La trahison des clercs.
Les intellectuels belges ne se pressent pas au portillon de l’innovation créative à un moment de notre histoire où le public aurait besoin de respirer autre chose que l’odeur délétère de nos champs d’épandage communautaires.
Avec un peu d’imagination, rien qu’en feuilletant l’annuaire des rues des villes et communes de Wallonie, on pourrait ressusciter bien des Wallons des tombeaux de nos bibliothèques qui n’étaient pas toujours d’accord avec la pensée officielle et qui pourtant ont d’avantage influencé les gens que les cuistres sortis de nos universités uniquement au service des puissants et de la pensée dominante.
La situation est paradoxale. On n’a jamais eu tant besoin de courants nouveaux capables de porter à notre connaissance des idées originales, en même temps que nous sommes assaillis d’une masse d’informations inutiles !
Que l’on nous parle d’un plan « B » apparemment d’une haute fantaisie, voire inexistant, ou d’un système économique à bout de souffle, dans une Europe que nous ne comprenons plus, ou encore d’une Belgique Louis-Philippe comme une pendule de parquet, nos masters s’enthousiasment alors qu’ils devraient s’épouvanter. Evidemment l’enthousiasme est plus facile, il n’a besoin que de cris.
Et que fait-on pour nous sortir de nos morosités ?
On nous délègue des leaders d’un appareil politique pratiquement désavoués par tout le monde, des politologues d’une rare prudence et d’un conservatisme à refonder le pays comme en 1832, des sociologues et des économistes qui considèrent le système capitaliste comme une fatalité inévitable, c’est-à-dire qui n’ont aucune alternative, rien à nous proposer qui soit comme une bouffée d’air frais ! Ça ne veut pas dire que nous souhaiterions qu’on nous euphorise en nous racontant des craques et en niant la réalité, mais - au moins – seraient les bienvenus des gens de mérite afin d’expliquer à ceux qui l’ignorent que « rien n’est du domaine de la fatalité », et qui insuffleraient le désir de changer les choses.
Au lieu de quoi, on nous délègue Paul Magnette pour nous dire des conneries sur le plan « B », si au moins il avait été drôle, comme l’a été Philippe Geluck, dimanche !
On s’est bien gardé de demander à Vincent de Coorebyter, spécialiste de Sartre, et auteur d’un bon livre sur l’arrestation de jeunes gens, parce qu’ils avaient le « profil anarchiste » à propos des actes de sabotage de lignes de la SNCF, le 11 novembre 2008, ce qu’il pensait de la merde noire dans laquelle on patauge. On aurait eu au moins une vision intéressante de ce qu’il est possible ou non de faire en cas de clash avec nos apprentis sorciers flamands.
Les mythes, sans refléter la réalité, sont quand même de nature à induire une métamorphose de la réalité. Le mythe que la Flandre sera mieux gouvernée que la Wallonie et Bruxelles aiguise chez beaucoup de Flamands le désir d'autodétermination.
Je n’ai encore jamais entendu un responsable parler intelligemment du plan « B » et c’est bien dommage qu’il n’y ait personne dans nos universités qui en soit capable !
Question économie, c’est pire. Christian Arnsprenger juge que le capitalisme vient d’avoir un « très gros hoquet », ce n’est pas une raison pour que « tout le monde retourne (sic) se convertir tout à coup à l'anticapitalisme. Je pense qu'il y a chez nous tous, moi y compris, vous y compris, de fortes résistances à changer de système. »
De sa résistance, on s’en doute bien, mais de la nôtre, qu’en sait-il ?
Pascal Delwit avec Vincent de Coorebyter, est le politologue belge le plus connu dans la partie francophone.
L’a-t-on jamais entendu dire quelque chose de vraiment « à part » de ce que nos grands leaders francophones nous assènent depuis la crise ?
Quand un pays manque à ce point de voix contradictoires à l’ensemble des têtes de gondole ; il y a de quoi se poser des questions.
Les diplômes ne forment plus la jeunesse à réfléchir et à critiquer, mais à troquer un statut universitaire contre les sous du plus offrant.
C’est ce qui s’appelle dans une société marchande « jouer au plus malin », dans le genre « tu me donnes ta montre et je te donne l’heure ».
Aujourd’hui, il faut faire des études pour devenir un parfait voyou. Sans doute, pour qu’on ne le reconnaisse pas dans la rue et devant les tribunaux.
C’est égal, le milieu a bien changé.
En costume et parfois cravate (la mode est au col ouvert) on ne les reconnaît plus !... Voilà, la modernité… Normal, depuis que les clercs n’ont plus d’éthique, ils ne défendent plus qu’eux-mêmes !