en est allé ainsi dans un système désormais contrôlé et organisé par la Flandre.
Il sera intéressant de connaître les positions de la classe dirigeante après l’accord, quand la situation de Bruxelles Halle Vilvoorde ne laissera plus aucun doute sur la mainmise du pouvoir majoritaire flamand en Belgique.
L’habillage de cette défaite en opération blanche doit être sans doute la partie du traité la plus chaude et la plus urgente à mettre en pratique depuis les officines des partis.
Dehaene n’a rien à déminer du tout. Les démineurs du PS et du MR gambergent pour lui tailler une avenue.
Bien pétri par les rois de la boulange le peuple wallon est passé de l’indignation à la compréhension pour BHV. Jean-Luc n’a plus qu’à nous émincer pour nous accommoder à sa sauce, en toute humilité, dirait Elio Di Rupo.
Je me demande si pour lors, ils oseront distribuer des petits drapeaux aux enfants des écoles, le jour de la grande union des deux peuples à l’accord BHV..
Nul doute que nos hauts personnages politiques traditionnels francophones trouveront les accents pathétiques qui conviennent afin de présenter aux âmes naïves d’expression française, une collaboration que leurs aînés ont pratiquée dans l’histoire avec des peuplades encore plus au Nord et qu’ils espèrent cette fois mieux réussie que la précédente.