Quand les chemises chinoises seront hors de prix !
L’électeur a déjà coupé court aux bobards des partis politiques en s’abstenant massivement de voter en France. La Belgique n’est pas épargnée pour autant par le vote obligatoire, l’électeur belge fait du n’importe quoi et n’a plus confiance.
L’économique a perdu sur deux ans toute espèce de considération que pouvait avoir pour lui des populations frappées par la crise depuis 2008.
C’est que le divorce est consommé entre ce qui s’affiche et ce qui se ressent dans la vie de tous les jours.
L’économiste Eric Maurin analyse le récent scrutin français « …la première clé de lecture n'est pas géographique mais sociale. Le clivage central de la société se situe entre ceux dont l'avenir est protégé et ceux que menace la violence du marché du travail et des évolutions économiques. Ce clivage traverse les classes populaires et les classes moyennes. Il n'y a pas une seule " classe moyenne ", une seule " France d'en bas ", mais plusieurs, très inégalement exposées au risque de déclassement, les unes défendant des statuts chèrement acquis, les autres bataillant pour en obtenir, souvent en vain. »
L’homme de la rue en Belgique voit le monde actuel coupé en trois : l’économique, le politique et le Tiers Etat. Les deux premiers affichent une entente parfaite, quoique le politique se trouve le plus souvent dans une position subordonnée. Le Tiers Etat est indispensable aux deux autres, mais n’en est pas pour autant récompensé. C’est qu’il est nécessaire qu’il soit trompé par la logique économico-politique, afin qu’il ne pèse pas trop lourd dans la répartition des dividendes dégagés et des biens produits uniquement par lui.
Il faut faire en sorte que ce qui est inutile et onéreux passe pour indispensable : les rémunérations des capitaux, les salaires à un certain niveau, les décisions d’ouverture et de fermeture de sites industriels selon des critères boursiers, etc. ; et ce qui est indispensable (travail, sacrifice, inventivité et productivité) passe pour inutile et onéreux.
Tout en ce mois de mars 2010 est voulu dans ce sens.
Le public averti – pas tout le public hélas ! - a appris à se méfier.
Il ne croit plus aux économistes de plateau de télé, aux annonceurs du beau temps des journaux et surtout à la vocation apaisante et rassurante du politique.
Certaines informations ne peuvent pas être filtrées et réduites en émulsion apaisante.
Les deux premiers « piliers » du tripode énoncé plus haut : l’économique et le politique comptent sur la dose massive de somnifère qu’ils inoculent au troisième, pour qu’il passe tout de suite à la rubrique football et qu’il n’essaie surtout pas de lire entre les lignes de l’information suivante :
« Après plus d'une décennie passée dans l'orbite de l'Américain Ford, le suédois Volvo Automobile a entamé dimanche 28 mars une nouvelle ère avec sa vente au chinois Geely, qui veut en faire un "tigre" pour conquérir la Chine. Le constructeur Volvo Cars a été vendu 1,8 milliard de dollars (1,3 milliard d'euros), soit près de quatre fois moins que le prix auquel Ford l'avait acheté en 1999. »
Cette information décryptée est significative de l’état de délabrement de l’industrie automobile américaine et de la dette astronomique des USA , dont le principal créancier est la Chine. Elle infirme les dires de nos économistes qui prévoient un redémarrage de l’économie, que dis-je, qui la voient comme étant repartie, le bémol du chômage étant « normal », selon eux, la reprise de l’emploi redémarrant toujours plus tard.
Le Tiers Etat ne pense pas un mot de ce qui est écrit plus haut. Il croit que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, une sorte de tunnel dans lequel nous nous engageons derrière les USA qui nous éclaire à la torche de moins en moins lumineuse.
Les « big three » -General Motors, Ford et Chrysler, ne sont plus les maîtres du monde.
Bien que Ford gagne de l'argent en Europe, sa branche américaine est au bord du dépôt de bilan.
General Motor brade au quart du prix des marques de voiture étrangères dans l’espoir de ne pas couler rapidement.
La réalité, c’est que l’industrie automobile américaine connaît une crise structurelle de grande ampleur, au même titre que l’industrie sidérurgique dans les années 80, pour les mêmes raisons, sur le temps qu’on essaie de nous faire croire qu’elle n’est que conjoncturelle.
Le duo de tête est symptomatique : l’Indien Mittal pour la sidérurgie et le Chinois Geely pour l’automobile !
La Chine est devenue l'an dernier le premier marché automobile mondial, devant les Etats-Unis.
Mittal deuxième sidérurgiste du monde, sera le premier bientôt.
La survie de l’industrie américaine tout entière dépend du bon vouloir d’Obama.
Ford, Chrysler et General Motors ne pourront survivre sans intervention de l'Etat en 2010-11. La disparition de ces symboles de l'« American way of life » serait un séisme sociologique au moins aussi fort que le 11-Septembre, par la remise en cause radicale du modèle sociétal et une rupture économique sans pareille.
Les travailleurs du secteur à Anvers ne doivent plus se faire d’illusions sur le sort qui les attend, malgré les gesticulations du politique pour arriver à des solutions.
Ce qui est dramatique, c’est l’absence de tout raisonnement de salut du duo économico-politique dans les décisions à prendre en Belgique et en Europe.
On voit poindre le réflexe de défense lorsqu’il nous dit « nous vivons au-dessus de nos moyens ». Nous pensons qu’il a en partie raison, ce que nous traduisons par « Il vit au-dessus de ses moyens par des avantages qu’il prélève sur nous ».
Evidemment, il faudra que cela cesse, grâce à des rectificatifs intelligents et des rééquilibrages vers plus de justice. La question : « en est-il capable ? ». Il est à craindre que non.
La suite est prévisible. L’hégémonie occidentale sur les marchés, c’est fini. L’Europe et l’Amérique vont devoir adapter leur mode de vie à leur capacité de produire et à vendre leurs produits.
On s’est moqué des chemises chinoises à 1 $. Bientôt, on ne saura même plus les acheter.
Une ère de pénurie et de besoins non satisfaits s’ouvre béante devant nous. Le monde économico-politique mieux armé que nous poursuivra son parasitisme, jusqu’à ce que le Tiers-État n’en puisse plus, alors nous entrerons dans une période de turbulence faites d’émeutes et de guerre civile.
Une révolution n’est-elle pas un ordre qui se fonde sur un ordre qui s’effondre ?