Que la fête commence !
Tout est dans le comportement, la rencontre du regard, le geste qui « va vers les autres », qui offre, en somme, tout le reste.
Les techniques du racolage en supermarché ou en politique sont bien connues.
La suprématie de l’imaginaire sur le réel est un fait accompli depuis que nous sommes passés de la civilisation de l’écrit à la civilisation de l’image.
Les techniques ont réussi à basculer « le faire » dans « le faire semblant ».
Maintenant tout le monde fait semblant. C’est ça la modernité. Ceux qui « font sans semblant » en sont tellement mal payés, qu’ils ne s’en remettront pas; à la retraite ils toucheront le minimum de ce que l’Etat, parcimonieux pour les « gens de peu », leur offrira.
Il y a un faire semblant pour les dirigeants, pour les chercheurs, pour les militaires ; travailler sans faire semblant, ne nourrit plus son homme.
Les comportements s’orientent en fonction du champ et de notre implication.
Pour jouer à être le meilleur, il faut bien pourtant que les autres jouent à être mauvais. Il y a donc une complaisance de ceux qui jouent à être mauvais par rapport à celui qui joue à être le meilleur. C’est ce qu’on appelle la hiérarchie, qu’elle soit sociale ou de bureau.
Ce qui compte, à l’exploit du meilleur, c’est l’harmonie des rôles dans une médiocrité générale qui lui donne ainsi du relief par contraste. De l’intérieur vers l’extérieur, l’harmonie est universelle. Si Mahmoud Ahmadinejad est le meilleur, c’est parce qu’Yves Leterme l’est aussi.
Une théorie de la société prouverait qu’une hypersélection par les grandes écoles donne aussi une hypersélection par l’hôpital psychiatrique. Plus la supercherie tend à nous faire admirer les brillants sujets que la démocratie libérale procure à l’admiration des foules, plus il y a des chances d’y trouver les plus infâmes bas-fonds où végètent les plus misérables individus, derrière nos paravents sociaux !
De la peur de la contagion par la variole, nous sommes passés à la peur des autres, une sorte de délire qui fait craindre à tous, ce qui ne manquera pas d’arriver à l’un d’entre-nous sur cent mille.
Le remède de l’enfermement ne nous soulagera pas de la peur des autres, puisque notre comportement l’engendre. La violence n’est pas pire que celle que nous avions en 1900, mais étant mieux connue dans ses faits-divers, celle d’aujourd’hui paraît en expansion.
Cette peur est l’aboutissement de la science et du confort des temps modernes. Au lieu de nous affranchir du conformisme, cette peur nous en imprègne. Nous ne sommes pas loin de penser que la mort qui est l’aboutissement de toutes les peurs, peut être évitable, pas tant pour les autres, puisqu’il faut bien faire une certaine place aux nouveaux venus, mais pour nous-mêmes. Or, le sanglant du fait-divers nous éloigne de l’idéal absolu de l’immortalité.
Tous les discours servent à annoncer ce qui se fait déjà, à prédire ce qui est advenu et surtout à améliorer le standing de ceux qui les prononcent.
La statistique est le « penser juste » de ce qui est faux.
Le discours de l’institution est le sommet du convenu. C’est par réflexe tribal que l’Institution pervertit les autres de sa propre perversion.
La crise est survenue à point nommé pour raffermir le pouvoir du meilleur sur les mauvais. Ainsi, nous savons gré aux institutions de se servir de notre argent pour sauver les banques qui, avant, nous regardaient de haut et qui, après, nous regardent d’encore plus haut, puisque nous sommes passés du statut de naïf à celui d’imbécile.
L’institutionnel a confisqué les grands discours du passé, celui de Marx, comme celui de Jésus Christ. Le superlatif a tué le relatif. Tout ce qui n’est pas machine à faire de l’argent n’intéresse plus. La philosophie elle-même n’est écoutée que lorsqu’elle prédit que les pommes de la récolte suivante seront en or. Y rabâchent les docteurs en apocalypse et les découvreurs de Marx sous les troènes qui masquent les horizons enchanteurs. Onfray n’est gracié qu’en qualité d’hédoniste. Il ne ferait pas deux salles d’un coup à son discours, l’une pour admirer le grand homme en chair et en os comme sur les foires de jadis, l’autre pour béer devant un grand écran, s’il n’était que le pourfendeur du capitalisme.
L’illusion d’une renaissance de l’humain est morte. Les illusions du monde moderne sont bien présentes. Le bal peut commencer !