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Exercice périlleux

Il est assez périlleux de pronostiquer en soirée du dimanche 15 août, ce qu’il adviendra des négociations du préformateur Elio Di Rupo.
Je me mets à la place des pauvres journalistes qui doivent commenter et rendre compte d’événements graves – c’est le sort de la Belgique qui en dépend – sans la moindre information qui filtre des réunions, le micro d’une main, le parapluie de l’autre.
Ils conjecturent espérant qu’ils auront mis dans le mille.
La semaine prochaine, il faudra que le mandaté du roi débouche sur des conclusions.
Avare de compliments, c’est tout à fait à l’aise que j’adresse à Béatrice Delvaux, rédactrice en chef du journal Le Soir, des compliments pour l’analyse lucide de cette semaine. Bruxelles est la clé de voûte pour que le nouvel édifice tienne debout. Maçon dans tous les sens du terme, Di Rupo a-t-il en De Wever un compagnon fiable ?
Si l’on en juge par le programme de la NV-A auquel son chef ne veut pas enlever un iota, Di Rupo perd son temps et le nôtre. Les autres partis flamands emboîtent le pas de la nouvelle coqueluche flamingante, dans la peur d’être écrasés lors d’élections anticipées en cas d’échec des négociations.
Et si c’était l’objectif de Bart De Wever de faire échouer toute tentative négociée ?
Les partis flamands ont mis le doigt dans l’engrenage du séparatisme, le jour où ils ont vu que la peur des Francophones de perdre le royaume était telle, qu’ils pouvaient surenchérir sur tous les tableaux.
Le train fou était lancé. Il ne s’arrêtera que lorsqu’il n’y aura plus qu’un Etat fantôme.
Il suffit de relire les demandes flamandes anciennes et les comparer avec les « exigences » actuelles, pour comprendre.
La marche vers l’indépendance d’une moitié de la Belgique et, par conséquent de l’autre moitié à son corps défendant, est sans espoir pour les belgicains ; quoiqu’il existe encore en Flandre une majorité pour maintenir l’Etat Belge dans ses structures fédérales. Cette majorité s’érode, de toute manière les partis flamands n’en tiennent pas compte. Ils copient la NV-A qui navigue à vue sur les avis d’une demi-douzaine de séparatistes.
Les partis francophones ont une part énorme de responsabilités de ce gâchis. Ils n’ont rien voulu céder de ce qui pouvait l’être, au moment où cela aurait pu rester dans le domaine du raisonnable, alors que Di Rupo et ses négociateurs vont peut-être céder ce qui ne se peut, sans mettre à mal la philosophie du vivre ensemble et de l’Etat, c’est-à-dire sombrer dans le déraisonnable… (Deux Etats s’interpénétrant avec des règles, des lois et des taxations différentes, créant un méli-mélo de surenchères dangereusement grotesques).
Le déraisonnable aujourd’hui – en plus des conséquences générales - est simple : plier un accord entre deux régions et oublier la troisième, Bruxelles !

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Béatrice Delvaux a raison. Laisser à parité de gestion aux deux Régions une Communauté bruxelloise qui compte près de 90 % de Francophones est insensé.
Il faut maintenir à tout prix le statut de Bruxelles et étendre la ville dans sa périphérie flamande. Les Flamands ne veulent pas perdre un pouce de terrain ? D’accord. Alors Bruxelles doit s’étendre du côté du Brabant wallon, même s’il y a la forêt de Soignes, terre flamande, entre les deux,! Etablir des ponts, des moyens de communication et des arrangements avec les communes wallonnes. Un exemple de réussite dans le domaine est bien l’aéroport de Charleroi qui sert de deuxième aéroport à celui de Bruxelles, saturé, un autre est Louvain-la-Neuve, après que les Francophones aient été expulsés de Leuven.
L’économie flamande exporte à +/- 80 % ses produits vers la Région wallonne et la France, les ressortissants de Flandre descendent en masse vers le Sud pour les vacances et s’installent parfois définitivement en Wallonie, sinon achètent des propriétés secondaires. Il y a une porosité en faveur du français qu’aucune frontière linguistique ne saurait empêcher par son premier facteur : les Flamands eux-mêmes !
Cette volonté séparatiste serait un suicide pour eux et un bienfait pour nous. Nous pourrions envisager une association avec la France dans le genre de celle qui a été négociée avec Monaco.
C’est entendu, il faut que la Flandre fasse l’expérience de l’indépendance, qu’elle se couvre de ridicule, qu’elle se mette plus bas que terre afin de comprendre son erreur, quand il ne sera plus possible de revenir en arrière. Par contre, c’est nous qui aurions intérêt à en terminer avec elle.
L’orgueil d’un seul homme et socialiste de surcroît, plonge encore la Wallonie dans des incertitudes par ses atermoiements, ses couplets d’une Belgique folklorique, aussi fou que Bart De Wever d’une Flandre à la vocation germanique.
Di Rupo est en train de conduire l’Etat au chaos, plus vite que ne l’aurait fait Bart De Wever. Son grotesque entêtement à vouloir être le premier « dernier » ministre, risque de coûter cher au PS.
Puisqu’il se dit lettré, il devrait lire une poésie de Victor Hugo (1)
Il contait au pot aux roses
Un effronté boniment,
Car il faut de grosses choses
Pour faire rire un Flamand.
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1. Les chansons des rues et des bois, Poésie Gallimard, éd. 1982 ; « Le lendemain » p. 142.

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