La mort de Marie-Rose Morel.
Pour avoir connu le combat d’un être proche contre un cancer inflammatoire du sein et d’avoir vécu son décès, je sais ce que c’est pour l’entourage d’avoir à déplorer la fin de Marie-Rose Morel. Ce serait particulièrement vil de s’en prendre dans ces circonstances à la cause qu’elle défendait, en vilipendant le militantisme de cette dernière dans les rangs de la NV-A, puis du Belang.
Il y a le simple respect de l’humain que des adversaires sur le plan politique doivent observer.
Je salue donc le courage de Madame Marie-Rose Morel et assure ses parents et amis de toute ma compassion.
Aussi bien, l’événement malgré tout, permet de revenir d’une façon plus large sur le fossé Nord-Sud, dépassant l’actualité du décès d’une star, par le décalage entre le peuple flamand et le peuple wallon sur l’usage que l’on peut faire de la popularité.
Si le vedettariat en Wallonie a permis à certaines figures de proue de la télé de passer sans coup férir du devant des caméras au devant du peuple en Assemblée législative, en Flandre, cette manière de surfer sur le clinquant et les paillettes et passer outre au mérite a atteint des proportions qui sont bien au-dessus de ce qui est imaginable ailleurs, si l’on excepte l’Italie.
C’est ainsi que les anciens piliers des partis flamands, souvent des héritiers de familles militantes, cèdent la place à tout qui répand son image dans l’opinion par des truchements jadis peu ou pas utilisés : milieux sportifs et hospitaliers, concours de beauté, jeux télévisés, héros positifs de faits-divers, etc.
La personnalité de Madame Marie-Rose Morel ne sera connue en Wallonie qu’à l’occasion de son enterrement, l’émoi qu’il suscite et des personnalités qui s’y sont montrées ; alors, que là-bas, ses démêlés avec les dirigeants du Belang, son nationalisme « intransigeant », la mise-en-scène de sa vie privée, faisaient régulièrement la « une » des journaux flamands !
Rétrospectivement à la lecture des prises de parole de la défunte, on est surpris par le décalage de ce qu’elle a osé dire en Flandre et le consensus positif qui se percevait dans les réactions y compris de ceux qui ne partageaient pas ses convictions, par rapport à une égérie – encore à venir – qui aurait proféré des propos identiques, mais en faveur de la francophonie ! En Wallonie, une telle « passionaria » aurait été regardée avec méfiance, qu’elle eût été socialiste ou libérale. Il n’est même pas sûr que les rattachistes et les mouvements séparatistes l’eussent adoptée !
Cela est probablement dû en partie au décalage qui existe entre les informations traitées en Flandre et celles du reste du pays. Contrairement à l’opinion répandue en Wallonie, la presse flamande est beaucoup plus libre dans ses écrits que la presse francophone. Cette dernière semble figée dans un conformisme anti-people, qui consiste non pas à dénoncer le caractère futile du people, mais à se rigidifier sur les schémas conservateurs d’une Belgique bourgeoise compassée et finalement encore plus critiquable dans son passéisme que l’autre l’est, pour son modernisme criard et son « matuvuisme » tapageur.
C’est pourquoi les blogs d’information ou de réflexion sont si courus en terrain francophone.
Il y a belle lurette que la curiosité malsaine du « people » envahit nos écrans de télévision, les revues et les magazines. Une majorité de naïfs et de paumés passent leur loisir à assouvir leur curiosité dans une nouvelle forme de voyeurisme renouvelant l’esprit de la concierge qui - comme chacun sait – n’est jamais si performant que dans l’escalier. Le portrait de « Monsieur de Source Sûre » qu’en fit Stéphane Collaro dans l’émission de Jacques Martin « le petit rapporteur », reste inégalé. Le voyeurisme se nourrit de la vie d’une minorité de « people », croissant sur le terreau des medias.
Closer, Ici Paris, France Dimanche, Public, Gala, Point de vue, Voici, complètent Soir illustré, Télépro, Moustique, Match spécial Belgique, etc dans nos kiosques.
Ces médias loin d’offrir une variété d’opinion confinent les lecteurs aux petits potins et faits-divers. C’est une manipulation qui joint le contrôle de l’information à l’avantage d’y faire de plantureux bénéfices.
Comment se fait-il que la presse avec de vrais journalistes et une vraie pensée intellectuelle n’ait pas encore compris que pour lutter efficacement contre ces sous-produits qui paraissent avoir triomphé en Flandre au point de déborder sur la presse d’opinion (1), elle ne se soit pas débarrassée du carcan conformiste de la pensée unique, issu d’un centrisme dans lequel patauge tous les partis francophones ?
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1. La presse flamande semble plus libre de propos que la presse francophone. Cependant, il convient de déplorer que cette liberté n’y associe pas toujours la qualité. La forme compassée et entendue de la presse francophone, vaut-elle mieux ? C’est un débat que nous n’aurons probablement pas, hélas !