Un Kaka bien moulé.
Même quand on n’en a pas envie, que le spectacle ne dit rien, que les vuvuzelas sont à la hauteur de la stupidité de ceux qui soufflent dedans, on ne peut pas passer cette quinzaine si déprimante du point de vue politique, sans dire quelques petits mots de la coupe du monde de football d’Afrique du Sud.
C’est du jamais entendu pour les sourdingues !
Plus l’enjeu est mince (jeter un ballon dans un filet) plus les gens s’excitent !
Cela pourrait être un paradoxe, mais c’est un fait que l’on retrouve partout. On dirait qu’après avoir vendu nos corps à l’industrie, voués sinon à la mendicité, du moins à une anorexie involontaire dans l’état où sont les salaires, nous ne sommes plus capables de réflexion et donc aptes à l’inepte, au vide à consommer sur des stades sur lesquels vingt-deux millionnaires s’ébattent par cession sur l’herbe rase, devant des fauchés enthousiastes.
A cela, il fallait un bruit de fond, histoire de remplir les riens afin de créer une atmosphère empêchant les gens de penser absolument. En ce lieu mythique rassembleur, envahi de décibels, l’humanité se vautre comme les phacochères dans la soue des bidonvilles..
C’est aussi une façon d’oublier un essentiel qui nous ennuie, une conduite des Etats qui nous accable ; tant le point de vue économiste est devenu notre vuvuzela intime.
De l’énergumène enchristé entre ses quatre baffles d’une sono à son maximum, qui attend au feu à côté de vous et qui n’a pas l’air aussi atterré que vous l’êtes de l’agression de vos oreilles, au proxénète télévisuel qui vante une chanteuse braillant en anglais une pseudo chanson puisée dans la culture balouba, jusqu’au passant frénétique atteint de téléphonite, dont le portable tient lieu de cerveau, nous faisons partie des éléments nécessaires à ce que le mondial de football ait un impact universel.
On a les choristes qu’on mérite.
On ne trouve pas des millions pour bâtir des écoles, mais des milliards pour bâtir des stades.
C’est mieux diront certains qui passent directement de l’immaturité, à l’imbécillité profonde. Ainsi, on n’aura plus à se préoccuper du temps comme il va, puisqu’on sait où il court.
A côté de la déferlante, nos gaffeurs pathétiques en deviennent des sortes de traceurs de voie pour nos cheminements futurs dans une Belgique pacifiée.
Ils comptent bien sur nos transes footballistiques, ces équilibristes sans balancier, pour nous sonder sans dommage, pendant que nous regarderons Kaka en faire un énorme pour le Brésil.
Moulés dans nos sweet-shirts au sigle de notre pays favori, nous nous trémousserons en transes personnalisées, devant nos écrans plats comme le spectacle qu’ils nous montrent, au nom de la sainte loi du fric et du sport.
Et encore on n’aura pas tout vu.
Il restera après le non-spectacle, le compte-rendu qu’on attendait de ceux qui font le métier le plus con du monde, à savoir l’éloge des cons pour une heure et demie sans importance, tellement, qu’à part quelques dangereux maniaques tant redoutés par les après-midi pluvieuses et nos reporters sportifs, personne ne se souviendra du score de l’équipe favorite.
Puisqu’une défaite est considérée comme une victoire morale ; qu’avant-dernier, un pays à la coupe du monde finit à la brillante dix-septième place, même poursuivi par les sifflets et les vuvuzelas ; et qu’une défaite n’en est jamais une, puisqu’à défaut, notre intarissable susurrera que cette fin de match inattendue est une salutaire leçon, elle est pas belle, la vie ?
Tout le monde sait qu’en football l’avenir est toujours riche d’espoir.
Ayant ainsi délimité nos ambitions, nous atteindrons plus aisément à notre épanouissement qui ne saurait tarder.
On sait bien pourquoi les sportifs détestent ceux qui n’aiment pas le sport, c’est parce qu’il incombe à ces derniers de les faire retomber sur terre, ce qu’ils ne veulent pas, évidemment.