Davos nulle part…
…et partout en filigrane.
Rarement, on aura lu aussi peu de commentaires dans la presse belge sur Davos, le grand rendez-vous annuel de l’économie mondiale.
C’est bien joué de la part des gens de pouvoir. Ainsi, en ne parlant pas de l’événement, on l’escamote des esprits.
C’est pourtant dans cette petite ville friquée de la Suisse que les chefs d’Etat et les économistes du top se sont rencontrés et ils n’y ont pas parlé de sujets frivoles. Les discussions ont porté sur l’avenir de la société globale. Apparemment, cela intéresse moins qu’une défaite du Standard ou le retour de Justine Hennin.
Marianne pouvait titrer au lendemain de Davos «Le mur d’argent n’est pas tombé ».
Certes, Davos n’avait pas force de loi et il ne serait pas tombé de toute manière sur les pistes de ski de cette station chic de sports d’hiver.
On comprend les raisons de ce silence, à l’exception des journaux financiers qui ne sont lus que par des spécialistes, le mot d’ordre était au black-out ! On sait pourquoi on bande les yeux des condamnés au peloton d’exécution, c’est pour ne pas voir la mort arriver, pardi !
On n’ose imaginer la suite, si les foules, amusées par des nouvelles les plus futiles, s’essayaient à comprendre le drame qui se joue !
L’Europe minimise la grogne qui s’est installée chez les Américains à propos des mesures insuffisantes proposées par Obama à l’encontre des banquiers trop désinvoltes, ainsi que la hargne de certains républicains sponsorisés par les milieux d’affaire qui les trouvent excessives !
L’ambiance était toute en demi teinte à Davos, selon que l’on parût de l’un ou l’autre camp, avec des chiffres effarants comme les 94 milliards d’euros de bonus qui seront versés aux traders et cadres des grands établissements bancaires cotés à Wall Street, à la tête desquels la banque d’affaire Goldmann Sachs fit un pied de nez au président.
Le public français, s’y serait indigné au discours de Sarkozy, tout imprégné du désir de faire table rase d’un système à bout de souffle, par rapport à la réalité et à son tragique parti-pris de n’en rien faire !
Le lecteur enfin informé aurait senti la menace, la première dans l’histoire économique, que font peser sur l’Europe-Amérique la production des économies émergentes des pays du BRIC : Brésil, Russie, Inde et Chine, avec un modèle économique occidental discrédité et la situation de grande faiblesse d’après-crise. De ces économies émergentes, émane le souhait d’accélérer la libéralisation du commerce et la régulation financière, tant prônées par nos banquiers avant la crise et dont l’ultralibéralisme se retourne contre ses inventeurs, c’est-à-dire nous.
Le pouvoir d’achat des citoyens de ces pays augmente – on serait bien mal placé pour s’en indigner. Ils sont de plus en plus nombreux à se payer des choses qu’ils ne pouvaient s’offrir, il y a seulement deux ans. Mais comme le fait remarquer Hans-Paul Bürkner le Pdg de Boston Consulting Group, ils sont des milliards de pauvres qui espèrent et qui sont prêts à travailler dur pour avoir une existence décente. Or, l’économie capitaliste n’a pas été conçue pour la consommation de masse à l’échelle mondiale. Elle n’était possible qu’à partir du moment où un milliard d’hommes pouvaient « vivre mieux » au détriment des cinq à six milliards restant.
Si aider ceux qui luttent au sud pour consommer, favorise la reprise des économies occidentales, à plus long terme, cela signifie l’épuisement des ressources plus rapidement que les estimations actuelles et une aggravation des pollutions produites par l’industrie humaine.
La redistribution des rôles au plan international est vraiment une des grandes inconnues de l’avenir. Pour en avoir une petite idée, l’année dernière, il y a eu15 points d‘écart de croissance entre la Chine (plus 10%) et l’Allemagne (moins 5%) !
Si ces chiffres ne veulent rien dire à nos populations, par contre ils ont un rapport évident avec nos 500.000 chômeurs et on comprend mieux nos gouvernements qui renforcent en toute hâte nos polices sous prétexte d’une recrudescence du banditisme, alors qu’il s’agit véritablement pour l’Etat de parer à une future guerre civile, possible, puisque tous les éléments d’un heurt entre population et forces de l’ordre seront réunis dans un avenir pas si lointain.
On voit ici tout l’intérêt de nos « élites » de poursuivre leurs efforts à désinformer la rue.
Plus jeunes, meilleurs et plus rapides, sans état d’âme, ayant mis la morale à cuire dans leur pot-au-feu, les pays émergents se fichent des anciennes hiérarchies de l’argent. Pour eux, le forum de Davos a été l’occasion de montrer les puissances montantes.
Ils nous pressent à réfléchir globalement à l’avenir de la planète. Mais, ce sera très difficile de leur faire comprendre que l’avenir est dans la moindre consommation. Dans ces pays là, les écolos ont peu de chance de se faire des alliés.