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Religion et philosophie.

J’ai perdu un temps précieux à l’étude des philosophies du 16me s. à la moitié du 20me s. parce qu’il y manque un des éléments essentiels du discours philosophique et qui n’est pas prêt de sitôt d’intégrer les cours de philo à la place qu’il mérite.
Il s’agit de l’explication politique du phénomène religieux d’une littérature philosophique clandestine occultée, pendant près de quatre siècles et demi, par les autorités religieuses et les Etats.
Gustave Lanson découvrit en 1912 un certain nombre de copies manuscrites de textes "philosophiques" ou anti-chrétiens dans les bibliothèques municipales de France. Il venait de mettre le doigt sur un gisement caché de la vie des idées à l'Age classique.
Depuis, les découvertes se succédèrent, toutes aussi curieuses et intéressantes. On en découvre et on en répertorie toujours aujourd’hui.
En 1980, un nouvel inventaire a été publié grâce au concours d’Olivier Bloch à la Sorbonne. Enfin la littérature clandestine sort d’un long sommeil avec 130 titres.
C’est comme si on nous avait caché d’autres Spinoza, d’autres Montaigne…
Ces découvertes interpellent les spécialistes de la philosophie et de l'histoire des idées et des religions, de l'apologétique et de la littérature, comme aussi de l'imprimerie, de la censure et de la diffusion des textes.
L'image traditionnelle de la philosophie à l'Age classique, réduite à quelques textes prestigieux, a été amputée par la censure d’une littérature « dérangeante et anticonformiste ». Les auteurs se sont cachés, se sont expatriés en Allemagne et en Hollande pour fuir la répression. Cela oblige à lire entre les lignes et à interpréter autrement les grands philosophes.
Bref, il y a eu un complot ourdi par les puissants pour abuser les peuples.
Le Theophrastus redivivus daté de1659 est un des ouvrages clés de l’imposture des religions. Il nous donne à méditer sur une étude très précoce et très complète de l’athéisme à l’âge classique. Pendant des siècles toutes les traces de l’existence du fameux livre avaient disparu. Pourtant des contemporains l’avaient lu sous le boisseau, comme la génération suivante. Il est quasi certain que Spinoza en avait pris connaissance. Montaigne, près d’un siècle auparavant, s’était aussi frotté à cette littérature interdite, dans d’autres circonstances et d’autres auteurs. Des copies manuscrites circulaient. Les érudits se passaient les bonnes feuilles sans prévenir leurs lecteurs de leurs sources, et pour cause… les philosophes, il est vrai, sauf à titre exceptionnel, n’ont jamais brillé par leur courage !Tout le monde n’est pas Socrate.

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Une réflexion sur l’état de nature et sur la loi de nature dans le Theophrastus permet de relativiser et de dater la notion d’imposture ; qui amène à envisager une rupture majeure dans l’histoire de l’humanité du processus des naissances et des destructions des civilisations.
« Cette thèse détermine la position du Theophrastus à l’égard des principes du droit naturel largement partagés au XVIIe siècle. Il est intéressant de remarquer que, par ce biais, l’auteur clandestin déplace la maxime de Plaute reprise par Hobbes (homo homini lupus) du contexte de l’état de nature, pour la replacer dans le cadre de la civilisation : c’est dans l’état social ou politique que l’homme devient systématiquement agressif envers ses semblables, car pour instituer la justice légale et humaine il fallut faire une horrible violence à la justice naturelle (Religion, autorité et imposture chez Gabriel Naudé et Pierre Bayle du 5 juin 2009 — Richard Hodgson)
La littérature philosophique clandestine de la fin du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle naît ainsi du contexte intellectuel défini par la rivalité des grands systèmes de Descartes, de Gassendi, de Hobbes, de Malebranche, de Spinoza, de Locke, bientôt de Leibniz.
Les clandestins de la pensée soulignent l'évidence de la raison et si cette évidence de la raison est un critère de certitude, qu'avons-nous besoin de Révélation ? Si la raison humaine est un guide sûr, la Raison divine doit s'y conformer. Dès lors, l'histoire biblique, histoire d'un Dieu jaloux et tyrannique, dont les actes sont incompatibles avec notre conception de la justice, de la bonté, de la sagesse d'un Etre infiniment parfait, n'est que l'histoire d'un peuple primitif et misérable. L'histoire des religions est celle d'une imposture politique. Ainsi, un texte comme l'Examen de la religion (1.) témoigne de la transformation du rationalisme chrétien de Malebranche en rationalisme philosophique anti-chrétien.
Dans les clandestina, on trouve des critiques systématiques du texte biblique, des dogmes et du clergé. Puisant à toutes les sources, nos philosophes secrets dénoncent l'erreur des religions : fausse conception de Dieu, ignorance du mécanisme de la nature, preuves embarrassées et ridicules, ruses et manoeuvres des prêtres et concluent que l'Eglise n'est autre chose qu'une société d'hommes. L'épistémologie rationaliste des philosophes, leur analyse des causes psychologiques de l'erreur, entraînent des conclusions radicales. Parmi le petit nombre d'esprits éclairés, la philosophie est conçue comme la dénonciation de l'erreur au nom de l'évidence de la raison. On peut donc penser que ce qui nous a servi de thèmes à penser n’a jamais été que l’expression d’une propagande au service des Grands.
Qui un jour osera faire le ménage et établir à leur juste place les philosophes clandestins en bouleversant les publications et en remaniant de fond en comble, les dictionnaires de la philosophie ?
Michel Onfray a, semble-t-il, abordé la question dans son « traité d’athéologie ». Il reste à rendre la place qu’ils méritent aux anonymes qui l’ont précédé.
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1. Examen de la religion dont on cherche l'éclaircissement de bonne foi ; in éd. G. Mori, Paris, Universitas ; Oxford, The Voltaire Foundation.

Commentaires

Je ne suis pas philosophe (bien que !!!)
Je ne fais que les lire.
Depuis la préhistoire la philo et la religion se sont confondues à cause d'erreurs de raisonnements.

Par exemple: dire: je vois la création donc il y a un créateur, donc celui-ci....
Qui dit que le créateur est une personne?
On aurait pu dire donc çà.....
Le créateur aurait ainsi été une chose (la création elle-même par exemple)
Mais notre formation vient des grecs qui voyaient le(s) dieux comme des personnes.
J'ai fait des études d'ingénieur et je n'ait jamais vu de ma vie une seule équation. Tout dans la nature s'exprime en inéquations (plus grand que.. ., moins cher que.... etc)
Alors pourquoi ne pas se mettre d'accord pour dire qu'il n'y a pas plus d'un dieu (c'est-à-dire 1 ou zéro)

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