Eerdekens et Ecolo
Pour beaucoup de progressistes, le dénominateur commun est encore le socialisme, malgré ses tares et ses renoncements depuis son virage à droite selon les critères regroupés sous le vocable « social-démocratie » mis en place depuis près d’un demi-siècle.
Tancé par Elio Di Rupo à propos de sa sortie contre les Ecolos, Claude Eerdekens n’a pourtant pas fait autre chose que réfléchir sur le mouvement écologiste et conclut que ce mouvement venu de la crainte d’un monde carrément mis en liquidation par les ventes publiques du patrimoine mondial au plus offrant du système capitaliste portait en lui sa propre contradiction : de gauche comme un riverain peut l’être sans se sentir autrement solidaire du monde du travail.
Ecolo, s’il a le sentiment qu’un changement est nécessaire ne pousse pas ce sentiment jusqu’à vouloir transformer le vieux monde corrompu et incapable de faire face aux difficultés économiques. Son changement s’intègre dans une modification des besoins et une réflexion plus approfondie des recyclages, sans changer rien du moteur de l’égoïsme qui pousse à l’individualisme.
Rejetant les dogmes, Ecolo choisit plutôt un courant de pensée qui donne priorité aux développements spirituels de l’individu, et à la constitution d’une communauté d’âmes que souhaite Jean-Michel Javaux : une sorte de courant pour le respect de la nature, proche d’un ascétisme chrétien « de luxe ».
Il est difficile d’apposer une étiquette sur ce parti qui prend justement l’essor qu’on lui connaît parce que sa démarche reste ambigüe.
Encore aujourd’hui, le mouvement Ecolo requiert un engagement si personnel, si éloigné de la réalité, qu’il paraît comme aveuglé. Vous me direz les « élites » socialistes le sont aussi, certes, mais les militants de la base du PS sont tout de même fort différents et de leurs dirigeants et d’Ecolo, base et cadres compris.
Le parti le plus compatible avec cette nébuleuse écologiste serait bien le CDH l’ex parti social chrétien dont Ecolo pourrait faire partie en qualité de « mouvement catholique progressiste associé ». Ce qui lui permettrait d’être bon catholique et bon social-démocrate définition qui manifestement plaît au président du PS, mais rebute Claude Eerdekens.
Evidemment, cette difficulté d’un dialogue entre une gauche solidaire de la pensée de Claude Eerdekens et Ecolo a échappé aux commentateurs politiques du Royaume, de la même manière qu’il a échappé aux apparatchiks planqués à la direction du PS.
D’une certaine manière, les positions sont irréductibles. La gauche entend renouer avec le progrès social par une relance classique des activités, Ecolo veut sauver la liberté d’entreprise autrement, c’est-à-dire en sélectionnant les productions en fonction de leur possibilité de recyclage et en ménageant les ressources naturelles
Cette dernière vision plaisante de premier abord, ne peut se faire que par le haut, lors d’une transformation possible de la partie supérieure de la société, c’est-à-dire celle des riches et de la partie de la classe moyenne qui a survécu à la crise de 2008.
Elle prolonge d’autant l’exploitation des couches populaires, ne change en rien le système capitaliste, au contraire, pénaliserait même la partie la plus pauvre de la société en ne lui permettant pas de vivre dans les nouvelles normes et, en la condamnant aux anciennes, en risquant de la faire montrer du doigt par les autres.
Finalement un échec d’Ecolo n’est perceptible que pour quelques rares politologues capables d’extrapolation. Ils estiment peu vraisemblable que le mouvement Ecolo puisse sauver le système de libre entreprise en le purifiant.
Ce qui est dans le domaine du vraisemblable serait la déconvenue de la base issue de tous les milieux politiques, profondément divisée sur le système économique et simplement réconciliée sur le seul objectif écologique, aussitôt remis en question par les coûts nouveaux qu’il faudrait nécessairement prélevés sur le travail de ceux justement qui y auraient le moins de bénéfice.
Il faudrait alors un affrontement aux forces économiques contre lesquelles toutes les forces chrétiennes et écologistes ne suffiraient pas. Les socialistes se rangent toujours derrière le productivisme capitaliste.
Un monde purement écologiste n’aurait pas de chance de subsister dans ces conditions, les grandes puissances émergentes ne se sentant pas la vocation de faire taire les appétits grandissant de leurs populations, si longtemps obligées à une économie de survie.