Scoops !
C’est assez répandu dans les rédactions de faire des scoops d’événements insignifiants. C’est moins répandu de tirer matière d’un vide sidéral. Il y faut de l’imagination et du coup d’œil. L’exhibition d’un non-événement est comme l’exposition d’un morceau de glace au soleil. Il faut en saisir très rapidement les contours.
En voici trois spécimens :
Premier exemple :
Philippe Monfils met un terme à sa carrière politique. C’est difficile de faire dix lignes là-dessus. L’intéressé l’a bien compris puisqu’il a écrit un communiqué à l’intention de la presse qu’il a voulu « empreint d’humour », à seule fin d’aider le pauvre type qui doit tirer la langue et son pain d’un non-événement !
Vivre 30 ans de présence ininterrompue au Parlement, sans jamais faire parler de soi, c’est un exploit, il est vrai, surtout sans se poser la question de savoir à quoi un parlementaire peut servir.
A rien, si l’on en croit l’humoriste sur le tard (71 ans) qui, après cette longue période de sommeil a décidé de s’arrêter pour une nouvelle vie qui, dit-il, « sera heureuse, remplie et riche d’activités variées mais… sans politique ». C’était inutile de le préciser pour ce dernier « emploi », c’était déjà fait.
Deuxième exemple :
Les mesures en matière d'emploi prises depuis l'éclatement de la crise économique en 2008 ont permis de sauver au moins 70.000 emplois proclame Madame Milquet, dressant le bilan d'une législature qui se termine de manière anticipée.
C’est à la fin du communiqué victorieux qu’on s’aperçoit qu’en réalité, c’est sur la prédiction de la Banque nationale qui avait prédit une perte de 74.000 emplois pour 2009, qu’on n’en aurait perdu que 38.000. Reste que le calcul de la ministre est incompréhensible. Si elle a sauvé 70.000 emplois des 74.000 prévus, il n’y aurait qu’une augmentation de 4.000 chômeurs ?
On comprend que la ministre plaide d'ores et déjà pour une nouvelle prolongation des mesures anticrise jusque fin 2010, voire 2011. Ainsi d’un désastre national, elle finira par nous faire croire que puisqu’il y a moins de chômeurs prévus, cela va mieux.
Quant aux prévisionnistes de la Banque nationale, on les a vus plus avares des pertes dues aux malversations bancaires de la crise de 2008, crise que, du reste, ils n’avaient pas prévue.
Troisième exemple :
Gérard Deprez n’est pas Chamfort (Sébastien-Roch Nicolas) célèbre pour ses maximes, même pas Alain Chamfort. Pourtant, il aurait pu écrire
ce n'est que moi
ne craignez rien
ce n'est que moi
votre vieil Alain (vot’ vieux Gérard)
j'demande quand même pas le Pérou
j'demande qu'on m'aime
et puis c'est tout
Deprez vient de sortir un opuscule de 150 pages aux Editions Rhino (autoédition du M CC) qui reprend les articulets du ci-devant dans le bulletin du parti.
Son non-événement commence par une préface où il commente lui-même l’énergie et l’acharnement qu’il a mis dans sa mission (qui d’autre le ferait à part lui ?)
Il s’y montre égal à lui-même, c’est-à-dire se trompant sur ses analyses et ses perspectives d’une année à l’autre. A chaque fois, il met en tête de ses rediffusions un petit commentaire où il lui arrive rarement d’avouer qu’il était à côté de la plaque. Commentaire inutile, comme on s’en aperçoit aisément à lire l’œuvrette.
Son article « Rêve de changement » (juillet 2009) lui tire encore des larmes rétrospectives. En effet, à cette époque, il a perdu son mandat de député européen. La suite n’est que reproches envers Didjé à qui il impute indirectement sa perte d’emploi.
Enfin, il termine sa plaquette par un humour involontaire. Le MR « ne peut croître que s’il dispose d’un principe d’expansion ». A-t-on jamais vu, à part l’être humain qui grandit par l’extension de son corps naturellement jusqu’à sa seizième année, un parti qui grandirait sans membres et affiliés supplémentaires ?