Wie einst Lily Marleen
Vor der Kaserne / Vor dem großen Tor / Stand eine Laterne / Und steht sie noch davor / So woll'n wir uns da wieder seh'n / Bei der Laterne wollen wir steh'n / Wie einst Lily Marleen
On est passé bien vite à autre chose au mois de janvier dernier.
Pourtant, comme Danton prétendant que sa tête « en valait la peine » avant la guillotine, celles de ces Messieurs de la Flandre-Unie présentant une nouvelle fois une demande d’amnistie des collabos de la dernière guerre, avaient une pointure qui permettait largement de ceindre un casque à pointe !
Dans les faits, janvier dernier, la Chambre rejeta par 68 non (PS, MR, cdH, Ecolo/Groen!, PP et sp.a) contre 57 oui (N-VA, CD&V, VB, Open Vld, LDD) la proposition de loi du Vlaams Belang relative à l’amnistie.
C’est qu’ils ne désarment pas, les nationalistes de la Flandre éternelle !
Alors que la décence eût voulu que l’on clôturât cette vieille affaire par le silence, pas gênés pour un sou, les intégristes d’en face poursuivent leur tapage et il s’en était fallu d’un cheveu que la chose passât l’obstacle.
Il faut dire qu’ailleurs, on a passé l’éponge depuis longtemps, justement parce que personne ne le demandait et que l’opinion avait tourné la page. En Belgique, c’est différent. Tout y prend une couleur communautaire. Du coup, on s’embarque dans des haines qui n’en finissent plus. C’est que les nazis firent la distinction entre Wallons et Flamands, bien avant le parlement flamand dans les communes périphériques. Adolphe avait des idées d’annexion derrière la tête en considérant les gens du Nord comme faisant partie de la race des élus. Ce dont ils profitèrent largement : rapatriement des prisonniers de guerre flamands, régime particulier favorisant la collaboration d’où un enthousiasme massif des milieux catholiques flamands à la cause du fou de Nuremberg, avec départ massif du scoutisme flamingant sur le front de l’Est.
Si aujourd’hui on en parle encore, c’est inscrit dans le caractère flamand d’exclure ceux qui n’ont pas l’amour du sol natal, n’adhèrent pas à la cause de l’économie libérale dans toutes ses conséquences : mise sous tutelle des « inutiles », salaires fixés sur les concurrents, foi aveugle dans le libéralisme, à tel point que chez eux, Di Rupo passe pour un extrémiste de gauche !
Staf De Clercq, dirigeant des nazis flamands du VNV, l'un des piliers de la collaboration pro-allemande durant la Deuxième Guerre mondiale est toujours « l’idole des jeunes » du Vlaams Belang et de la N-VA de Bart De Wever et on ne jurerait pas que certains hommes en vue du CD&V et du parti libéral flamand n’ont pas sa photo sur leur table de nuit !
Enfin, si ça les branche, ces pro-Teutons, chacun fait ce qu’il veut de son corps et de son esprit. Bien entendu, ça fait aussi un obstacle supplémentaire pour que la conversation devînt amicale entre eux et moi.
Voilà tellement longtemps que ces différences perdurent, qu’on commençait à s’y habituer. Il a fallu qu’une formation sœur du Vlaams Belang vienne mordre dans l’électorat du CD&V et propulse en tête de gondole Bart De Wever, pour que l’ancienne plaie suppure !
Depuis, les nerfs à vif de 30 % de Flamands dont aucun n’a connu les horreurs de la guerre, sinon par parents interposés, rappellent les mauvais souvenirs, à nous aussi, par le témoignage de nos vieux.
Tantôt, c’est la baronne Hilde Kieboom, présidente de la Communauté San’Egidio, un petit mouvement catholique flamand, qui revendique auprès de Bart De Wever et Elio Di Rupo une amnistie pour une réconciliation nationale, tantôt et chez nous, c’est un des derniers survivants « des camps de la mort » qui rappelle à nos jeunes écoliers la férocité des temps anciens.
Pour rappel à ceux, de plus en plus nombreux, qui placent Adolphe et les adolphins sur la même étagère des livres d’histoire que Nabuchodonosor et Gengis Khan : à la fin du nazisme en 1945, des milliers de citoyens flamands, mais aussi wallons et bruxellois, furent poursuivis par les autorités militaires et judiciaires belges. Leur trahison fut multiple : militaire (en partant sous l'uniforme allemand sur le front de l'Est), répressive contre les résistants, les réfractaires et les Juifs (dans le cadre d'organisations nazies engagées pour faire la police), économique (une partie du patronat belge continua ses affaires sous le nazisme, en commerçant directement avec lui), administrative (des membres et des responsables de services publics se mirent à la disposition des nazis avec un engagement sympathisant), politique (du Palais royal aux mouvements d'extrême droite, des alliances opportunistes se firent pour cogérer le pays sous l'autorité allemande)...
A la Libération, plus de deux cents collaborateurs furent fusillés. D'autres resteront en prison plusieurs années et perdront leurs droits sociaux, civils et politiques. Pour éviter la justice belge, des milliers de pronazis s'en iront sur les chemins de l'exil. Ils s'installeront en Espagne, en France, en Allemagne, en Argentine, en Afrique du sud... Ainsi, jamais, ils ne répondront de leurs crimes.
Voilà qui est bien connu des parties. Seules les conclusions ne sont pas identiques.
Tous ces événements que nous n’avons pas vécu fermentent et s’ajoutent aux prétentions du pré carré flamand à la manie qu’ils ont de se croire lésés en lésant les autres.
Que s’y ajoutent l’amour des uniformes, les tambours, la tour de l’Yser, le Gordel, et les souvenirs de la Werbestelle, merde… y en a marre d’eux !
Bref, ce n’est plus une pomme de discorde, c’est un pommier…
Et pourtant je me dis, comme tous les gars qui ont bon cœur de part et d’autre de notre ligne
de démarcation « Si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle ? ».