L’haut-niveau et la menstruation !
Il y a une constante chez les féministes, celle d’accabler Freud de tous les péchés du monde. Il n’aurait pas pressenti le destin amélioré de la femme moderne, il a considéré la femme comme une compagne assurant les enfants et le ménage de l’homme, etc.
C’est vrai. Il y a un peu de cela dans l’œuvre du psychanalyste.
Mais le reproche majeur que l’on pourrait faire, c’est qu’il a considéré la femme avec l’œil d’un bourgeois de 1900 (1) et qu’il n’a pas deviné, lui le « sondeur » de l’âme humaine, combien le sort de la femme était injuste à la « Belle époque » et comme les clichés du temps allaient céder, puis disparaître, quitte à ce que la société d’aujourd’hui en crée de nouveaux. A sa décharge, les élucubrations des médecins contemporains ne valaient guère mieux, étaient plus délirantes même, bien moins construites et charpentées que celles de l’équipe viennoise de Freud.
C’est dans le contexte qu’il faut juger l’œuvre.
Les minutes de la Société psychanalytique de Vienne courant de 1906 à 1918 (2) sont de petits chefs- d’œuvre révélateurs de l’emprise de l’idéal bourgeois sur la pensée et le comportement. On y lit à livre ouvert dans les esprits les plus à la pointe et les plus éclairés du temps en matière de psychanalyse et de façon plus générale de la médecine.
La séance du 15 mai 1907 sur le sujet de la femme médecin est un moment d’anthologie de contre-vérités et d’à-peu-près qui dépasse l’entendement pour qui vit en 2010 (si l’on excepte les pays toujours au moyen-âge sous la coupe d’une religion dominante) !
Pour le plaisir, j’en extrairai (voir ci-dessous) quelques paragraphes qui seraient à comparer avec des séances d’une autre portée intellectuelle et, cependant, datant aussi de 1907.
La leçon qu’on en tire s’adapte au temps actuel. Le savant universel n’existe pas. On a tort parfois d’insister pour convaincre, on finit par être « l’imbécile » de quelqu’un.
Nous ne pouvons nous libérer de la pensée dominante de nos contemporains, celle d’une « classe sociale centrale », qui se dit neutre et qui est tout sauf cela. Nous nous imprégnons de ses lieux communs, nous en faisons l’abécédaire de notre pensée. Par elle, nous entrons dans une vue de l’esprit qui nous fait croire à la démocratie par l’approbation du plus grands nombre, alors qu’elle est le résultat d’un monstrueux clonage du troupeau sur des archétypes.
Je crains qu’en multipliant les superlatifs pour se qualifier eux-mêmes, « les hauts-niveaux » qui phosphorent pour nous sur la crise belge, n’ont pas tout simplement dérapé à cause de la grosse tête qu’ils avaient prise. La comparaison à des nains de jardin paraît appropriée.
Extrait des minutes du 15 mai 1907.
Présents : Prof. Freud, Dr Adler, Dr Graf, Pr Hitschmann, Dr Reitler, Wittels. Secrétaire Dr Rank.
Discussion de l’article de Wittels “Les femmes médecins”. (3)
Federn attire l’attention sur la perversité lascive de nombreux médecins de sexe mâle et l’exploitation sexuelle à laquelle ils soumettent beaucoup de femmes. Il est inadmissible de reprocher précisément aux femmes qu’en faisant des études de médecine, elles donnent libre cours à leur sexualité.
Wittels : Les femmes ne devraient pas être autorisées à palper les organes génitaux des hommes.
Graf est d’avis que les réalisations de la femme n’égaleront jamais celles des hommes.
Reitler aimerait rejeter l’affirmation selon laquelle toutes les femmes qui étudient la médecine sont en réalité à la recherche d’un homme. Car les femmes qui font de la médecine ont pour la plupart renoncé tout à fait aux hommes, parce qu’elles ont conscience de leurs propres défauts physiques.
Hitschmann :…ce jugement esthétique n’a rien à voir avec un reproche, bien qu’il faille admettre que la plupart des étudiantes sont laides et de véritables Amazones à la poitrine plate.
Freud (après une défense de la femme médecin) Il est vrai que la femme ne gagne rien à étudier et que cela n’améliore pas, dans l’ensemble, la condition des femmes. En outre la femme ne peut égaler l’homme dans la sublimation de la sexualité.
Conclusion de l’article des femmes médecins par Rank : Wittels en est venu à avoir peu de considération pour l’étudiante (par rapport à la prostituée) qui mutile toutes ses pulsions sexuelles. Des ces deux femmes (la prostituée et l’étudiante) Wittels est dans l’incapacité d’estimer davantage celle qui n’écoute pas l’appel de la menstruation ( !!!!).
Ce qui précède est un bel exemple d’un groupe de haut-niveau (tous les personnages cités ont été des notoriétés de leur temps, certains ont une place dans le Larousse). Et pourtant, tous ces messieurs touchent à une connerie rare.
Il n’est pas certains qu’en différents domaines, un blogueur inconnu dans cent ans, ait les mêmes réactions… en lisant les travaux de sommités d’aujourd’hui.
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1. Gaëtan Batian de Clérambault, Passion érotique des étoffes chez la femme, in Collection des empêcheurs de penser en rond, Synthélabo, éd. 1995. Revue des archives de l’anthropologie criminelle (1908).
2. Connaissance de l’inconscient, Les premiers psychanalystes, in Ed. Gallimard, 4 volumes, 1976.
3. Selon Wittels , les professions imposées sont la conséquences des conditions sociales qui empêche la femme de s’adonner à sa véritable vocation, qui est d’attirer les hommes !
Commentaires
Les hauts niveaux risquent bien de perdre leur aplomb et ainsi retomber bien bas..
Postée le: Reiter | octobre 6, 2010 09:05 AM