La Belgique joyeuse de Béatrice Delvaux.
La Belgique rêvée de Béatrice Delvaux ressemble au palais idéal du facteur Cheval. Elle y met tous les poncifs d’une journaliste responsable devant ses pairs et les fantasmagories d’une petite fille qui a trop vite grandi.
Comme écrivit Flaubert dans son dictionnaire des idées reçues « les conjurés ont toujours la manie de s’inscrire sur une liste ». Celle de Béatrice Delvaux brille des illustres qui la composent par l’éclat qu’elle leur donne dans un système qui s’en nourrit. Ces individualités la révèlent à l’identique de ce qu’ils sont, tout à fait dans ce qu’elle aurait voulu être. Cela fait une photographie d’elle plus vraie que sa propre image.
Relevant comme madame Delvaux de la même nationalité, enfin je le suppose, je ne vois pas ce que la certitude d’être né quelque part me confère comme supériorité par rapport à d’autres, nés ailleurs, ni vraiment quel lien nous rend solidaires.
Un grand pays, même si sa surface est réduite, serait un pays qui prendrait en compte tous ses citoyens en leur attribuant les mêmes droits, qui tiendrait pour vrai qu’un homme en vaut un autre, si bien qu’il n’admettrait pas qu’il puisse y avoir dans les efforts accomplis par tous de grandes différences dans l’appréciation des valeurs de chacun.
Utopie, vous récrieriez-vous, certes, autant que la vôtre, sauf que je préfère l’humanisme qui en découle que le bricolage à longueur d’année d’une morale à géométrie variable au fur et à mesure de l’évolution des situations politiques et économiques.
Comment peut-on parler d’identité douce, jamais triomphante, dans un pays qui voit la misère augmenter et qui compte plus de 20 % de chômeurs à certains endroits ?
Vous êtes pour les zwanzeurs et la guindaille bon enfant dans un accord apparent des ivrognes sur le chemin du retour, vagues souvenirs d’une ancienne vie d’étudiante. N’est-ce pas se cacher derrière le décor du théâtre des Galeries et rire encore à Bossemans et Coppenolle, après la lecture d’un Paul Jorion, par exemple, un Belge que vous n’avez pas cité, même quand on n’est pas formellement de gauche ?
Intellectuelle comme vous l’êtes, il vous est apparu sans l’oser pouvoir dire, combien de stupidités mais aussi de détresses muettes existent dans ce « bon peuple » qu’on méprise un peu et qui « fait » la kermesse, comme d’autres de la plaisance en Méditerranée.
C’est ce que vous appelez une Belgique idéale ?
Ne savez-vous pas que sous le décor idyllique et rêvé se cache un manque de culture, une approche dérisoire de la société, mais aussi un grand désespoir ?
Vous me faites penser à ces Belges du bout du monde qui y mangent des frites en regrettant qu’elles n’aient pas la saveur de chez nous ! C’est d’autant plus stupide que dans la plupart des cas, elles l’ont. Allez donc sur Broadway chez Skel Islamaj.
Vous parlez de Bruxelles comme si vous n’y habitiez pas et dans la projection que vous en faites, je vois bien que vous ignorez combien elle ressemble à toutes les grandes villes fourre-tout du monde. Puisque vous parlez des forces Nord-Sud qui s’y regardent en chien de faïence, j’y ai perçu un grand respect que l’écrasante majorité francophone accorde à une minorité de néerlandophones. Ça, oui, c’est remarquable, d’autant que lorsque vous vous aventurez sur les terres flamandes avoisinantes, c’est le contraire.
Mais, il n’y a pas besoin de faire son petit facteur Cheval pour savoir cela.
Vous versez une larme sur le rêve de l’unité et de la fraternité entre les communautés. Tant que vous ne saurez pas que la fraternité commence dans l’organisation du travail, départ de tout et conditionnant tout, y compris l’éducation de la jeunesse, vous n’aurez rien compris.
Pour le reste, fumée dispersée par le vent que celle d’une Belgique secrétaire perpétuelle du bidule européen. Foutaise que le trilinguisme quand pour vendre un bouton de porte à l’étranger, c’est en anglais qu’on négocie. Vu l’état de connaissance des francophones pour leur langue, permettez-moi de me marrer…
En somme, votre Belgique idéale serait faite de citoyens anesthésiés, sans mémoire, inodores, incolores et surtout insipides…
Voilà bien les rêves de la petite Béatrice Delvaux regardant la route de Saucin comme Alice au Pays des Merveilles, en espérant voir le lapin et le chapelier…
Certes vos patrons aiment l’image de la Belgique que vous espéreriez, mais que vous n’attentez plus. Allons réveillez-vous, ce foutu bled, dans lequel vous n’avez pas enterré assez profondément vos illusions, existe ; on y patauge dans la merde et on y voit les socialistes se fier aux banquiers qui vérifient les comptes de la future Belgique.
Vous et moi, nous sommes belges, certes, mais nous sommes destinés à nous tourner éternellement le dos. Nous ne sommes pas faits pour nous rencontrer et bâtir ensemble.
Ne le regrettez pas, je n’en ai rien à foutre.