L’homme marchandise
A propos de l’égoïsme bien ressenti version Luc Ferry, on peut dire que c’est loupé, nous en avons tous une forte couche, mais mal embouchée. Notre égoïsme socialisé, bien tempéré par l’intelligence bienveillante, c’est pour plus tard, quand nous ne pourrons plus faire autrement et que la moitié de la population sera à la soupe populaire. Alors, nous ne serons plus en mesure de cacher ce qui n’est pas beau à faire voir, sinon remplacer la soupe populaire par les Flash-Ball de nos polices.
Aujourd’hui, pardon… nous baignons dans l’égoïsme bien personnalisé, version « Amérique de Sarah Palin ».
C’est un syndrome qui nous a saisis dès l’enfance et qui ne nous lâche plus. Nous sommes comme ces gentils macaques que l’on attrape à l’aide de graines dont ils sont friands au fond d’une calebasse. Ils y plongent la main et la serre sur un bon paquet de nourriture. Comme le col de la calebasse a été calculé pour y passer la main allongée et pas le poing, ils pourraient abandonner la nourriture et se sauver. Ils ne le font pas. Leur gourmandise est la plus forte. C’est ainsi qu’on les capture.
Nous en sommes là.
Les discours sur l’économie et le système capitaliste doivent uniquement leur succès à notre mentalité de gentil macaque.
On finira bien par s’apercevoir qu’il est impossible de vivre ensemble si chacun n’y trouve pas son compte. C’est-à-dire que nous nous définissons par rapport à un temps futur qui a déjà lieu aujourd’hui, ce dont nous ne nous apercevons pas ! Beaucoup n’y trouvent plus leur compte, mesdames et messieurs consuméristes !
La régulation des égoïsmes qui est essentiellement l’affaire de la politique ne nous concerne plus, puisque le transfert de l’autorité politique à l’autorité économique s’est fait devant nos yeux, sans aucune réaction négative de notre part.
Alors, soyons heureux dans le nouveau monde, une sorte de Disneyworld où les grandes personnes ressassent l’enfance rêvée jusqu’à l’extrême vieillesse.
Les classes ont fini par devenir des abstractions. Chaque individu est désormais une classe sociale à lui tout seul, quitte à se débrouiller comme Sarah Palin pour faire de sa vie un show permanent dégageant des millions de dollars.
Beau résultat, la fortune ne sourit plus aux audacieux, mais à ceux qui ont perçu la perversité du système et qui s’en servent dans la joie et la bonne humeur parce qu’il convient très bien à leur nature.
Oui, mais tous les autres ? Les poètes, les paresseux, les vieux, les travailleurs, les jeunes, les artistes, les originaux, les malades et les bonnes sœurs ?
Qu’ils aillent se faire foutre, s’ils ne se plient pas à un minimum de discipline dit le système.
A savoir qu’ils pourraient être fous, pervers, alcooliques, proxénètes en plus… à condition qu’ils aient de l’argent, gagné ou non par combine, travail d’autrui ou héritage, mais qu’ils en aient plein les tiroirs…
Si bien que nos égoïstes au quotidien croient avoir une liberté formidable…
Et ils l’ont en effet, à condition de bosser de l’aube au crépuscule. Ainsi ils pourront agiter leur convocation d’électeur et se croire des personnes, quand bien même ils seraient plus bas que terre.
…du moment qu’on ne leur enlève pas leurs rêves !
Tout n’est-il pas question de proportion ?
La valeur n’est-elle pas essentiellement marchande ?
A combien estimerait Sarah Palin l’exposition de son cul dans un Road Movie vers la Maison Blanche ?
Voilà où nous en sommes. Nous sommes tous à vendre. Mais l’offre est supérieure à la demande. L’hypocrisie consiste à dire « Je ne suis pas à vendre », quand personne ne veut acheter !
Cher lecteur, mon frère, c’est parce que nous savons ne rien valoir à l’aune productiviste, que nous avons ce sursaut de fierté. Nous croyons naïvement qu’aucun proche n’est au courant de notre infamie !