Woerth is not woerthy !
L’argumentaire de l’allocution du 12 juillet du président Sarkozy sur France 2 concernant l’affaire Woerth-Bettencourt repose, il fallait s’y attendre, sur le rapport de l’IGF (Inspection générale des finances) qui dit uniquement ceci « Eric Woerth n’a de près, ni de loin, saisi l’Administration des Finances, ni fait pression sur quiconque en vue d’alléger l’impôt ou d’éviter un contrôle fiscal de Madame Bettencourt ».
Le contraire eût été étonnant !
Ce n’est pas ainsi que ça marche dans la haute administration. Rien n’est écrit, aucun ordre n’est donné, tout est suggéré. Le rapport de force est inscrit dans la hiérarchie elle-même et varie d’un échelon à un autre.
Plenel avait écrit dans Mediapart de la semaine dernière que le brevet d’honnêteté délivré à l’IGF pour Eric Woerth était couru d’avance.
Enfin, l’IGF n’a pas à faire le travail de la justice dans des actions déjà intentées. Elle n’a, du reste, répondu à aucune des questions pendantes qui sont du domaine du Procureur Courroye, lui-même contesté par le syndicat de la magistrature, parce que proche de Sarkozy.
Il fallait s’y attendre, tous les « honorables » qui se voient de loin ou de près impliqués dans le Woerthgate ont déposé plainte.
C’est quasiment une formalité immuable. Afin de montrer à l’opinion que l’on a été injustement accusé, il faut déposer plainte. C’est qu’avec de bons avocats n’importe qui peut faire traîner les choses et entre la plainte et le jugement, il n’est pas rare qu’il faille attendre un an ou deux, voire davantage quand il y a de l’embrouille dans l’air.
Ainsi, même si le jugement vous est contraire, l’opinion a tourné la page et regarde ailleurs.
Pour entrer dans le jeu du MR, les enquêtes fusent dans tous les sens, ce qui aide à noyer le poisson.
La plainte pour dénonciation calomnieuse est la riposte par excellence. On se présente au tribunal à parité de chance avec la partie adverse. C’est la bonne foi de l’un contre la bonne foi de l’autre. Si la comptable de madame Bettencourt n’a pas sous le coude quelques preuves indéniables, et c’est souvent le cas quand un politicien reçoit une enveloppe, il ne va quand même pas être assez bête pour signer une décharge, la pauvre sera condamnée.
Et « l’honnête homme », version Sarko, sera blanchi. Mais cela ne prouvera pas du tout qu’il n’aura pas eu cette enveloppe kraft dans laquelle la comptable mettait le pactole.
Et puis, c’est toujours plus commode de suspecter la bonne foi de petites gens que d’aller se mesurer à un ministre, les juges savent très bien le rôle qu’ils doivent jouer.
Voilà du travail pour les enquêteurs. En plus du supplément d’enquête du tribunal devant juger de la plainte pour abus de faiblesse déposée contre l’esthète Jean-Marie Banier, les deux enquêtes annexes du parquet dans ce volet familial du scandale, il convient aussi d’ouvrir une recherche de preuve sur des délits présumés d’atteinte à la vie privée (les enregistrements de conversations de Liliane Bettencourt par son ex-majordome) et de vol des documents que l’ex-comptable n’aurait pas restitués. Pour cette dernière affaire, miracle, on les a retrouvés chez madame Bettencourt ! Il y avait encore une enquête pour blanchiment de fraude fiscale, évoquée dernièrement par le parquet, qui pourrait, elle, toucher l’épouse du ministre Woerth, ex-gestionnaire des actifs de la milliardaire. Voire rebondir sur une accusation de prise illégale d’intérêts visant directement le ministre, s’il apparaît qu’il a intrigué pour l’embauche de son épouse. Là, on marche sur des œufs, bien entendu.
Enfin, une investigation politique pourrait s’ajouter à toutes les précédentes. Si une commission parlementaire d’enquête, demandée par les socialistes, était mise en place.
Tout ça serait bel et bien, sauf que ces enquêtes n’ont été confiées à aucun magistrat réellement indépendant. En France, les parquets agissent sur injonction du ministère de la Justice et donc du pouvoir politique.
D’affaire équivoque, en affaire louche, présomption ou pas d’innocence, le gouvernement français s’est permis d’injurier le journaliste Plenel en traitant son journal Mediapart de « fasciste ».
Pour des gens qui sont censés garder leur sang-froid comme le souhaite Sarkozy, c’est plutôt moche.
Il paraît difficile de refroidir la pièce sortie du four, car la presse internationale s'est également emparée de l'affaire Woerth-Bettencourt, supputant un nouveau Watergate !
Dans la mesure où il serait prouvé que Sarkozy était impliqué dans la palpation des enveloppes kraft préparées sur ordre de madame Bettencourt, lors de sa campagne pour la présidence de la République, son élection pourrait être remise en cause, mais c’est quasiment impossible avec les barbouzes et les polices parallèles travaillant pour la DST et autres ramifications du pouvoir et qui sont en mouvement depuis les écoutes du majordome.
Un pouvoir qui allait faire travailler plus pour gagner plus, qui serait le pouvoir de tous et qui entendait balayer des banques, les banquiers sans scrupule, est en train de devenir le pouvoir du désordre et de la corruption. Que n’a-t-on bien élu madame Royal !