La modification
En 2010, la crise économique affecte davantage le système capitaliste que toutes les crises précédentes.
Il ne s’agit plus d’un rapport déséquilibré des forces du travail, des moyens de production et des capitaux engagés ; mais bien du règne pur de la spéculation, sur les monnaies, les minéraux et les végétaux. Un capitalisme est né qui s’abstrait des hommes et du progrès.
De la fin des Trente glorieuses jusqu’à 2008, on pouvait effectivement confondre crise économique avec la remise en adéquation des capitaux avant un nouvel accroissement du PIB.
Des signes visibles d’une modification de la théorie classique de l’économie devraient sauter aux yeux des gens d’université, rien qu’en observant la rue, la ville, la région.
Malgré les primes et le désir d’économie des propriétaires, la création d’un marché « vertueux » qui donne à l’écologie l’ouverture de nouvelles techniques à un grand public, ne pourra pas relancer la croissance, parce qu’elle ne s’adresse qu’à une minorité ; enfin, les entreprises n’emploieront plus jamais la totalité de la main-d’œuvre disponible sur le marché du travail. Nous entrons dans une ère de chômage endémique.
Les biens immobiliers de type « maison bel étage » dits aussi « d’employé » ne se vendent plus dans des villes moyennes comme Liège ou Charleroi. Le facteur déterminant est ici l’effondrement de la classe moyenne, avec la disparition d’une solvabilité qui permettait de suivre le marché à la hausse. Les propriétés venant à changer de mains par suite de succession ou tout autre arrangement (à peu près tous les vingt-cinq ans), la partie commerçante de la classe moyenne en voie de paupérisation, ne peut plus faire une offre, justement à une époque charnière quand une génération prend normalement la place de l’autre.
Seule la spéculation permet quelques rachats par des marchands de sommeil qui s’entendent pour rentabiliser au maximum les anciennes demeures familiales à un ménage, pour en y loger dix !
Les commerces périclitent même dans les hyper-centres. Lorsqu’il est repris par les marques en raison de la location surévaluée des rez-de-chaussée, l’ancien propriétaire du commerce a de la chance d’être récupéré en qualité de gérant, c’est-à-dire qu’il sera payé à la commission, comme un garçon de café, la démarque involontaire étant déduite de ce qu’il touche.
Cette classe moyenne est maintenue la tête hors de l’eau par une catégorie émergente qui rend la statistique plus difficile. Il s’agit des personnels politiques avec mandats électifs rétribués, qui y trouvent un modèle de vie.
On a si souvent mentionné les autres catégories sociales qu’il est presque inutile de brosser le tableau de la classe ouvrière en perte de salaire et en accroissement de chômage, surtout des jeunes, avec les augmentations insidieuses des prix, une région en manque d’argent et des pensionnés qui seront demain plus nombreux à se partager des pensions incomplètes. On aura vite fait un état des lieux qui correspond à la dérive d’un système économique que l’on ne reconnaît plus dans son déroulement, et qui ne ressemble à aucun modèle de ce que l’on a connu antérieurement.
Le capitalisme a changé de visage, plutôt, il est revenu à son origine. Il est redevenu sauvage.
L’occasion était unique en 2008 de laisser les banques s’effondrer, puis d’y reprendre pied avec la détermination d’y interdire les marchés pervers.
On n’a rien fait de cela.
La social-démocratie n’a pas voulu voir le gâchis dont elle est coresponsable. Elle a cru en la sagesse immanente des opérateurs financiers, comme s’il s’agissait d’une éthique naturelle que posséderaient les banques !
Aujourd’hui, le travail est compté pour rien. Les actionnaires se fichent de savoir qu’un atelier ferme pour se reconstruire ailleurs, provoquant des milliers de pertes d’emplois pour des créations à l’identique, mais à bas salaire.
Ce qui importe, c’est le taux à deux chiffres de leur dividende.
Renault dont l’actionnaire principal est l’Etat français, ne construira plus de voitures en France, sinon les prototypes et la voiture électrique.
Bien sûr, cette situation ne durera pas, mais elle peut faire de gros dégâts.
Dans ces perspectives, il n’est pas dit que les partis traditionnels existeront encore, après une période que certains voient comme prérévolutionnaire,. N’ont-ils pas tout raté, à commencer par l’Europe, parce qu’ils ont trop cru à l’économie, au point qu’ils ne sont pas encore sortis de leurs illusions, sans doute par manque de contact avec la population qui souffre ?
Commentaires
Il n'y aura jamais de révolution. Le meilleur gendarme, c'est la gauche et les syndicats et la Chine et le Brésil. Le capitalisme est bien vivant et il gagne partout. Il ne faut pas voir tout avec nos petits yeux d'européen liégeois.
Postée le: JM | novembre 24, 2010 11:54 PM
Quand on est trop près des événements, on ne voit rien venir. Le 13 juillet 1789, personne n'imaginait que le peuple prendrait la Bastille le lendemain.
La seule différence avec aujourd'hui : le pouvoir tient plus sa légitimité des forces "de l'ordre" que des urnes. Alors qu'en 89, il n'y avait que "l'autorité" du roi reposant sur des sièclesd de servitude.
Il est vrai qu'actuellement la puissance suprême est celle de l'argent qui peut lever des troupes en un clin d'oeil.
Postée le: Richard III | novembre 25, 2010 12:19 AM