Pas de bunga-bunga avant la prière du soir !
Silvio Berlusconi est présenté comme le clown de l’Europe. En Italie, malgré ses fredaines, il conserve des partisans.
En Italie, la gauche régresse au profit d’une droite en général xénophobe. Il faut dire aussi que tout n’est pas de la faute des citoyens « qui ne comprennent rien à rien », mais des partis socialistes trop à la remorque d’une économie libérale de plus en plus malodorante.
L’actualité italienne est très mal diffusée en Belgique. Comme il faut une révolution sérieuse pour qu’on parle du Maghreb, on n’attend de l’Italie que la suite des péripéties judiciaires du cavaliere. Tout événement qui ne concerne pas ses friponneries, son sens du comique vulgaire et ses bunga bunga ne passe pas les Alpes et n’arrive pas dans nos téléviseurs.
Un peu comme « Papa » Daerden est connu à l’étranger pour ses sorties arrosées.
Si les télés italiennes ne diffusent pas du porno avant minuit – pas encore – elles en sont au stade des jeux « grivois », et Silvio, l’ardent, remplit toutes les conditions du glamour pour être en économie et en politique, le parfait double des soirées de « variétoche » de ses chaînes.
Un million de femmes ont manifesté en janvier dans plusieurs villes italiennes pour défendre leur dignité, bafouée par le président du Conseil italien. Comme cette manifestation faisait partie de la saga du septuagénaire sexy, l’information a filtré. Est-on certain qu’il n’y avait pas autre chose qu’une révolte contre la vulgarité et la provocation tournant autour des performances sexuelles du richissime magnat des délassements populaires ?
Certaines observatrices féministes en Italie estiment qu’il n’y a pas eu de passage générationnel du plus grand mouvement féministe d’Europe des années 70 et de se demander : où est passé le féminisme italien?
Ce n’est tout de même pas le Rubygate qui va faire que le relai va enfin fonctionner d’une génération à l’autre !
En 2011, la situation de la femme italienne n’est pas bonne. Le taux d’emploi (46,4% en 2009) est parmi les plus bas d’Europe. L’Italie occupe la peu glorieuse 74e place dans le classement sur les différences entre les sexes du Forum économique mondial.
Est-ce la télévision berlusconienne ou la dolce vita du pauvre dans les discothèques pour bas salaires, qui rend amorphe la jeunesse ?
La colère des enseignantes et des philosophes décline explicitement le mal italien : les organisations de rue ne parviennent pas à faire prendre conscience de la responsabilité des jeunes filles dans la crise de la société.
L’empire médiatique de Silvio Berlusconi véhicule principalement une image de la femme contraire aux idéaux féministes. «Nous avons fait l’erreur de concéder cette place au berlusconisme: nous avons accepté la dégradation de la télévision et des moyens de communication, alors qu’il fallait s’indigner tout de suite. Ceux qui ont 20 ans aujourd’hui ne connaissent que ce modèle», tente d’expliquer la signora Brezzi, enseignante.
La journaliste Federica Quaglia a visionné 400 heures de télévision, balayant les chaînes italiennes propriétés de Silvio Berlusconi et les chaînes publiques. «On y voit la banalisation et la vulgarisation du corps de la femme. Dans ce pays où 80% des personnes qui regardent la télévision en font leur source d'information principale et où 60% de l'audience télévisée est de sexe féminin, c'est une horreur misogyne permanente».
Certains éducateurs lient la source de l’indifférence de certains jeunes aux nombres d’heures passées à regarder la télé. Ce manque d’indignation témoigne de «l’influence de la subculture télévisuelle qui est finalement le projet le plus profond et surprenant de Silvio Berlusconi dans ce pays. Un projet inauguré dans les années 1980, synonyme de terre brûlée».
Le berlusconisme n’est pas la seule raison de l’échec féministe. Le cavaliere n’a pas inventé un modèle, il l’a interprété. «Les stéréotypes sur la femme existaient déjà en Italie. Berlusconi n’a fait que reprendre ce modèle, et le décliner à la lumière du néolibéralisme.»
La bigoterie des associations et le ton sentencieux des féministes ont probablement joué un rôle dans l’apathie de la jeunesse et produit ce trou de génération observé au cours de la manifestation de janvier. On a reproché aux organisatrices de s’en prendre aux filles soupçonnées de coucher avec Silvio Berlusconi, plutôt qu’au cavaliere lui-même. Ce qui est bien dans la tradition de l’Eglise de faire payer les victimes « du péché » d’abord, plutôt qu’à s’en prendre au plus gros pécheur d’Italie. Le réflexe anti-cafard de bénitier a certainement joué et Silvio a pu passer pour un libérateur dans le domaine du sexe. Sa virilité affichée aurait troué la chape de plomb de la tartuferie vaticane !
Malgré les sarcasmes du président du conseil sur la demi réussite de la manifestation, les Italiennes ont fait la démonstration qu'elles étaient encore capables de se mobiliser.
Voilà bien une des inconséquences du moment en Belgique sur l’orientation de l’information, quand on sait que la colonie italienne assimilée et très bien fondue dans la population y est extrêmement importante, les gazettes et les télés auraient dû faire un effort pour nous mieux informer des nouvelles de la péninsule.