…et puis voici mon coeur
Je pensais, une fois n’est pas coutume, faire dans le léger sur un événement alliant la beauté à la grâce. Hélas ! dans ce pays, toute élection touche au scandale, même la consécration de Miss Belgique a son parfum de magouille. On chuchote dans les milieux du glamour que le miroir qui reflète la plus belle, ne renverrait que le reflet linguistique ! Tout aurait été abominablement truqué, un peu comme si le Comité des Miss n’avait été qu’une succursale de la N-VA !
J’ai voulu en avoir la preuve, car depuis que je publie des photos de jolies femmes, il me semblait avoir une certaine aptitude à classer le beau sexe selon des critères généralement admis comme valables.
Mon habileté en ce domaine est telle que si je passe quelques jours sans offrir à la clientèle quelques belles et jeunes créatures, j’ai un lecteur plus vicieux que les autres qui m’en fait le reproche.
Afin de me purifier, je me suis tapé deux heures de Lao-Tseu et un quart d’heure (impossible de faire plus) de Guido Gezelle, poète flamand, Kerhofblommen (1858), afin de me débarrasser de tout esprit sectaire. Puis, j’ai découpé d’un magazine people, les photos de Justine De Jonckeere, miss Belgique, et Chloé Saive, Miss Province de Liège, afin de comparer ce qui est visible et comparable.
C’est le pépé de Chloé qui a raison. La De Jonckeere a un nez en forme de pomme de terre, un double menton et le regard énamouré d’une blanc-bleue qui regarde passer le tortillard Ypres-Malines.
Les Flamands, au nom de leur supériorité numérique, y ont été plus impérieux que jamais dans le toupet démocratique. Je ne dis pas que Chloé méritait de gagner, je dis que Justine méritait de perdre.
Bon, que fait-on une fois qu’on a dit cela ?
Rien, sinon que les Flamands, pure race trois générations, ont préféré Justine. Voilà un nouveau constat embarrassant : ils n’obéissent pas aux mêmes canons du classicisme arachnéen que nous en la matière. Nous, c’est le blond vénitien, eux, c’est la blondasse d’une Walkyrie des bords du Rhin. Nous, ce sont les proportions picturales à la Léonard de Vinci, eux, c’est le nu à la Permeke, une sorte de matérialisation de l’âme germanique dans un pot de confiture ressemblant de loin à l’image hollywoodienne d’une Marilyn Monroe pour chef de patrouille du scoutisme flamingant en pèlerinage à la tour de l’Yser.
Evidemment, Justine n’est pas tout ça. Elle est fine élancée et quand son visage est dans la pénombre, elle peut passer pour très belle, un peu comme notre Justine à nous, les raquettes en moins, lorsque nous ne voyons que ses jarrets d’acier des tribunes populaires, et parfois la blancheur de son slip de sport, quand la caméra en surprend les prémices à l’occasion d’un grand écart ou à la récupération d’une balle basse.
L’hérédité de notre nouvelle gracieuse ne lui remonte au larynx que lorsqu’elle parle flamand. Alors, on devine sous ses « r » prononcés comme seules Edith Piaf et Mireille Mathieu savent le faire, toutes les prairies de Flandre à l’ombre du beffroi du village.
Ça vous saute au visage comme un pot de beurre d’ail qu’on aurait oublié dans l’armoire.
Tandis que Chloé a manifestement de la peine et à comprendre et à s’exprimer dans une langue qui n’est pas sa maternelle. Mais elle y va bravement. On sent qu’elle vient de réviser hâtivement dans les deux mois précédents le néerlandais pratique de la collection Bescherelle. Elle est du genre « Dat is erg vriendelijk van u ». Las ! les barbares se méfient depuis Jules César des généraux parfumés qui viennent les emberlificoter dans des régions à facilités.
C’était trop de supporter à la fois qu’elle soit la plus belle et qu’elle fasse des efforts pour parler comme eux.
Quand on vit dans le plat pays, il faut des beautés supportables, à mi-chemin entre l’abominable et le merveilleux, si vous voyez ce que je veux dire, sans quoi, l’eau du canal vous fiche le bourdon, on s’y voit trop moche… à défaut de s’y voir trop con, puisqu’aussi bien, personne ne l’est. Il faut encore que les autres vous le disent, et, même alors, vous ne les croyez pas !
C’est donc tout naturellement qu’ils ont voté pour Justine.
D’ailleurs, ils n’auraient pu faire autrement, l’affaire était déjà décidée depuis longtemps.
Il ne reste plus qu’à contester BHV (Beauté Homologation Vondel) et à demander au roi de désigner un Vérificateur.
Je m’inscris pour le rôle avec le sentiment que quelques nuits de négociation avec les contestataires et la Miss en titre, seront suffisantes pour les départager et déposer mon rapport résumant mes rapports.
Dans ce cas, je suis bien de l’avis des magouilleurs, dans les histoires de sexe, le dépouillement précédera toujours le vote…