Un vilain mot : trahison !
Le parcours atypique de l’homme politique qui passe d’un grand parti politique à un autre, peut s’appeler opportunisme, cynisme, mais la plupart des gens se contentent de l’appeler trahison !
Cette transhumance diversement appréciée est plus répandue en France, qu’en Belgique, sans pour autant pouvoir affirmer que les convictions soient moins fortes en France que chez nous. Peut-être même que cette différence n’est due qu’a la faculté de Sarkozy de « séduire » par des arguments forts, des gens venus de formations diverses. Il a siphonné le parti de Bayrou et gagné quelques mandataires socialistes à la cause de l’UMP, moins par une conviction modifiée, que par l’attrait d’un poste ministériel.
En Belgique, les transfuges existent mais sont plus rares, parce que les coalitions de gouvernement diluent le pouvoir du premier ministre, rendent même impossible un transfert d’un parti à un autre, parce que ce sont les présidents de parti qui désignent les ministres auxquels chaque parti a droit, de sorte qu’un transfuge qui se résume à un poste acquis, risque de passer pour « acheté ».
Plus fréquents sont les transferts ou les ralliements des petits partis aux grandes formations.
Deprez, ex président du PSC, n’ayant pas réussi à entraîner Joëlle Milquet et l’ensemble du parti au MR, a bricolé pour une poignée de fidèles un ectoplasme du nom de MCC (mouvement des citoyens pour le changement). Peut-on parler d’une volteface de sa part ?
Le PSC devenant le CDH s’est surtout démarqué du MR par sa volonté de chercher des alliances de gouvernement du côté du PS.
Il y a aussi « l’erreur de jeunesse ». Jean Gol, fondateur du MR avec F. Perin, est passé de l’extrême gauche au libéralisme, dans un parcours qui n’est pas si curieux qu’il en a l’air et en ayant l’impression que, ce faisant, il ne trahissait personne, selon un principe que les gens d’un certain poids et d’un certain âge aiment répéter à droite « On est de gauche à vingt ans , et de droite à quarante ».
Le militant méprise les gens de parti qui claquent la porte, comme il accueille très mal les transfuges. La fidélité semble la qualité que l’on préfère chez l’élu.
Plus clairement le cas d’Eric Besson, qui passe entre les deux tours de la présidentielle, de l'équipe de Ségolène Royal au service de Sarkozy, est ce qui s’appelle une trahison. Il ne l’aurait pas fait s’il n’avait conclu par les sondages que Ségolène ne battrait pas Sarko au second tour et sans qu’il ait reçu l’assurance que pour le prix de son ralliement, il aurait une place dans le gouvernement Fillon. Considéré par la gauche comme un "traître", il représente pour la droite la possibilité de mettre en pratique la fameuse "ouverture" promise par Nicolas Sarkozy dans laquelle s’engouffreront d’autres après lui, tel Bernard Kouchner, l’exemple type du personnage en bout de carrière et qui n’aurait aucune chance de recueillir un dernier mandat au PS dans l’opposition pour au moins jusqu’en 2012.
La « morale » en politique n’existe pratiquement que dans la fidélité. Elle exige que l’on tienne à son parti plus qu’à sa famille, surtout à gauche, pour la raison simple qu’on y traite encore du pouvoir comme un service « sacré » que l’on prodigue au peuple. Quoique depuis la disparition des Coopératives et la fin de l’obligation d’adhérer à la FGTB et à la Mutuelle socialiste, cette notion de sacerdoce au PS s’est repliée sur le discours. L’élu socialiste aujourd’hui est trop semblable à un élu libéral pour que les différences ne se soient pas finalement estompées, au point que l’identité est devenue floue. Si la misère nivelle par le bas, l’argent conforte la conviction libérale du socialiste par le haut. C’est ce dont il a toujours rêvé sans l’oser pouvoir dire.
Inconsciemment les gens « moraux » se laissent guider par ce souci d’appartenance, lorsqu’il s’agit de juger les convertis à leurs propres valeurs. Le converti reste un être équivoque. S’il a trahi une fois, il pourrait trahir une seconde fois. Infidèle en langage politique signifie bien « immoral ».
Plus la rue se désintéresse des enjeux qui conditionnent la manière dont elle survit, plus elle se méfie du raisonnement subtil et du discours bien charpenté. Elle soupçonne ceux qu’elle ne comprend pas de la trahir, même s’ils parlent vrai.
Il est facile de la tromper, parce qu’elle fait confiance à qui lui apparaît « fidèle » à l’étiquette qu’il arbore sans désemparer ; qu’il change de parti et il aura bien du mal à faire revenir l’opinion sur son mérite.
Pourtant, à y regarder de près, dans sa carrière, ce n’est pas une mais cent fois que l’élu aura une attitude immorale qui peut se traduire par une « trahison ». Trahison des principes, des idéaux, de tout ce que l’on voudra, mais trahison sans nul doute… dans le cadre du parti, avec l’assentiment de ses pairs, cela s’appelle un compromis. L’acte de se compromettre n’est-ce pas la compromission ?
L’indépendance d’un parti suppose la dépendance de ses membres. Un parti ne peut se passer d’une profession de foi. Ses adhérents sont comme les fidèles d’une église, que dis-je, d’une secte !
De même que l’égoïste ne peut se satisfaire de la loi de l’Etat, l’adhérent d’un parti qui monte dans sa hiérarchie, ne peut satisfaire son égoïsme que par la transgression, l’imposture et finalement la pire des trahisons : celle des principes.