Une nouvelle « dame de fer » ?
Joëlle Milquet est pénétrée de l’importance de ce qu’elle considère comme sa mission : la direction de son parti et - en découlant - les responsabilités ministérielles. Sa place ne saurait être « qu’en vue » de par sa personnalité avec ses certitudes et ses ambitions. Elle souhaitait le poste de Ministre de l’emploi, parce qu’il lui semblait que son humanisme débordant allait convaincre les chômeurs de forcer la porte des entreprises et elle se faisait forte de persuader les entrepreneurs de les engager.
Elle est bien dans les errements qu’ont les autres présidents de parti : un appétit à digérer des montagnes et – hélas ! - un résultat minuscule, à rebours de ses prétentions ; mais qu’elle ne peut pas voir, parce que l’échec n’entre pas dans ce qu’elle perçoit d’elle-même.
Cette femme « qui dérange » sur papier, a fini par déranger vraiment dans la réalité, depuis qu’elle s’attaque aux chômeurs, la frange la plus sensible et la plus malheureuse des largués.
C’est en se persuadant que les mesures de remise au travail font le tri entre ceux qui ont un vrai désir de travailler et ceux qui trouvent commode d’avoir un petit pécule à ne rien faire, que Joëlle Milquet devient une femme dangereuse, emportée par le feu de l’action sur des théories hasardeuses.
Car, ses mesures d’accompagnement n’ont jusqu’à présent permis d’engager que très peu de personnel dans des entreprises qui n’en voulaient que du bout des lèvres, surtout pour les avantages sociaux qu’elles en pouvaient retirer. Par contre, la radiation des chômeurs va bon train et n’est pas prête à s’arrêter.
C’est tout le scandale d’une situation voulue par une « femme d’œuvre » dans l’intention de soulager et qui, au contraire, fait souffrir, se retrouvant à la tête d’une politique d’exclusion comme il y en a eu peu en Belgique.
Les libéraux doivent rire sous cape et Gérard Deprez plus que ses compères.
La solution n’est pas dans les mécanismes actuels de chômage, ni dans le temps partiel, l’intérim ou la prépension, encore moins en « liquidant » une frange de chômeurs, afin de montrer de bons chiffres du chômage.
De toute manière, ils sont mauvais et le resteront.
C’est clair : l’économie du néolibéralisme n’a plus besoin de toute la population au travail, alors qu’elle a besoin pour progresser, que tous les citoyens aient un revenu.
Tant qu’on n’aura pas intégré le problème vu sous cet angle, il sera impossible de considérer la contribution sociale, parentale, artistique ou altruiste comme un travail.
C’est sur la redéfinition même du travail que l’effort doit se porter.
« Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage, qu’un meilleur nom ; et que méditer, parler, lire et être tranquille, s’appelât travailler. »
Que nos « élites » aient un jour un peu de lettres, et ils pourront réfléchir sur la signification très actuelle de ce texte de La Bruyère.
En attendant ce jour, espérons que Joëlle Milquet finira par s’apercevoir que l’arsenal de ses méthodes pour forcer l’emploi, n’est rien d’autre qu’un outil de régression sociale, sans aucune chance de colorer l’avenir du monde économique qui se moque bien du social et encore moins de l’éthique.
Dans un début de marche arrière, notre « dame de fer » présentera, en commission des Affaires sociales de la Chambre, des corrections à apporter au dispositif assurant de la disponibilité des chômeurs.
A moins que d’une hésitation à l’autre, son point de vue final soit encore différé.
C’est que la popularité de la dame est en train de prendre un coup. C’est difficile d’atteindre à la popularité quand on est à la tête d’un parti, et en même temps à la chasse aux chômeurs en tant que ministre du travail.
S’il faut en croire les gazettes, Joëlle Milquet envisagerait de soustraire du contrôle de l’ONEM les chômeurs qu’elle qualifie d’"éloignés du marché du travail" (La Libre Belgique). D’ici à ce qu’elle discrimine les déficients mentaux et les handicapés légers de leur prétention à être des citoyens ordinaires, on en arriverait vite au monde d’Orwell et de Huxley. Est-ce que la « dame de fer » voit bien dans quel genre de société elle risque de faire tomber la société belge ?
Adolphe avait été encore plus radical en Allemagne dès 1936.
Elle n’a plus qu’une seul alternative : celle de laisser tomber cette inqualifiable prétention de remettre des gens au travail quand il n’y en a pas, dans le cadre d’une société capitaliste qui cherche ailleurs de la piétaille bon marché afin de produire au moindre coût pour de plus gros bénéfices.
Les gouvernements d’Europe devraient plutôt tourner la page de cette société-là et envisager des grands travaux d’aménagement pour une meilleure vie dans toute l’Europe, financés par les collectivités, la taxation des banques et des industries dégageant des superprofits.
Enfin, s’inquiéter de ce que dans cinquante ans il existera un métier sur deux qui n’est pas encore créé en 2010.
Ce n’est pas simple et ça demande beaucoup de clairvoyance et de courage politique, en plus d’un accord européen, difficile à trouver.
Tout cela pour demain, ou après-demain… Quant à aujourd’hui, il serait plus opportun pour elle que la ministre « écrase » plutôt qu’ « écraser » les autres, si elle veut rester en vie dans le paysage politique des futures élections.
Commentaires
En Allemagne en 1936, probablement :"Adolf"
Postée le: Anonymous | mars 19, 2010 05:26 PM