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La parole libérée.

Les jeux vidéos, les « connaissances » acquises sur Internet, pas toujours conformes à une « bonne » instruction, sont-ils porteurs d’une émancipation accélérée de la jeunesse à leurs aînés ?
Les psy constatent une augmentation des consultations des parents pour des problèmes relationnels ou de comportements liés à l'utilisation des écrans. N’y a-t-il pas un autre diagnostic à faire, qu’une addiction aux délassements nouveaux ?
Ce qui se passe au Maghreb, produit dit-on par la circulation de la pensée grâce à l’électronique, serait aussi le produit de cette addiction ?
S’adapter au travail proposé et s’astreindre à satisfaire les normes de productivité de l’employeur avaient été jusqu’il y a peu, les impératifs absolus d’une bonne conduite à l’école d’apprentissage de la vie. Plus les travailleurs s’habituaient rapidement aux normes décidées par d’autres, plus vite s’établissaient-ils dans la société.
Et pour quel résultat ?
Personne, avant Internet, n’osait répondre à la question en termes critiques, si l’on ne tient pas compte d’une protestation qui a toujours existé, mais qui touche une marginalité volontiers qualifiée d’insignifiante.
Echappant à l’éducation normative par l’éducation sauvage, la jeunesse est en train de réaliser ce que les générations antérieures n’ont jamais fait : jeter un regard neuf sur la société et en réévaluer les rapports sociaux établis sur les règles d’un système caporalisé.
En s’attaquant directement au pouvoir de Ben Ali, de Moubarak, de Kadhafi et, demain de quelques autres, la jeunesse d’Afrique du Nord n’est-elle pas en train de remettre en question tout le système, et pas seulement celui du côté Sud de la Méditerranée, mais également celui du Nord ?
Système de dictature, certes, mais pas que cela, puisqu’aussi bien système d’économie de marché sur initiative privée et dans la liberté du commerce !
Y a-t-il plus bel exemple du départ de Michèle Alliot-Marie du gouvernement français, que cette incompréhension d’une génération qui n’a pas senti que la suivante pouvait ne pas être identique ?
Officiellement, l’intéressée est partie pour des raisons politiques et parce que Sarkozy le lui a demandé. Elle n’a pas vu le côté moral qui ne l’autorise plus à représenter la France. C’est grave pour elle et pour l’UMP qui ne l’a pas ressenti comme tel non plus.
C’est toute l’Europe derrière ce phénomène d’aveuglement qui ne le voit pas davantage.
Autrement dit, les jeunes sont en train de découvrir la morale qui n’existait plus du côté des aînés : en politique avec les « grands » personnages, et au travail dans la confusion entre la morale et la nécessité.
Les parents ont raison d'être inquiets, mais pas pour ce qu'ils croient. La consommation excessive des écrans de leurs progénitures n'est pas le signe de troubles psychologiques. Les écrans peuvent nuire à la relation passive des masses aux rôles assignés par les dirigeants de l’économie.
La génération suivante ne pense pas comme eux. Les parents y voient un défaut d’éducation. Ils en accusent les maîtres.

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Ils ne voient pas en quoi Madame Alliot-Marie aurait contrevenu à la morale en passant ses vacances en Tunisie et en utilisant des jets privés des proches de Ben Ali. Ils ne le disent pas, mais on sent qu’ils en auraient fait autant.
Les spécialistes les relayent dans leur étonnement. Un commerçant derrière son comptoir ne demande pas d’où vient l’argent avec lequel le client paie ce qu’il achète.
Nous sommes – au même titre que les tyrans déchus du Maghreb - les représentants d’un Ancien Régime, fait d’un « idéal » vaguement immoral et hâtivement montré sous les haillons d’une vertu supposée.
Peut-être ce mouvement d’émancipation des masses arabes s’arrêtera-t-il, rongé de l’intérieur par un islamisme lui-même braqué sur le respect des traditions, et saboté par des démocraties faussement émancipatrices ; mais, quelle que soit l’issue des événements, saluons cette jeunesse qui secoue le joug et qui aspire à la liberté. Nous aurons beau dire que cette liberté, nous la connaissons et que c’est à notre image qu’ils la veulent, sauf que cette liberté nous en avons perdu le sens, et depuis tellement longtemps, que nous ne nous souvenons plus de ce que nous voulions qu’elle soit et ce qu’elle n’est jamais devenue.

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