Le vérificateur.
Chargé des finances courantes, Didier Reynders voyait l’échéance du 15 février lui tomber dessus avec l’angoisse de remettre à Charles Michel d’autres affaires courantes, au MR cette fois, dont le parti venait de le décharger.
Alerté de la période difficile de deux semaines que son ministre des Finances allait traverser, le roi, fort ému le sachant migraineux, résolut de le charger des affaires courantes du royaume, avec mission de l’informer sur les possibilités d’arriver à un accord institutionnel. Reynders présentera son rapport écrit le 16 février.
C’est par pure charité chrétienne que le roi agit de la sorte.
En effet, il ne se passe pas un jour sans que Didjé se plaigne de n’être au courant de rien, qu’il a été laissé à l’écart des discussions des Sept, et n’a reçu aucun des rapports intermédiaires, de même que personne n’a pris la peine de lui communiquer la note de Vandechose !
Et c’est à cet homme qui n’est au courant de rien à qui le roi confie la mission d’être au courant de tout !
C’est bien pour lui éviter un début de dépression que l’Haut-lieu lui fournit matière à remplir ses journées. Didjé traverse des heures sombres. Il ne sera plus bientôt aux réunions publiques du parti, qu’un membre assis au premier rang, certes, mais plus jamais seul, au milieu de la scène, au petit pupitre à sa mesure, en train de toucher les cœurs, la chevelure argentée s’harmonisant avec l’arrière plan d’un bleu outremer !
Et que va faire notre futur ex président durant les quinze jours où l’on parlera encore de lui ?
La vérification de l’existence d’une volonté politique d’aboutir à un accord institutionnel entre la N-VA et le PS. Ordre du palais !
Le vérificateur vérifiera donc, si le désaccord persiste pour BHV et le refinancement de Bruxelles, le transfert de compétences aux entités fédérées, leur financement et leur responsabilisation, le financement dans la durée de l’Etat fédéral, etc.
Comme il passe après tout le monde et que les prédécesseurs ont tous confirmé qu’il n’y avait pas d’accord, on pense qu’il s’agit d’une vérification pour rire venant après plusieurs autres vérifications. On serait étonné que Didjé, dans ces conditions, fasse autre chose qu’un show d’adieu.
Enfin, on peut dire que les deux semaines seront perdues pour tout le monde, sauf pour ceux qui pensent que c’est toujours ça de gagné sur l’échéance fatale de l’échec certain.
A moins d’avoir menti aux gens en prétendant qu’il ne savait rien des pourparlers, c’est en 24 heures que Reynders assimilera les dossiers des experts et les propositions des partis, avant de rencontrer Vande Lanotte. Ce qui constitue une belle performance.
Sauf d’être un prématuré de sept mois, l’enfant de Bart et d’Elio ne sortira pas des tables qui resteront grosses de leur mésentente. Vraisemblablement, pas plus que les autres, Didjé n’accouchera la nouvelle Belgique.
Après le SP, Didjé arbitrera le sempiternel match De Wever Elio Di Rupo, moins captivant qu’un Standard Anderlecht.
Pour le reste, le roi lui donne carte blanche.
A moins d’improviser, le sortant du MR ne devra pas oublier d’écrire un beau discours entre les réunions, qu’il lira à la tribune du parti et que toutes les gazettes reprendront en chœur le jour où il remettra les clés de son bureau à Charles, sous le regard mouillé de Michel père.
S’il lui reste du temps, il verra éventuellement les autres pointures des partis, histoire de jouir une dernière fois du titre de chargé de mission.
Dès sa sortie de Laeken, Didjé a livré à la presse des commentaires d’une affligeante banalité, qui passeront pour des réflexions de pur génie : « Notre pays est dans une situation particulièrement sérieuse. Je suis prêt à faire de mon mieux pour le sortir de l’impasse politique. Cette mission est particulièrement difficile ».
Les journalistes s’en contenteront.
La méthode Didjé est celle que le juge des divorces pose régulièrement aux couples qui se présentent devant lui « Souhaiteriez-vous faire encore quelque chose ensemble ? » Jusqu’à présent cette question n’a jamais dissuadé un couple à divorcer. Franchement, j’avais bien envie de retourner une main sur la gueule à Béatrice le jour de la comparution, mais je n’ai pas osé le dire au juge, une femme charmante, et si j’avais répondu franchement à la question, je me serais immanquablement coupé de toute relation avec Véronique. Ce qu’elle et moi nous eussions regretté…
La mission de Reynders est tellement dépourvue d’intérêt que je n’ai pas pu m’empêcher de l’agrémenter de ce pittoresque épisode privé.
C’est dommage, qu’un gazetier ne nous livre pas une parcelle de son intimité, quand il sent que le sujet qu’il traite n’intéressera pas le lecteur.
Par exemple, Béatrice Delvaux, pourquoi n’émaille-t-elle pas ses éditoriaux des petits riens de sa vie privée ? Elle m’intéresse, cette femme-là ! Que mange-t-elle au petit déjeuner ? Que grignote-t-elle au bureau ? A-t-elle une relation intime pendant les heures de veille, dans l’excitation d’un scoop ? Enfin, toutes choses intéressantes que le lecteur adorerait, plutôt que ces mortelles relations écrites sur des imbéciles d’Etat dans leurs tribulations de pieds-nickelés de la politique. Je suis un peu comme Léautaud qui parlait de ses chats au lieu d’une pièce de théâtre dont il avait la critique au Mercure, quand il la trouvait assommante, et qu’il avouait à Alfred Vallette que la plume, rien que d’y penser, lui tombait des mains.