Métamorphoses
-Monsieur le président – pour des raisons évidentes de confidentialité le journal taira le nom de votre parti – vous avez décidé de changer de sexe, m’avez-vous dit au téléphone. C’est une histoire singulière, un cas inédit de transsexualité en politique, pouvez-vous nous dire pourquoi ?
- Mon cher Hugues Dore-Zee, je vous ai demandé de passer à mon bureau de Bruxelles pour vous en dire davantage.
-Pour les mêmes raisons de confidentialité, nous vous appellerons Tino dans notre article, si vous le permettez.
-Elle vous en prie.
-Sous les apparences masculines avec lesquelles nous vous connaissons, il y aurait donc une femme qui sommeille en vous ?
-A vous dire vrai, je me sens homme, mais il m’arrive parfois d’en douter.
-En cause certaines décisions politiques, sans doute ? Quelles sont-elles, Tino ?
-Ce n’est pas cela. Je prends toujours des décisions appropriées. Quand je pense « pouvoir », je me vois en homme… Les femmes ne savent pas prendre de décisions.
-Ce que vous me dites me paraît bien misogyne ! Vous me voyez perplexe. A moins que vous ne vous sentiez devenir femme dans un métier d’homme ? Ce qui expliquerait votre malaise !
-Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours fait pipi assis !
-Par souci de propreté, mon cher Tino, mon épouse exige qu’il en soit ainsi pour moi également, la rédactrice en chef l’exige de tous ses collaborateurs, sans que j’aie le moindre doute sur mon sexe, ni sur la qualité de mâle de mes collègues..
-Je me suis dit cent fois ce que vous me dites, mais il y a autre chose.
-Ah !
-Voilà quelques temps, je fréquente en grand secret la présidente d’un autre parti. Nous nous sommes rencontrés chez des amis communs. Il n’y a que pour les électeurs que nous faisons semblant de nous quereller dans les partis, nous nous entendons très bien en réalité…
-Quoi de plus naturel, mon cher Tino, qu’un homme fréquentât une femme ? Même si des divergences de vues les séparent ! Rappelez-vous les amours contrariées de Wilfried Maertens avec une amie d’enfance… un mariage récent entre un libéral et une socialiste…
-Oui, mais, au cours de nos relations, le caractère viril de – pour des raisons de confidentialité je l’appellerai Josiane - a révélé en moi des pulsions féminines telles que je me suis sentie femme, tandis que Josiane ! Et un jour… un jour…
-Oui, Tino.
-Je me suis aperçue, pardon aperçu, que Josiane était José ! Autrement que la présidente était devenue un homme !
-C’est étonnant. Les présidents et les présidentes de nos partis seraient-ils – elles – touché(e)s par le syndrome d’inversion ? Peut-être à force de changer d’avis…
-Elle me fit la confidence un soir d’un grand épanchement que souvent pour calmer les prétentions à occuper son siège par ses bouillants collègues, elle était obligée d’avoir recours à la force physique ! Pour se protéger des coups, elle fit du judo et quelques séances de body-building. C’est alors qu’elle perçut des transformations de son corps. Elles étaient déjà perceptibles lorsqu’à l’issue d’une Commission nous fîmes plus ample connaissance, mais j’étais tellement amoureux que nous ne nous en aperçûmes pas. Quand le mois dernier, dans les couloirs de la Chambre, derrière le buste d’Adolphe Max, je sentis sous ma main là où la caresse ne devait rencontrer aucun obstacle à l’exception d’un doux duvet, je sentis, disé-je, quelque chose de dur et de hérissé ! Josiane avait un sexe apparent ! Oh ! elle n’en savait rien elle-même. Jusque là elle avait vécu en mère de famille avec des enfants issus d’un mariage avec P. avocat comme elle… Oh !... n’ayez crainte, je ne trahirai pas son anonymat en précisant cela, car à part moi, ils et elles le sont tous et toutes…
-Cocus ?
-Non, avocats et avocates, mon cher…
-Mon cher Tino, je ne comprends pas cette métamorphose !
-Moi non plus. J’ai pensé que la fonction créait l’organe et qu’il poussait un petit pénis aux présidentes dans l’exercice d’un pouvoir jusque là typiquement masculin ; mais, alors comment expliquer que le mien est en train de rentrer petit à petit dans une sorte de cavité dont je tairai le nom, puisqu’il n’y a aucune apparence que mon cas ait servi à la communication au magazine « Science », du sexologue Robert Stoller !
-Peut-être que la métamorphose que vous me décrivez chez Josiane est illusoire et que c’est au contraire parce que c’est vous qui mutez et que vous ne voulez pas le reconnaître ?
-Insinueriez-vous par là, mon cher Hugues Dore-Zee que je suis un président mou ? Vous vous tromperiez. La preuve, j’ai immédiatement convoqué mon Bureau et c’est la principale raison de votre présence, j’ai fait voter une proposition de loi qui sera bientôt déposée sur le bureau du président de la Chambre.-
-Et que dit-elle ?
-Elle permet d’étendre la loi contre la discrimination des sexes aux partis politiques, de sorte qu’un président puisse devenir une présidente sans que cela provoque sa démission.
-Qu’est-ce que je vais écrire pour mes lecteurs qui soit de nature à ne pas les choquer ?
-Vous pouvez écrire pour satisfaire l’équilibre entre les sexes que le Président Tino a décidé de changer de sexe et qu’ainsi la parité sera observée dans le parti X !
-Et Josiane, que va-t-elle faire ?
-Ce n’est plus mon problème. Elle vient de m’annoncer qu’elle conservait son sexe et que nous n’avions plus rien à nous dire.
-Une question de parité aussi ? Pourtant, si les moustaches lui poussent et que son nouvel appendice entre en tumescence ?
-Non, ce sera sans conséquence. Son mari s’est découvert gay !...