Tunisie : lendemains amers.
Les événements au Maghreb et en Libye donnent raison à Napoléon, grand expert en récupération « Dans les révolutions, il y a deux sortes de gens : ceux qui les font et ceux qui en profitent ». Gare aux profiteurs, ils ne traînent jamais très loin…
On aurait pu croire que les grands donneurs de leçons européens voleraient au secours de la détresse humaine, en apportant leur expérience à la consolidation des espoirs légitimes des aspirants démocrates.
D’autant qu’en Tunisie et en Egypte, les intégristes et les factieux musulmans n’ont pas participé aux journées insurrectionnelles. On peut légitimement penser que l’élan du peuple va vers la mise sur pied d’un système démocratique, laïc et social.
L’attentisme de l’Europe permet aux cadres des anciens régimes de se ressaisir, d’accuser le coup et d’attendre une opportunité pour refaire surface. L’inexpérience des peuples fait le reste.
C’est à croire que le président Herman de la Serpillère et Catherine Ashton, sa ministre des affaires étrangères, attendent qu’un pouvoir fort étouffe les velléités démocratiques de Tunis pour intervenir, quand cela ne sera plus utile et se rassurent déjà de voir l’Egypte tenue en laisse par l’armée.
Quant à Kadhafi, les spéculateurs en huile minérale doutent qu’à l’aide des mercenaires africains et des pilotes pakistanais, le Berbère stabilise de sitôt les prix du brut, ce qui est bon pour le biseness ; tandis que les pays démocrates assistent « navrés » au début du massacre des populations par l’homme fort de Tripoli.
Voilà comme s’engagent les démocraties en 2011 vis-à-vis de ceux qui veulent suivre leur exemple.
Une intervention à titre purement humanitaire qui consisterait à interdire aux avions de Kadhafi de mitrailler les populations, est déconseillée par la peur des missiles sol-air. En Afghanistan le risque est identique, sinon plus grand. Et pourtant, les démocraties y ont bien envoyé des contingents !
Le dilemme des populations est le même partout : par quoi et par qui faut-il remplacer l’ordre qui s’effondre ?
Ghannouchi, premier ministre de Ben Ali, a compris à ses dépens qu’il devait quitter le pouvoir ; mais, l’opposition laminée par trente années de dictature n’a pas encore réalisé qui mettre à sa place ! Comme le pouvoir a horreur du vide, Caïd Essebi, s’est engouffré dans la brèche. Ce n’est pas un homme nouveau. Il a 84 ans ! C’est le seul intérêt, son grand âge. Il paraît difficile de débuter une carrière de dictateur, dans ces conditions.
C’est au cours de cette période de flottement que l’Europe devrait jouer un rôle, celui de grand frère : aider à ce que se déroulent des élections rapidement, assurer la légalité des opérations, et garantir le nouveau pouvoir des conditions d’une paix intérieure.
On dirait que l’Europe attend de voir monter en puissance des facteurs inconnus à la révolution du jasmin, afin de normaliser un dialogue avec… un nouvel Ben Ali !
Les relations qui tardent entre l’Europe et le « nouveau » Maghreb, devraient nous faire comprendre combien nos dirigeants ont une étrange conception de la démocratie !
Leurs discours sont d’affreux mensonges destinés à nous faire avaler des couleuvres.
Où est-il le courageux engagement des révolutionnaires français de 89, qui donnait l’espérance aux peuples asservis, et promettait la justice et l’égalité ?
Si la démocratie s’en tient à contenir la folie aveugle d’un terrorisme intégriste, alors, on peut s’attendre à ce que cette lutte s’éternise, quand cet unique ennemi peut se fondre dans des pays à dictature pour reprendre des forces.
Justement, ce serait lutter plus efficacement contre la ferveur meurtrière religieuse, en aidant des populations sous dictature à secouer le joug. Al-Qaïda s’en trouverait déforcé et ses écoles d’assassins auraient moins d’asiles.
On commence enfin à comprendre pourquoi les dictatures à travers le monde ont un souverain mépris des démocraties. Ce n’est pas la chute de l’une d’elles de temps en temps, qui pourra leur faire craindre la « justice » des peuples.