Le cas De Wever.
Je ne comprends pas le raffut que les partis francophones font autour de l’interview de Bart De Wever à Der SPIEGEL. Elle était prévisible et montre l’homme sous un jour que tous feignent ne pas connaître, mais qu’ils connaissent pourtant très bien. Sans doute parce qu’ils espèrent jusqu’au bout s’être trompés. Pour ceux qui en douteraient encore, voilà un beau fanfaron, menteur et fourbe, avec un visage neutre, l’honnêteté même à la Eric Woerth, l’expression de la bonne foi personnifiée yeux écarquillés, sourcils en accents circonflexes... La maffia des partis francophones n’en revient pas. Elle est tombée sur un maître !
Depuis le début, le président de la N-VA ne joue pas le jeu que les autres, habitués à des règles non écrites mais qu’ils s’imposent, croient qu’il va jouer.
On tourne autour du pot, jusqu’à ce qu’on pense être au maximum concédé par l’adversaire. On entre dans un gouvernement pour obtenir dix ou quinze pour cent de ce qu’on a demandé.
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, De Wever dérange. Il est en politique ce que les flics appellent la guerre des gangs pour le contrôle d’un quartier. Lui, il veut tout le pays…
Est-ce une raison, parce qu’il ne fait pas ce qu’on lui demande, de ne pas essayer de le neutraliser ? Il fait donc si peur ? Ah ! oui, on craint l’opinion toujours derrière lui en Flandre.
Qu’a-t-il dit, Bart De Wever, à Der Spiegel qu’on ne sache déjà ?
Qu’il veut la fin de la Belgique ? C’est évident, même s’il prétend ne pas la vouloir tout de suite. Qu’est-ce que signifie cette façon de différer la mort d’un pays comme la Belgique ?
Il y a une sorte de cruauté, celle du chasseur qui regarde mourir la bête sans l’achever. Et puis, s’il ne la veut pas de suite, il aime l’affût, des fois que les événements iraient dans sa direction sans qu’il intervienne…
En faisant des confidences à un journal allemand, il sait que cela va toucher les Francophones. Bart De Wever se sent attiré par le « miracle » allemand, à la différence de Paul Magnette, son origine est germanique comme tous les Flamands. Cette origine n’est pas en soi un mal, mais lui, il en est plus que les autres, comme on dit d’un francophone qu’il est fransquillon.
Ce qui est remarquable dans cet article, c’est la qualité du journaliste allemand qui a interviewé De Wever. Il pose des questions qu’aucun journaliste de la presse francophone n’aurait osé poser.
Selon le président de la N-VA, l’Etat belge n’a pas d’avenir parce qu’il est trop petit !
Il y a tant de raisons qui feraient douter du manque d’avenir de ce pays, qu’on se demande pourquoi De Wever en a choisi une mauvaise ? Son séparatisme, n’est-ce pas rendre encore plus petit, un pays qui l’est déjà tellement !
Après l’hommage rendu à la grande Allemagne « redevenue la locomotive de l’Europe », la Belgique est bien le pays malade de l’Union européenne, selon Bart, comme le fut nos voisins en 2003.
La performance à l’allemande a coûté déjà beaucoup de sacrifice des classes moyenne et inférieure, à l’esprit d’abnégation bien germanique d’obéissance à l’ordre. Merkel n’a pas changé le sens à donner à l’économie, mais pour redonner du sens libéral au mot « travail », dans le cadre détestable d’une crise économique, afin que les innocents paient pour les coupables.
Le président de la N-VA ne voit de la vertu que dans l’exploitation de l’homme par l’homme. Il est de ceux qui lient le sacrifice de chacun (pas tout le monde) à la conquête de « l’Or du Rhin » qui serait « le bien », version Robert Nozick.
Ce qui importe pour lui, c’est que nous continuions à rendre performante une économie qui demande que nous travaillions plus pour gagner moins, que nous payions peu d’indemnités à nos chômeurs et à nos malades, que nous n’indexions plus les pensions, etc., ce que le socialiste Dominique Strauss-Kahn préconise au FMI, pour la Belgique.
Alors, merci, mais ni la Flandre, ni la Wallonie ne sont prêtes à ces sacrifices-là ! Ainsi éclate l’imposture de Bart De Wever. En rendant les Wallons responsables du manque à gagner flamand, les Flamands n’imaginent pas le piège dans lequel De Wever les entraîne, s’ils pensent que c’est à cause de la Wallonie, qu’ils ne rejoignent pas « l’essor » allemand.
Alors, si le cœur leur en dit, libre à eux. Que De Wever applique donc « toutes les réformes nécessaires » au peuple flamand. On verra bien ce qui en résultera. Et dans ces conditions, Bart à raison : séparons-nous le plus vite possible
La suite est limpide : De Wever n’entrera pas dans un futur gouvernement ou, s’il y entre, ce sera pour le miner de l’intérieur et avoir le beau rôle afin de retourner aux urnes.
Le reste de l’interview touche à l’histoire et ne dépare pas l’ensemble. On sent bien que De Wever a uniquement étudié l’histoire pour ce qu’il pense être bon pour la Flandre. Nous n’avons pas fréquenté la même université. L’histoire s’apprend comme à un tribunal, à charge et à décharge. Ce que Bart De Wever fait, c’est de la démagogie politicienne.
Ce serait trop long de réfuter les arguments de Bart De Wever sur ce que la Wallonie a été pour la Flandre de 1831 à 1940, ; quand le plat pays n’était qu’une morne plaine de Gand à la mer, en comptant pour rien l’exploitation des travailleurs wallons par des patrons des mines et de la métallurgie, qui devaient ressembler à Bart De Wever.
Ce qui trouble dans ce discours, c’est le comédien jouant la bonne foi surprise.
C’est tout à fait un discours d’extrême droite et qui peut malheureusement séduire des citoyens déboussolés par la crise économique cherchant des responsables. « L’antipopuliste » De Wever est bien à l’école du populiste Jean-Marie Le Pen..
Bart De Wever vit dans la haine de ce qui n’est pas flamand ; parce qu’il s’est fait une fausse idée de l’identité flamande. Il perd tout contrôle quand on aborde certains sujets qui le rendent aveugle et fou.
Nos « debaters » redoutent le simplisme des raisonnements d’en bas. Ne faut-il pas redouter davantage les raisonnements d’un intellectuel victime du syndrome de Münchhausen ?
Il reste une alternative au plan B. Elle consisterait à exclure Bart De Wever et son parti des négociations du futur gouvernement. Avec la Volksunie, cela fait beaucoup. La balle est dans le camp flamand. A eux de voir…