Le travail nuit à l’homme
Après les discours dégoulinants de bons sentiments, plutôt orientés par le goût anglo-saxon et protestant du labeur « acharné », en-dehors des propagandes disséminées dans le public par les agences pour l’emploi et la Fédération des Entreprises de Belgique, philosophiquement et scientifiquement, le travail nuit-il à la santé ?
La réponse est « oui » sans équivoque ni atermoiements !
Quelques indicateurs « superficiels » nous le démontrent sans a priori. Les ouvriers travaillant aux pièces, en équipe sur des chantiers, ainsi que les agents à responsabilités ou rétribués au résultat ont plus que d’autres du stress conduisant aux dépressions nerveuses, voire au suicide. Ils vivent une petite dizaine d’années de moins que l’employé de bureau et le cadre supérieur.
Qui n’a pas eu un doute à la sortie d’une journée de travail, longue, émaillée d’incidents d’en-dehors de soi, à la pensée que l’on a perdu son temps, qu’on ne peut se réaliser dans certaines conditions d’intense productivité et que cette vie « de chien » ne mérite pas d’être vécue (1) ?
Oui, travailler fatigue et devient, sous certaines conditions un châtiment !
Assez curieusement cette « maladie » malheureusement « obligatoire » pour la plupart d’entre nous, n’a d’antidote qu’en elle-même, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer de son contraire « salvateur » qui serait l’inactivité.
Très peu d’humains tirent le sel de la vie à ne rien faire. Et encore ce « ne rien faire », seul le sage en tire bénéfice, comme l’explique La Bruyère dans ses Caractères « Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage, qu’un meilleur nom ; et que méditer, parler, lire, et être tranquille s’appelât travailler ».
Hélas ! on a tellement travesti la vérité au cours de toute une vie qu’il est fréquent d’entendre des jeunes retraités regretter – autrement que pour des questions d’argent – le travail qu’ils ont dû abandonner.
Expropriés de leur propre vie, ils ont fini par aimer la main qui les a mordus tout au long de leur existence laborieuse.
C’est tout le drame de notre société. Il consiste à glorifier ce qui ne l’est pas, pour arriver à la conclusion paradoxale qu’il faut « préparer » la retraite ! Ce qui en clair signifie « on vous a volé une grande partie de votre vie, certes pour que vous gagniez un peu d’argent, alors que nous, nous en avons gagné beaucoup, à présent mal préparé à rentrer en vous-même, nous vous demandons de reprendre à zéro la traque de votre personnalité et enfin découvrir ce qui vous aurait plu !
Evidemment, ce discours entendu des millions de fois vient trop tard. C’est l’histoire du prisonnier qui, libre, ne sait que faire de sa liberté.
Selon un institut de sondage, le mal-être au travail est en constante augmentation. Il serait de 24 % pour les hommes et 37 % pour les femmes. Il se traduit par des insomnies, de l’eczéma, de la tachycardie, une mauvaise tension, sans compter de l’alcoolisme, dépendance aux somnifères et aux anxiolytiques, mal de dos, troubles osseux, etc.
Ce mal-être correspond assez bien à l’accélération et la parcellisation des tâches, modifications négociées souvent, sans tenir compte des personnels, entre les syndicats et le patronat, presque toujours dans le but d’augmenter la part salariale ou d’éviter des licenciements.
Personne ne me contredira dans le constat d’une métamorphose considérable du travail et des conditions dans lesquelles les travailleurs l’exercent et ce depuis la fin des Trente glorieuses (début des années 80).
Or, aucune des conséquences sur les plans sanitaire et philosophique n’en ont été tirées. Le prétexte des pays émergeants concurrentiels est le frein idéal pour les Autorités qui ne légifèrent pas et le patronat indifférent, l’œil rivé sur le tiroir-caisse.
Dès lors que l’Etat se dote de moyens et de personnels afin de prêter assistance aux gens lors de catastrophes naturelles ou accidentelles, il laisse pratiquement tomber une équipe qui perd un homme écrasé par une grue, ou tombant dans du métal en fusion.
On a entendu Bètchette Onkelinx dimanche prétendre voler à la rescousse des gens qui selon elle ne devrait pas payer la crise. Je suis bien d’accord avec elle. C’est dommage qu’en tant que ministre de la santé, elle n’en fasse pas autant pour soulager la misère et parfois le désespoir de ceux qui s’exposent souvent dangereusement afin de gagner leur misérable vie.
Sérésienne, puis Liégeoise, à présent Bruxelloise, Laurette Onkelinx ne serait-elle pas avant tout Anglo-Saxonne ?
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1. Il arrive que les décors s’écroulent. Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d’usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le « pourquoi » sélève et tout commence dans cette lassitude teintée d’étonnement. « Commence », ceci est important. La lassitude est à la fin des actes d’une vie machinale, mais elle inaugure en même temps le mouvement de la conscience. Elle l’éveille et elle provoque la suite. La suite, c’est le retour inconscient dans la chaîne, ou c’est l’éveil définitif. Au bout de l’éveil, vient, avec le temps, la conscience : suicide ou rétablissement. En soi, la lassitude a quelque chose d’écœurant. Ici, je dois conclure qu’elle est bonne. Car tout commence par la conscience et rien ne vaut que par elle.
Albert CAMUS, le mythe de Sisyphe.
Commentaires
Merci Cher Richar III de vous astreindre à ce travail quotidien. Est-ce un plaisir, est-ce un supplice (travail) ?
En tout cas, merci de nous faire quelque peu réfléchir (enconre un travail !!!). Je n'aurai pas la liberté d'aller
vous écouter jeudi soir. Sauf si on me l'interdit, je travaillerai dans l'église Saint Jacques.
Avec plus de 100 autres travaileurs, chanteurs volontaires, nous aurons le plaisir d'y produire
le Requiem de Mozart et une Cantate de Stamm.
Postée le: Riche Riche premier | mai 19, 2010 03:13 PM