Hit Parade au MR
Les partis, c’est comme dans les porcheries, quand le bestiau a le nez dans la farine, on ne l’entend pas. Quand la mangeoire est vide, c’est l’éleveur qui doit se faire du souci.
Au Mouvement Réformateur, ça couinerait plutôt. Le MR ne participe qu’au niveau fédéral à la conduite du pays. Le communal se défend encore assez bien, mais les récents sondages font craindre des pertes en voix, qui dit pertes en voix, dit pertes en notoriété.
Au gouvernement wallon, et à Bruxelles, le MR est dans l’opposition pour un bout de temps !
-C’est du manque à gagner, ça, madame !
Les mangeoires, si elles ne sont pas vides, ne sont qu’à moitié pleines.
Participer à un gouvernement, c’est en plus de se faire reluire dans les gazettes, placer une série de fonctionnaires et d’attachés de son bord dans les ministères bleus, et être assez près du centre de distribution pour une part plus abondante que si l’on glandait dans l’opposition où n’entre en jeu que le salaire de l’élu.
Ce qui se passe au MR est à peu près du même ordre que ce qui se passe à l’UMP française.
Encensé quand ça va bien, le chef de parti est aussitôt fragilisé par ses anciens admirateurs quand ça va mal. Même si les Michel et la suite de leur nébuleuse, les Gérard Deprez et consort, n’ont jamais été dans les admirateurs du principicule liégeois, les résultats du MR les tenaient à l’écart de toute subversion ouverte.
Il y a fort à parier que cela va changer dans les mois à venir.
Les couteaux s’aiguisent, même si officiellement les sondages désastreux ne sont pas commentés.
D’après les gazettes, bien disposées pour ce qui mouline dans « le bon sens », le Conseil de fédération du MR, en réunion ce lundi, n’aurait pas évoqué la situation née des résultats du sondage de "La Libre".
On peut penser qu’il en allait autrement dans les couloirs. Au MR c’est une tradition : tous unis sur la photo de famille, en-dehors des estrades, on s’équipe d’un gilet pare-balles..
Depuis Jean Gol qui a inauguré cette façon de faire, tout se joue dans les couloirs. Comme on sait que c’est dans le couloir du funérarium que Louis michel « s’est couvert des oripeaux du mort, pour usurper la place du successeur « naturel » qui devait être Didjé, les belles manières des tontons flingueurs datent de loin !.
Depuis, au MR tout n’a jamais été que compromis entre deux portes, dans le va-et-vient et la pénombre d’un corridor de commodité.
Il y a de quoi s’inquiéter. Sur les quatre dernières années du règne de Reynders, le parti a perdu un tiers de ses électeurs. Et ce n’est pas l’avènement d’un nouveau parti, même si celui-ci est déjà appelé « d’extrême droite » que le MR pourra se refaire une santé.
Les appétits insatisfaits protestent. Didjé parle de crise mondiale, d’économie maltraitée, du passage à vide d’un libéralisme qui se cherche, rien n’y fait. Il y a trop de haine rentrée, trop de sourires contraints, tant qu’à faire à perdre des voix, on n’a pas pour autant perdu l’appétit. Et qui met tout le beau monde à la diète au MR, réponse de plus en plus étoffée par les chœurs de l’armée de la « frousse » : Didier Reynders !
Retenu à Paris pour une conférence (1), le président était remplacé par sa copie conforme Borsus. On comprend un peu que le Conseil de fédération ne se soit pas exprimé à cœur ouvert, mais ce n’est que partie remise, le babillard parisien ne perd rien pour attendre.
Sous l’apparence d’un parti uni, en réalité le MR est profondément divisé. Il y a le camp des inconditionnels et le camp des opposants irréductibles à Didjé.
Des incidents récents à propos de Christine Defraigne et de son délestage de la présidence du groupe au Sénat, les allusions préparatoires au changement de Gérard Deprez et de quelques autres, laissent à penser que ce n’était que le premier round et que le gong vient de retentir pour le deuxième.
On se rappelle que Didjé voulait débarquer Gérard Deprez de sa prébende au parlement européen afin d’attirer Rudy Aernoudt dans les filets du MR en lui offrant cette galette des rois. Pétard des Michel, explosion de l’intéressé, bref, le coup raté, Rudy Aernoudt s’en est allé fonder un nouveau parti avec Modrikamen.
On peut dire ce qu’on veut de Didjé, mais s’il avait réussi à intégrer Rudy, il aurait pu conserver l’électorat d’extrême droite qu’il est en train de perdre. Comme l’extrême droite séduit aussi certains désespérés de voir les choses bouger parmi l’électorat ouvrier, il y a de fortes chances que le MR n’eût pas été dans la situation désastreuse qui est la sienne aujourd’hui.
Quand on pense que Deprez joue les fins stratèges et explique ce qu’il faudrait faire pour que le parti reprenne du poil de la bête, on peut dire qu’il est gonflé !
Didier Reynders compte encore beaucoup de partisans, amis et clients, l’un dans l’autre, cela fait du monde que le MR ne peut se permettre de perdre. Il reste 15 longs mois avant les élections fédérales pour se refaire. Monfils et la suite ne sont pas encore au chômage.
« Le printemps des réformes » est dans l’impasse. L’imagination fout le camp. Elle ne s’intéresse qu’aux titres ronflants, au cabinet dans les cabinets, comme le groupe Renaissance qui au lieu d’évoquer le Quattrocento, a plutôt offert le spectacle d’une inquisition interne. Peut-être faudrait-il d’autres conseillers au principicule liégeois ?
Quand on interviewe Didjé, il débine tant qu’il le peut ses amis et parle plutôt en ministre des finances « qui a réussi » sur un bilan de 10 ans, qu’en président du MR qui a échoué sur 4 !
L’erreur de ce parti, c’est de post-poser sans cesse un plan plus audacieux. Le dernier en date, c’est de prévoir encore trois mois de rabiot à l’inertie, si après ce délai, le MR chutait sous la barre symbolique des 20 %, se faisant dépasser par Ecolo, il faudrait s’alarmer.
N’est-ce pas Napoléon qui a dit que la meilleure défense, c’était l’attaque ?
Qu’en pense donc, Monfils, notre Talleyrand liégeois ?
Il est vrai que l’empereur avait dit de lui : « Monsieur, vous êtes de la merde dans un bas de soie ». Didjé qui aime les bons mots, devrait s’en souvenir, pour plus tard. C’est toujours utile les références historiques, des fois que l’intéressé tournerait des talons..
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1. Si quelqu’un sait le sujet, le lieu et qui a organisé cette conférence, il serait bien aimable de me l’écrire. J’ai fureté sur la Toile et je n’ai rien trouvé.