Le pot-bouille et le nationalisme.
On croirait, à entendre les nationalistes flamands, que l’amour qu’ils portent à leur Communauté n’a rien à voir avec le caractère d’extrême droite de la N-VA et du Vlaams Belang.
Quoi de plus éclatante démonstration du contraire que le dépôt par la N-VA d’un projet de loi proposant d'octroyer un bonus aux Régions par chômeur dont les allocations sont suspendues.
C’est une fois de plus la preuve que les partis de droite – pas seulement en Belgique – dévalent la pente fatale de l’économie libérale dans ce qu’elle a de plus contraire à l’intérêt des masses, croyant – de bonne ou de mauvaise foi – que le système n’a besoin que du sacrifice des gens du dessous, pour qu’il redémarre.
Ces Flamands, qui n’aiment pas les Flamands dont le malheur est d’être chômeurs, sont exactement dans la ligne du combat du riche contre le pauvre. Prodigues de l’argent de la collectivité, lorsqu’il s’était agi de sauver les délinquants de la crise financière de 2008, les voilà à trouver scandaleux qu’on puisse être sans travail depuis plus de six mois et que l’on perçoive des allocations déjà fort chichement distribuées depuis les fonds publics.
Cela nous ramène à l’Ancien Régime, avant l’avènement du monde bourgeois, lorsque la noblesse propriétaire d’un pays, sans avoir contribué en rien à sa prospérité, se scandalisait des revendications, cependant modestes au début, du Tiers-Etat.
Les partisans de la N-VA savent-ils, en-dehors de leur nationalisme exacerbé, que leur combat, du point de vue économique pour l’orthodoxie capitaliste, est perdu d’avance ?
Certes, une bonne partie des Flamands est aveuglée par un sentiment de frustration et donc de haine par rapport aux francophones. Ce schéma de la lutte fratricide du bas pour les emplois, et les connivences du haut sur la concurrence, est l’idéal du capitalisme pur et dur. La N-VA a raison d’en profiter, il ne durera guère.
La dérive du système économique ne pourra pas éternellement être imputée aux francophones qui n’en peuvent.
Toute la stratégie de la N-VA tient dans l’exaspération entretenue par elle du sentiment de frustration à l’égard des autres Régions, avec tous les clichés que cela suppose.
L’effondrement du système économique ne se dissimulera pas longtemps derrière les chômeurs, puisque c’est le monde bourgeois qui s’effondre aujourd’hui. C’est la classe fondatrice de la démocratie qui va disparaître, celle qui fit l’essentiel du changement dans l’histoire du monde moderne et les Régions n’y sont pour rien !.
Déjà, l’Amérique n’est plus l’Amérique pour les mêmes raisons.
Ariana Huffington, dans son nouveau livre « L’Amérique qui tombe » nous donne un avant-goût de ce qui nous attend « Regardant le pays dans la vérité de ses chiffres et de la vie concrète de dizaines de millions de compatriotes de la classe moyenne, elle affirme que son pays avance à grands pas sur la voie du tiers-monde » (Marianne n° 729).
Cette Amérique que nous admirions du temps de la deuxième guerre mondiale, puis du plan Marshall et ensuite de la guerre froide, entre les sottises dites à son encontre, se profère une vérité. Celle-ci fut tellement rabâchée que chacun l’a encore en mémoire « le décalage entre le niveau de vie en Amérique et le nôtre est de dix ans ». Je laisse de côté les variantes qui vont jusqu’à vingt-cinq ans. Je retiens l’essentiel, à savoir que lier par des liens affectifs et économiques, notre destinée est inscrite dans le réel puisque nous deviendrons ce que l’Amérique est !
Dans l’Amérique d’Obama, les nids de poule des routes tuent davantage que l’alcool au volant. L’Amérique a besoin d’un plan Marshall qu’elle ne peut plus se payer. Non pas qu’elle n’en ait pas encore les moyens, mais parce que le lobby des grandes entreprises a « acheté » la démocratie américaine et ses élus.
Sous les oripeaux de théâtre du nationalisme flamand et de la N-VA, il y a une chose que Bart De Wever ne masquera plus longtemps : le système économique se détricote, quoi qu’il fasse, il ne rattrapera pas les mailles indéfiniment en accusant les victimes d’en être les fossoyeurs. Le capitalisme nous entraîne vers un abîme, dont même Bart De Wever n’a pas idée.
Le droit du sol sera demain bien moins important que celui de faire bouillir la marmite, et ce qu’on pourra y mettre sera mille fois préférables de le distribuer à tous, chômeurs compris, plutôt que le becqueter dans le dos du peuple.