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Mammuth et Camping 2.

« Le 63ème festival de Cannes 2010 fait la part belle au cinéma.», écrit un critique de films, il ne manquerait plus qu’il ne la fasse pas, la part belle ! Comme quoi à propos de Cannes, on aura tout fait pour boucler les magazines spécialisés. D’ici le 23 mai, clôture du « m’as-tu-vu system », on entendra encore quelques belles conneries.
Deux films n’avaient aucune chance d’être présentés au Festival.
Ils décrivent chacun à leur manière les milieux populaires : Camping 2 et Mammuth.
Il y a là matière à interpréter ce qu’en ont écrit les milieux « intellectuels » branchés.
Autant Camping 2 fut accueilli favorablement par la critique, autant Mammuth est passé directement à la trappe des films à ne pas voir.
Les Médias ignorent apparemment tout du corps social que ces deux longs métrages mettent en scène. Ils confortent les « a priori » sans les avoir jamais vérifiés de ce que les classes supérieures pensent du « petit peuple » : une bêtise souriante, du cœur et un bon fond dans Camping 2, une hargne agressive envers la société dans le second. Le lien des deux œuvres, entre elles, hormis le fait que le milieu est identique : la vulgarité et le mauvais goût.
Résumé ainsi, on pourrait pour Ciné Revue ou Gala s’arrêter là.
Ce serait trop facile. N’est-il pas dit plus haut qu’il y aurait lieu à interpréter ce que certains milieux intellectuels pensent du peuple ?
Et là, cela devient révélateur.

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Voilà trop longtemps que des imbéciles instruits pensent que les autres sont des imbéciles tout court, pour ne pas essayer, après avoir vu les deux films et après avoir fait la part de l’outrance de l’effet « cinéma », chercher ce qui les dérange.
Dans Mammuth on ne fait pas dans la dentelle (Depardieu). Patrick Chirac (Franck Dubosc) dans Camping 2 pourrait n’avoir que deux idées, jouer au ballon sur une plage d’Arcachon et jouer au ballon sur une autre plage.
On ne montre finalement rien qui ne soit très banal, Dubosc souhaite ne « rien faire » comme la plupart des riches qui ne cessent pourtant pas de dire face aux médias qu’ils sont exténués par le travail, et Depardieu est l’égoïste parfait, comme sont les riches, mais en étant resté pauvre. Tous les deux sont des monstres dans leur genre parce qu’ils n’ont pas réussi à passer la barrière des genres, ce qui leur aurait permis – tout en restant identiques sous le vernis des apparences et du compte en banque – de devenir des « monstres » fréquentables !
Le jour où il viendra à l’esprit des intellectuels branchés qu’ils sont exactement les mêmes que les êtres des classes inférieures, la sueur en moins et l’obligation de travailler à n’importe quoi, ils auront tout compris.
On pourrait même écrire que les classes supérieures ont une vulgarité supérieure particulière aux autres classes sociales. Elle est le mépris du maître en son palais envers l’esclave dans son ergastule, et de tirer de cette différence toute sa supériorité.
Oui, les hommes sont bien pareils partout et c’est l’opulence et la misère qui déterminent les comportements, modifient les caractères, changent les centres d’intérêt, peaufinent les esprits.
L’Haut-lieu aime imaginer « son » peuple grossier de manière et incertain dans ses valeurs. Aussi s’attendrira-t-il à Camping 2 en se voyant le berger d’une multitude à jamais immature et vaguement inquiet de la dangerosité qu’atteignent parfois les petites gens, campés par Depardieu et Yolande Moreau.
Quoique puissent en dire les politiciens là-dessus, ils ne sortiront pas de l’intime conviction des intellectuels branchés sans l’oser pouvoir dire, surtout en période électorale. Vous pensez s’ils l’adorent, le peuple !
Un texte de Blaise Cendrars pourrait mettre d’accord ceux qui de tous les milieux ne pensent évidemment pas comme l’Haut-lieu.
« Le prolétaire qui se saoule le samedi soir après le turbin ou l’ouvrier agricole le dimanche matin, jours de paie, ce n’est pas tant pour oublier sa misère que pour protester contre le patron qui l’écrase, le politicien qui l’exploite, la police, l’Etat qu’il emmerde, ce régime d’usines, de bagnes, de prisons qu’il faut foutre par terre, comme ça !... – et il fait trembler le comptoir d’un coup de poing formidable, et il avale un dernier petit verre, et il flanque ses sous à la figure du troquet, et c’est lui qui se fout pas terre, nom de Dieu ! Il n’y a pas de justice… « Mort aux vaches !... Mort aux bourgeois ! Taïaut ! Sus ! Haro !... Pille !... A nous les poules de luxe et les stars des capitalistes ! Les gonzesses sont avec nous !... Il voit rouge ; l’homme, mais il voit clair.»
Serge Pilardosse dans « Mammuth » c’est le prolo qui proteste et se fout par terre, Patrick Chirac dans Camping 2 , c’est le prolo qui se projette dans « les stars des capitalistes ».
L’un et l’autre sont les deux faces montrées d’un triptyque, la troisième nous est cachée, parce qu’elle n’est pas que la composante des deux autres, et qu’elle serait bien nous-mêmes !

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